DÉPUTÉ DU METN-NORD
CHAKER ABOUSLEIMAN:
 “LE PEUPLE LIBANAIS A RÉCLAMÉ L’ÉLECTION D’EMILE LAHOUD, PARCE QUE C’EST L’HOMME DES INSTITUTIONS, JOUISSANT DE LA TRANSPARENCE ET DE LA DROITURE”

La commission parlementaire de l’Administration et de la Justice que j’ai l’honneur de présider, s’emploie à la révision de certaines législations en vigueur, notamment celles relatives au code de la procédure pénale ou régissant les compagnies d’assurances, ce secteur ayant son importance à l’instar de celui des banques.
D’autre part, il s’est prononcé contre la prorogation de la loi sur les loyers jusqu’en juin prochain, “parce qu’ainsi nous ajournons ce problème au lieu de lui trouver une solution”.
En ce qui concerne le problème de l’habitat, il estime qu’il peut être résolu par une politique à long terme, susceptible d’encourager le citoyen à s’approprier un logement.
 

CHANGEMENT DE STYLE ET DE MENTALITÉ
Tout d’abord, le parlementaire metniote constate qu’il y a eu changement de style et de mentalité après l’accession du général Emile Lahoud à la magistrature suprême.
“On ne peut nier que les présidents Hraoui et Hariri ont accompli des réalisations importantes dans des circonstances difficiles. Cependant, ils ont négligé bien des questions fondamentales qu’il n’est pas nécessaire de rappeler ici.
“Quant au nouveau régime, son style et sa mentalité diffèrent du précédent. Cela est clairement apparu dans le discours d’investiture, surtout en ce qui concerne l’application des lois envers et contre tous, les citoyens devant être traités sur le même pied d’égalité, sans aucune discrimination. Le président Lahoud s’est placé lui-même au-dessous de la loi et il applique à la lettre ses engagements.
“Les récentes nominations se distinguent par la transparence, aucun nouveau titulaire n’étant pris en dehors du cadre officiel. Ceci encourage les fonctionnaires à s’acquitter de leurs charges avec zèle et conscience, car le principe de la récompense et du châtiment va être appliqué désormais à la lettre. Fini le temps où ces derniers étaient recrutés sur la base de leur affiliation politique.
“Quant au “Cabinet des 16”, ses membres se distinguent par leur compétence et leur spécialisation et il faut les soutenir pour permettre au pays de franchir cette étape délicate de son Histoire.
“Si les présidents Lahoud, Hoss et les ministres ne parvenaient pas à réformer l’administration, à mettre un terme à la corruption et au gaspillage, cela signifierait que notre pays serait incapable de se gouverner et qu’il faudrait le placer sous tutelle; nous devons prendre conscience de la gravité d’un tel état de choses.”

APPUI PARLEMENTAIRE ET POPULAIRE AUX “SEIZE”
- Combien de temps faudrait-il pour réaliser le plan de redressement et d’assainissement des institutions étatiques?
“Je crois que tout apparaîtra au grand jour dans un délai de six mois, à l’exception des affaires financières qui exigent plus de temps. L’important est de placer les choses dans leur cours naturel, car la course du mille commence par le premier pas.
“Ce qui rassure sur ce plan, c’est que le gouvernement bénéficie du soutien parlementaire et populaire à la fois; c’est pourquoi, il se doit de se mettre rapidement à l’œuvre.”
- Il est connu que nos finances publiques ne sont pas brillantes; où trouver l’argent nécessaire pour rembourser la dette qui se monte à des dizaines de milliards et financer les projets d’équipement et de développement?
“Ceci relève de la responsabilité du gouvernement et nous attendons de prendre connaissance du projet de budget 99 pour avoir une idée de la manière selon laquelle les responsables se proposent de traiter le dossier économico-financier, d’autant que le “Cabinet des 16” compte des éléments spécialisés en la matière.
“Quoi qu’il en soit, la logique requiert l’amélioration de la perception des impôts et taxes, tout en mettant fin au gaspillage et à la corruption, d’où la nécessité de renforcer les organismes de contrôle. En ce faisant, on peut rétablir l’équilibre entre les dépenses et les recettes, progressivement.
“Puis, il faudrait établir un nouvel ordre des priorités par rapport aux projets qui n’ont pas encore été exécutés et les réaliser par étape.”

LAHOUD EST L’EXEMPLE ET LE MODÈLE
- Certains politiciens craignent que le nouveau régime ait tendance “à militariser” le système. Qu’en pensez-vous?
“Cette question m’a été posée avant l’élection du nouveau chef de l’Etat. J’ai répondu que le peuple réclame cette élection, car le président Lahoud se distingue par la transparence et la droiture. De plus, c’est l’homme des institutions ayant donné la preuve de sa capacité dans la restructuration de l’Armée, dont il a fait un modèle à suivre.
“Il n’y a pas lieu de craindre que l’institution militaire s’immisce dans la politique, justement parce que son ancien commandant en chef l’avait mise à l’abri de la politique et des politiciens. Il ne peut donc ramener la Grande Muette à la politique, car ainsi il perdrait tout son crédit. Le président Lahoud apporte avec lui la moralité dans son sens sublime, ce qui suppose la discipline, la transparence et l’application des lois envers et contre tous.
“Il sera donc le modèle et l’exemple, comme il l’a affirmé dans son discours d’investiture.”
- Quel est le plan d’action de la commission parlementaire que vous présidez sous le nouveau régime?
“Elle s’attellera à l’étude d’une série de lois requérant leur révision pour les rendre plus équitables. Je pense, notamment, au Code pénal, à la loi régissant les compagnies d’assurance dont l’importance ne le cède en rien à celle du secteur bancaire, la révision du code de la procédure pénale.
“La commission attend le projet gouvernemental relatif à la décentralisation administrative et celui relatif à la  naturalisation.”
- D’aucuns disent que ces projets étaient à l’origine de votre brouille avec M. Auguste Bakhos, ancien parlementaire qui préside la commission pour la rénovation des lois?
“Auguste Bakhos est un collègue et un ami que je respecte; il reste un allié. Cependant, je lui fais grief d’avoir critiqué la commission que je préside, sous prétexte qu’elle tarde à examiner les projets dont elle est saisie. En fait, la commission s’acquitte de son rôle avec sérieux et persévérance, mais le nombre des projets (plus de soixante-quinze en ce moment) qu’elle est tenue d’étudier nécessite du temps. De plus, trois projets et propositions de lois lui sont transmis chaque semaine.
“Nous étudions les textes qui nous sont soumis avec réalisme et abnégation pour éviter l’erreur, d’où la nécessité de procéder lentement, car la qualité du travail importe pour nous davantage que sa quantité.”

QUID DE LA LOI SUR LES LOYERS?
- Où en est le projet de loi sur les loyers?
“Il a été étudié en profondeur et je m’oppose à la prorogation de cette loi jusqu’en juin 99, comme le proposent certains collègues, car ainsi nous prolongeons le problème au lieu de le résoudre.
“Je tiens à préciser que nous lui avons consacré quatorze séances, au cours desquelles nous avons recueilli les avis de toutes les instances concernées par cette législation: les propriétaires d’immeubles, les locataires, les Ordres des avocats, les fédérations ouvrières, les présidents de la Banque et du Comité national de l’Habitat.
“Nous avons examiné le projet en question sous tous les angles et je ne crois pas que quelque chose changera d’ici à juin pour qu’il soit nécessaire d’y apporter des modifications.”
- Mais le gouvernement n’est plus le même...
“En  quoi cela change-t-il sur ce plan? Le point contre lequel on se trouve en butte reste le même: le problème dure depuis soixante ans, même avant la Seconde Guerre mondiale; soit avant 1940.”

POUR UNE POLITIQUE DE L’HABITAT À LONG TERME
- Quelle est, à votre avis, la solution?
“L’unique solution réside dans une décision que prendrait le gouvernement d’opter pour une politique à long terme de l’habitat, dans l’intention d’encourager le citoyen à s’approprier un logement en en acquittant le prix à crédit.
“Certains suggèrent la libération des loyers. Or, si cette suggestion était adoptée, les trois-quarts des locataires seraient sans appartement et cela provoquerait une crise sociale sans pareille. Aussi, avons-nous adopté la meilleure formule possible à l’ombre de la situation présente, étant entendu que depuis 1992, la plupart des loyers ont été libéralisés.
“Nous avons essayé d’améliorer les anciens baux dans la mesure du possible et je crois que les plus défavorisés, actuellement, sont les propriétaires des anciens immeubles.”
- Le précédent Cabinet a échoué dans sa tentative d’appliquer une politique d’habitat...
“En coordination avec le Comité national, le gouvernement a élaboré des lois régissant l’habitat, en accord avec les banques qui commenceront, dès le mois prochain, à accorder des prêts pour vingt ans, moyennant des taux d’intérêt acceptables.
“Le Comité national de l’Habitat contribuera à acquitter les premiers versements et, de cette manière, le locataire deviendra propriétaire de son logement... Le projet y relatif nous a été transmis depuis deux mois et nous l’avons ratifié avec célérité.”
- Le locataire pourra-t-il dans les conditions actuelles, acquitter sans difficulté le prix de l’appartement qu’il achètera à crédit?
“Les citoyens de la classe moyenne devraient acquérir des appartements ayant une superficie réduite, moyennant un prix logique et abordable.”
- Le fait de convoquer l’Assemblée en session extraordinaire aurait-il pour but de ne pas conférer au gouvernement les pleins pouvoirs?
“Je ne le crois pas. Je puis affirmer que le président de la Chambre ne retarde nullement l’étude d’aucun projet qui lui est communiqué. Puis, le Cabinet n’a pas besoin des pleins pouvoirs, du moment que les commissions hâtent l’examen des projets et les transmet à l’Assemblée pour les ratifier en séances plénières.
“A ce propos, je précise que vingt des vingt-deux projets dont notre commission a été saisie, ont été approuvés sans retard.”

SUR QUELLE BASE AVEZ-VOUS ACCORDÉ LA CONFIANCE?
- Sur quelle base avez-vous accordé la confiance au Cabinet Hoss?
“Nous lui avons accordé une confiance absolue, pour la raison que le gouvernement tire son crédit et sa force du chef de l’Etat. En plus de cela, le chef et les membres du Cabinet se distinguent autant par leur compétence que par leur honorabilité et on ne peut leur demander des comptes à l’avance. Il faut contrôler leur action et les juger à leurs actes.”
- Comment expliquez-vous la cabale menée contre l’un des ministres?
“Vous faites allusion à M. Georges Corm, ministre des Finances. Si ses relations avec la Syrie étaient mauvaises, Damas serait en mesure de se défendre.
“Nul ne peut nier la compétence et la moralité de M. Corm et on doit le juger sur base de ce qu’il va accomplir. Quant à son passé, il ne doit pas entrer en ligne de compte.”
- Le président Rafic Hariri dont la coterie avait laissé entendre qu’il ferait de l’opposition, adopte jusqu’ici une position de neutralité, alors que son allié Walid Joumblatt décoche ses flèches empoisonnées aux responsables. Qu’en pensez-vous?
“Ceci est dans la nature du leader du PSP qui s’est ainsi comporté depuis qu’il est entré sur la scène politique. Il a toujours eu tendance, même étant ministre, à rallier les opposants. Quant au président Hariri, les mois à venir montreront quelle attitude il compte  adopter à l’égard du gouvernement et du pouvoir.”
- Que pensez-vous des récentes nominations administratives et militaires?
“Les nouveaux promus jouissent de la compétence et de la moralité et le fait qu’ils aient été choisis au sein des organismes où ils assumaient une fonction est de bon augure.”
- Qu’auriez-vous à dire de l’abrogation de la décision interdisant les manifestations?
“La Constitution garantit les libertés sous toutes leurs formes: libertés d’expression, d’opinion, de pensée et de rassemblement.
“Le nouveau Cabinet se préoccupe d’appliquer la loi envers et contre tous et il se propose de reconsidérer la loi régissant l’audiovisuel qui comporte certaines lacunes.”
- Serait-ce une réplique à ceux qui appréhendent la “militarisation” du système?
“Il s’agit d’une question de principe, le gouvernement ayant agi, dans ce domaine, conformément à la Constitution, aux lois et règlements en vigueur.”
- Comment expliquez-vous la présence de M. Michel Murr dans tous les gouvernements?
“Le Liban a une situation communautaire délicate et M. Murr est l’un des éléments les plus représentatifs de la communauté grecque-orthodoxe. Il a prouvé sa compétence et son efficacité dans les départements ministériels dont il a détenu les portefeuilles, en particulier à l’Intérieur qui a supervisé les législatives et les municipales.”
- Certains députés se plaignent de ce qu’il refuse de les recevoir...
“Cela n’est pas exact. M. Murr reçoit les membres de l’Assemblée chaque jeudi et de nombreux visiteurs dont il prend note de leurs doléances et tente de les satisfaire le plus rapidement possible.”
- Quelle est votre prévision en ce qui concerne les négociations de paix au Proche-Orient?
“Elles sont bloquées, car la situation intérieure en Israël n’est pas stable. Puis, des élections générales anticipées  doivent y être organisées incessamment, ce qui laisse prévoir une période perturbée.”

Propos recueillis par
ZALFA BASSILA

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