OPÉRATION “DESERT FOX”:
“MISSION ACCOMPLIE”, DISENT LES AMÉRICANO-BRITANNIQUES
SADDAM HUSSEIN CRIE VICTOIRE
LES FORCES US DANS LE GOLFE RESTENT EN ÉTAT D’ALERTE

Au cri de: “Saddam a gagné” - “Mort à Clinton”, les Irakiens ont célébré la fin des frappes aériennes, synonymes pour eux, de victoire sur les forces armées américaines et britanniques. Dans une intervention télévisée, le président Saddam Hussein a salué la résistance de son peuple en ces termes: “Vous avez su faire face; bravo!”. Phrase reprise dans toute la presse irakienne du lundi 21 décembre, alors que les images des manifestations de joie alternent, sur le petit écran, avec le spectacle de la destruction, des blessés et des morts, alors que la vie reprend.
Devant les caméras (occidentales), les Irakiens expriment le même enthousiasme comme
pour dire au monde: “Nous avons gagné”.
 
 

Image familière de nos propres années de guerre. 
On attendait une accalmie pour pointer le nez dehors.
 

Photo prise d’un hélicoptère US 
du porte-avions Belleau-Wood.
 

Le QG du parti Baas à Bagdad.
Les 5 flèches indiquent les endroits qui ont été touchés par les bombardements.
 

Après les obus, le déblayage.



Le message
de Saddam Hussein à 
la télévision irakienne.
 

En Egypte, 5.000 fidèles ont lancé un appel à la guerre sainte.
 

QUI A PERDU, QUI A GAGNÉ?
Certes, le concept de la victoire est relatif, chacune des deux fractions antagonistes percevant l’arrêt des raids à sa manière. Qui a gagné, qui a perdu dans l’opération “Desert Fox” qui a duré quatre jours? Il est trop tôt pour le dire, d’autant que les Américano-Britanniques, tout comme Saddam Hussein, affirment, chacun de son côté, avoir atteint ses objectifs.
Mais pour l’instant, l’heure est au bilan après que les “Tomahawk”, “Tornado” et “bombardiers B-52” eurent transformé les nuits irakiennes en véritable cauchemar.
Selon les sources américaines, près de 500 missiles de croisière ont été lancés sur une centaine d’objectifs en Irak, plus que durant la guerre du Golfe. Pour les officiers américains qui ont dirigé les bombardements, “Renard du Désert” a été un franc succès: “Nous ne voyons pas comment nous aurions pu faire mieux, affirme le contre-amiral Cutler Dawson. Je suis heureux de voir que tout le monde est sain et sauf. De même, il n’y a pas une égratignure, pas une bosse, pas une odeur suspecte sur le moindre de nos appareils et j’en suis très satisfait.”
De son côté, l’Irak affirme avec fierté avoir abattu 121 missiles, alors que Saddam Hussein rendait hommage à la résistance de son peuple.
QUID DES CIBLES TOUCHÉES?
Toujours selon un bilan américain, parmi les principales cibles touchées figurent: le quartier général du parti Baas (au pouvoir) à Bagdad, dont les bâtiments ont été très durement endommagés; le système de défense anti-aérien, des usines de production de missiles, des sièges de services de renseignements, des pistes d’atterrissage dans les bases militaires, etc...
Dans les faits, il était difficile après l’arrêt des attaques et des bombardements, de juger de l’importance des destructions infligées aux infrastructures militaires et à certaines installations économiques. C’est ce qu’indiquent les diplomates en poste à Bagdad, ainsi que les correspondants de presse occidentaux. Ces derniers affirment dans leurs reportages et commentaires, qu’ils n’ont eu accès qu’aux sites civils et non militaires. Ils ne sont pas autorisés à se rendre sur les lieux des bombardements, ni à savoir ce qu’il y avait dans les sites bombardés. Les correspondances émanant de l’Irak confirment, qu’en plus de Bagdad, Bassora, deuxième ville du pays, a été intensivement pillonnée, notamment son grand port pétrolier.
Mais si les journalistes étaient limités dans leurs déplacements pour pouvoir se faire une idée exacte de l’étendue des dégâts causés par les frappes américano-britanniques, William Cohen, secrétaire américain à la Défense, exprimait sa satisfaction, affirmant que les attaques avaient été un succès: “Nous avons frappé neuf des installations de recherches et de développement pour missiles. Il sera difficile à Saddam Hussein de procéder à de telles recherches pendant au moins une année.”
Le général Henry Shelton, chef d’état-major interarmes US, parle, aussi, de 20 des 21 installations de commandement et de contrôle touchées, ainsi que  “18 des 19 installations de protection en matière d’armement de destruction massive.”

LA VIE REPREND SON COURS
Sur le bilan des victimes, pas de chiffres officiels et définitifs non plus. On parle de 75 tués parmi les civils, alors que le vice-Premier ministre irakien, Tarek Aziz, a annoncé qu’il y a eu, du côté militaire, 62 soldats tués et 180 blessés. Il a insisté sur le fait que les cibles touchées par les missiles et les raids étaient, surtout, des objectifs civils: quartiers résidentiels, hôpitaux, établissements industriels... Quant à l’ambassadeur d’Irak aux Nations Unies, Nizar Hamdoun, il devait indiquer que “des milliers de personnes ont été tuées et blessées.”
Mais au-delà des pertes humaines et des cibles civiles, militaires et stratégiques visées et atteintes, les Irakiens ont voulu offrir au monde, via les télés occidentales et les satellites, l’image d’un peuple victorieux s’activant à surmonter cette nouvelle épreuve. La vue des élèves reprenant le chemin de l’école, des fonctionnaires celui des administrations, de particuliers reconstruisant un commerce détruit, un pan de mur, etc... sont significatifs. Le peuple se manifeste aussi par le cérémonial quotidien du Ramadan, même si des restrictions sont imposées sur les produits alimentaires à cause de l’embargo. D’ailleurs, les Américains et les Britanniques vont maintenir les sanctions économiques et l’embargo sur le pétrole qui ont valu en pertes 180 milliards de dollars à l’Irak depuis 1990.

QUEL AVENIR POUR L’UNSCOM?
Dans la nuit du samedi 19 au dimanche 20 décembre, le président Bill Clinton et le Premier ministre britannique, Tony Blair, annonçaient la fin de l’opération “Renard du Désert” qui avait commencé quatre jours plus tôt. Les raids se sont arrêtés pour céder le pas à l’action diplomatique.
Premier objectif: l’avenir de l’UNSCOM. A Bagdad, on exclut tout retour des inspecteurs de l’ONU chargés du désarmement, alors que les alliés souhaitent la reprise de leur mission.
Sur quelle base va s’établir le nouveau rapport de l’Irak avec la communauté internationale? On parle d’un nouveau système de contrôle qui reste à définir.
Autre question primordiale: la stabilité du régime de Saddam Hussein. L’un des objectifs de “Desert Fox” n’était-il pas d’ébranler son pouvoir?
Selon les diplomates occidentaux en poste à Bagdad, les frappes n’ont, semble-t-il, pas remis en cause la stabilité du régime, alors que les opposants irakiens estiment même que l’opération a renforcé la position de Saddam dans le monde arabe.

APPUI POPULAIRE ARABE
Les manifestations d’appui à l’Irak dans les capitales arabes en témoignent. La plus grande de ces manifestations a eu lieu à Damas où l’ambassade américaine a été attaquée par des milliers de manifestants, lesquels ont lancé des pierres sur le bâtiment et brûlé le drapeau américain. Les gardes ont riposté en lançant des bombes lacrymogènes. Les forces syriennes de sécurité ont dû, même, intervenir pour contrer la foule.
En Egypte, à la mosquée d’Al-Azhar, cinq mille fidèles ont lancé des appels à la guerre sainte (Al-Jihad) contre les Etats-Unis. En Cisjordanie et à Gaza, à Amman, au Liban, à Khartoum, partout le peuple a réagi souvent au nom de l’islam plus que de l’arabité pour dénoncer l’opération “Renard du Désert”. On est en 1998 bien loin de l’appui accordé par les Arabes aux Occidentaux lors de la deuxième guerre du Golfe, huit ans auparavant.
Mais les Américano-Britanniques n’en démordent pas pour autant. Ils se disent prêts à frapper, à tout moment, si la nécessité s’en fait sentir. Aussi, maintiennent-ils leurs forces en état d’alerte.


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