tribune
 
TRISTE BILAN
1998 que nous venons de clôturer est une nouvelle année perdue pour la paix. Chaque pas en avant accompli depuis sept ans a été suivi de deux pas en arrière. M. Shamir nous avait prévenus en allant à la conférence de Madrid: “Je ferais traîner ces négociations pendant dix ans.” En d’autres termes, jusqu’au moment où il n’y aura plus moyen de les faire aboutir. 
Nous y sommes. Netanyahu a été plus rapide que ne le prévoyait Shamir. Il est plus jeune. 
L’arrivée à la tête de l’Ad-ministration américaine d’un homme faible, inexpérimenté, infatué de lui-même, l’assassinat de Rabin, l’accession au pouvoir de l’adversaire de la paix, Netanyahu, la relance de la colonisation dans les territoires occupés, tous ces événements successifs ont conduit au blocage total du processus de paix. 
Pendant ce temps, la destruction de l’Irak est poursuivie sans relâche, démentant la promesse de l’abandon de la “politique des deux poids et deux mesures” formulée solennellement par les prédécesseurs de M. Clinton. Le parrain américain du processus de paix a perdu toute crédibilité. Et ses aventures sexuelles l’ont ridiculisé et dépouillé de toute autorité morale. Il ne lui reste plus que ses “forteresses volantes” pour faire encore peur. Pour terroriser gouvernements et populations, mais certainement pas en Israël. 
***

Les conséquences, on les aura. 
Si les populations arabes excédées manifestent leur colère et leur indignation, ce n’est certes pas par amour pour Saddam Hussein, mais contre l’injustice dont elles continuent d’être la victime. Les gouvernements des rares pays arabes qui entretiennent des relations avec Israël, en particulier l’Egypte et la Jordanie, se voient forcés de suivre le mouvement pour ne pas être dépassés et risquer des troubles. 
A l’autre extrémité de l’éventail, on entend un Ben Laden inciter carrément au meurtre. 
Qui peut encore stopper cette dérive? 
Entre l’attaque contre l’Irak en 1991 et le dernier bombardement infligé à ce pays, on nous explique que les équipements électroniques et de radar des forces américaines ont été perfectionnés. C’est, désormais, tout à fait la guerre presse-boutons. Tout est réglé dans une sorte de laboratoire. L’opérateur ne voit jamais l’ennemi face à face, ni même l’objectif; seulement des images sur un écran. C’est comme un jeu. C’est merveilleux, non? Les populations? Qui a le loisir d’en tenir compte? Et si l’image d’un hôpital ou d’une école apparaît sous la forme d’une caserne? Quelle importance? 
A son échelle, Israël se livre au même jeu. Les maisons et les villages du Liban-Sud et de la Békaa en sont les cibles. Il suffit de prétendre qu’ils abritent des “terroristes” et on est quitte pour tuer des innocents. 
L’Amérique ne donne-t-elle pas l’exemple? Ne fournit-elle pas les instruments? 
Est-ce que l’organisation des Nations Unies, gardienne de la paix, existe toujours? Est-ce que les conventions qu’elle a adoptées, les résolutions qu’elle a votées ont-elles encore une signification? A quoi songe donc le bon Kofi Annan quand il se contente d’être poli et doux avec des gouvernements qui tuent? 
Il fut un temps où l’on rendait responsable de l’inefficacité de l’ONU le “Monsieur Niet” soviétique de service. Aujourd’hui, les Etats-Unis sont seuls maîtres à bord; que font-ils de leur puissance? 
Est-ce qu’ils disent la justice, rétablissent et maintiennent la paix? Ou se flattent-ils seulement d’empêcher l’ONU de se mêler de ce fameux processus de paix, dont ils furent les initiateurs et sont devenus les fossoyeurs? 
Que la restitution des territoires de Cisjordanie soulève des problèmes à cause de l’imbrication des intérêts des colons, de leur fanatisme, de l’attitude de certaines organisations palestiniennes et des querelles politiciennes en Israël même, on peut le comprendre sans l’excuser. Il y a des responsables de cette situation. Il faut les désigner et les écarter. En revanche, quelle difficulté pose l’évacuation du Liban-Sud et du Golan? Et tout particulièrement, l’application de la résolution 425, dont le texte est le plus clair, le plus net que le Conseil de Sécurité ait jamais voté? 
Il faut bien se rendre à l’évidence. Dans toute cette affaire, Washington a cru habile de manœuvrer et il est tombé constamment dans le piège israélien sans voir les conséquences sur ses propres “intérêts nationaux”. Le gouvernement américain a besoin de mesurer combien devrait être prioritaire pour ses “intérêts nationaux” la confiance des populations arabes et s’y tenir avec conviction et fermeté. 
Mais c’est probablement trop tard. 

***

Enfin, pour terminer cette lamentable année, M. Clinton essaie en ce moment de se refaire une sorte de virginité aux yeux du Sénat, afin de sauver son mandat. Dans le même temps, M. Netanyahu, pour préparer sa campagne électorale, songe, dit-on, à se lancer dans une nouvelle aventure au Liban. Est-ce un Clinton qui serait en situation de lui dire “Non!”? Ou M. William Cohen qui vient de fêter joyeusement avec les Marines le “succès” de ses bombardements irakiens? Ou Mme Albright devenue étrangement muette? 
Décidément, 1999 commence sous de tristes auspices. La cote de popularité de M. Clinton aux Etats-Unis est en hausse constante... 

 
 

Home
Home