Bloc - Notes

ParALINE LAHOUD  
 

OUVREZ LES DOSSIERS

Que va-t-on encore nous mettre sous le nez? Depuis l’accession d’Emile Lahoud à la présidence de la République, nous vivons un temps d’où toute monotonie semble bannie comme une incongruité. Nous aurions mieux apprécié cette richesse dans la diversité si nous n’avions pas eu plus d’un scandale à la clé.
C’est bien simple, chaque semaine nous apporte sa pleine cargaison de surprises, certaines plutôt saumâtres. Chaque jour nous réserve des révélations qui nous laissent pantois. Chaque heure nous fait découvrir le genre de moutons que nous avons été pour nous être laissés mener ainsi à l’abattoir avec interdiction de bêler. Chaque instant nous fait mesurer un aveuglement poussé à un degré tel que cela touchait à l’idiotie congénitale.
La récente découverte - et certainement pas la dernière - est l’affaire des bonus. Imaginez un peu l’état d’esprit du contribuable, troussé comme un poulet par le ministre des Finances, qui se trouve brusquement confronté avec un déluge de millions déversés par ce même ministre des Finances et son patron sur la tête d’une escouade de favoris.
Je ne sais pas quel doit être le nombre d’individus qui composent une escouade, mais celle dont nous parlons atteint les 400 aux Finances et autant aux P. et T. Huit cents personnes, des amis et des proches, dit-on, qui ont touché en fin d’année des bonus allant de 2 à 14 millions chacun et ce, au nez et à la barbe des citrons pressés que nous sommes.
Ainsi, M. Sanioura se battait bec et ongles pour ne pas accorder 500  livres d’augmentation à de pauvres diables de fonctionnaires nommés, légalement, qui marinent depuis des décades dans leur maigre jus et  se pétrifient sous la poussière quasi archéologique d’une administration antidiluvienne, dans le même temps qu’il faisait pleuvoir des centaines de millions sur l’essaim de frelons de la garde prétorienne! Sans compter l’infortuné smicard dont le bonus de 14 millions représente trois fois son salaire annuel.
Mieux encore, les derniers bonus ont été octroyés par arrêté ministériel et signés après la démission du gouvernement Hariri, au cours de la période dite “d’expédition des affaires courantes”. C’est-à-dire, constitu-tionnellement, une période au cours de laquelle le gouvernement démissionnaire n’a le droit de prendre aucune initiative. Qu’est-ce qui a bien pu pousser des gens supposés intelligents à commettre une telle bourde? Très probablement la force de l’habitude et l’impunité garantie (moyennant quoi?) par deux parlements successifs, dont la docilité avait fini par toucher à la servilité, pour ne pas dire à la complicité.
Presque la totalité de ces beaux messieurs avaient passé six ans (sans compter le parlement qui est mort de sénilité en 1992 après 20 ans de sclérose) à violer allègrement la Constitution, fabriquant des lois à faire dresser les cheveux sur la tête du Conseil constitutionnel et mettant à l’honneur des pratiques dont la flagrante illégalité faisait syncoper le Conseil d’Etat. Ceux qui protestaient, on les envoyait “paver la mer”, autrement dit se faire voir ailleurs.
Sans le moindre état d’âme, avec une superbe assurance, ils poursuivaient leur avancée triomphale, sans un instant de doute, sans même se répéter le mot de la mère de Napoléon “pourvu que ça dure”, tant ils étaient sûrs que ça allait durer. Résultat, nous nous couchions chaque soir plus déplumés que le matin et nous nous levions le matin plus lessivés que le soir.
Où se sont donc envolés toutes les taxes que l’on nous a extorquées et les impôts dont on nous a écorché vifs? Où sont passés les 20 ou 26 milliards de dollars empruntés à gros intérêts et sanglots à droite et à gauche? Qu’est-ce qui, malgré ces milliards, a creusé ce trou insondable dans le budget de l’Etat?
Les présidents Lahoud et Hoss sont arrivés au pouvoir sous le signe de la transparence et de la loi avec toutes ses rigueurs. Nous avons au ministère de la Justice, un homme aussi intègre et doté d’un rare courage. Que tous les dossiers soient ouverts. Ainsi seront lavés de  tout soupçon les dirigeants que des rumeurs malveillantes ont salis à tort et seront déférés devant les juridictions compétentes ceux dont les malversations n’ont eu d’égales que l’arrogance et la brutalité.
Sinon, nous serons condamnés, sans l’espoir d’un recours, cette fois-ci, à nous coucher chaque soir plus déçus que la veille, avec non seulement des lendemains qui déchantent, mais sans lendemains du tout. 

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