CHANGEMENT DE STYLE ET DE MENTALITÉ
Tout d’abord, le parlementaire metniote constate qu’il y a eu changement
de style et de mentalité après l’accession du général
Emile Lahoud à la magistrature suprême.
“On ne peut nier que les présidents Hraoui et Hariri ont accompli
des réalisations importantes dans des circonstances difficiles.
Cependant, ils ont négligé bien des questions fondamentales
qu’il n’est pas nécessaire de rappeler ici.
“Quant au nouveau régime, son style et sa mentalité diffèrent
du précédent. Cela est clairement apparu dans le discours
d’investiture, surtout en ce qui concerne l’application des lois envers
et contre tous, les citoyens devant être traités sur le même
pied d’égalité, sans aucune discrimination. Le président
Lahoud s’est placé lui-même au-dessous de la loi et il applique
à la lettre ses engagements.
“Les récentes nominations se distinguent par la transparence,
aucun nouveau titulaire n’étant pris en dehors du cadre officiel.
Ceci encourage les fonctionnaires à s’acquitter de leurs charges
avec zèle et conscience, car le principe de la récompense
et du châtiment va être appliqué désormais à
la lettre. Fini le temps où ces derniers étaient recrutés
sur la base de leur affiliation politique.
“Quant au “Cabinet des 16”, ses membres se distinguent par leur compétence
et leur spécialisation et il faut les soutenir pour permettre au
pays de franchir cette étape délicate de son Histoire.
“Si les présidents Lahoud, Hoss et les ministres ne parvenaient
pas à réformer l’administration, à mettre un terme
à la corruption et au gaspillage, cela signifierait que notre pays
serait incapable de se gouverner et qu’il faudrait le placer sous tutelle;
nous devons prendre conscience de la gravité d’un tel état
de choses.”
APPUI PARLEMENTAIRE ET POPULAIRE AUX “SEIZE”
- Combien de temps faudrait-il pour réaliser
le plan de redressement et d’assainissement des institutions étatiques?
“Je crois que tout apparaîtra au grand jour dans un délai
de six mois, à l’exception des affaires financières qui exigent
plus de temps. L’important est de placer les choses dans leur cours naturel,
car la course du mille commence par le premier pas.
“Ce qui rassure sur ce plan, c’est que le gouvernement bénéficie
du soutien parlementaire et populaire à la fois; c’est pourquoi,
il se doit de se mettre rapidement à l’œuvre.”
- Il est connu que nos finances publiques ne sont pas brillantes;
où trouver l’argent nécessaire pour rembourser la dette qui
se monte à des dizaines de milliards et financer les projets d’équipement
et de développement?
“Ceci relève de la responsabilité du gouvernement et
nous attendons de prendre connaissance du projet de budget 99 pour avoir
une idée de la manière selon laquelle les responsables se
proposent de traiter le dossier économico-financier, d’autant que
le “Cabinet des 16” compte des éléments spécialisés
en la matière.
“Quoi qu’il en soit, la logique requiert l’amélioration de la
perception des impôts et taxes, tout en mettant fin au gaspillage
et à la corruption, d’où la nécessité de renforcer
les organismes de contrôle. En ce faisant, on peut rétablir
l’équilibre entre les dépenses et les recettes, progressivement.
“Puis, il faudrait établir un nouvel ordre des priorités
par rapport aux projets qui n’ont pas encore été exécutés
et les réaliser par étape.”
LAHOUD EST L’EXEMPLE ET LE MODÈLE
- Certains politiciens craignent que le nouveau régime ait
tendance “à militariser” le système. Qu’en pensez-vous?
“Cette question m’a été posée avant l’élection
du nouveau chef de l’Etat. J’ai répondu que le peuple réclame
cette élection, car le président Lahoud se distingue par
la transparence et la droiture. De plus, c’est l’homme des institutions
ayant donné la preuve de sa capacité dans la restructuration
de l’Armée, dont il a fait un modèle à suivre.
“Il n’y a pas lieu de craindre que l’institution militaire s’immisce
dans la politique, justement parce que son ancien commandant en chef l’avait
mise à l’abri de la politique et des politiciens. Il ne peut donc
ramener la Grande Muette à la politique, car ainsi il perdrait tout
son crédit. Le président Lahoud apporte avec lui la moralité
dans son sens sublime, ce qui suppose la discipline, la transparence et
l’application des lois envers et contre tous.
“Il sera donc le modèle et l’exemple, comme il l’a affirmé
dans son discours d’investiture.”
- Quel est le plan d’action de la commission parlementaire que vous
présidez sous le nouveau régime?
“Elle s’attellera à l’étude d’une série de lois
requérant leur révision pour les rendre plus équitables.
Je pense, notamment, au Code pénal, à la loi régissant
les compagnies d’assurance dont l’importance ne le cède en rien
à celle du secteur bancaire, la révision du code de la procédure
pénale.
“La commission attend le projet gouvernemental relatif à la
décentralisation administrative et celui relatif à la
naturalisation.”
- D’aucuns disent que ces projets étaient à l’origine
de votre brouille avec M. Auguste Bakhos, ancien parlementaire qui préside
la commission pour la rénovation des lois?
“Auguste Bakhos est un collègue et un ami que je respecte; il
reste un allié. Cependant, je lui fais grief d’avoir critiqué
la commission que je préside, sous prétexte qu’elle tarde
à examiner les projets dont elle est saisie. En fait, la commission
s’acquitte de son rôle avec sérieux et persévérance,
mais le nombre des projets (plus de soixante-quinze en ce moment) qu’elle
est tenue d’étudier nécessite du temps. De plus, trois projets
et propositions de lois lui sont transmis chaque semaine.
“Nous étudions les textes qui nous sont soumis avec réalisme
et abnégation pour éviter l’erreur, d’où la nécessité
de procéder lentement, car la qualité du travail importe
pour nous davantage que sa quantité.”
QUID DE LA LOI SUR LES LOYERS?
- Où en est le projet de loi sur les loyers?
“Il a été étudié en profondeur et je m’oppose
à la prorogation de cette loi jusqu’en juin 99, comme le proposent
certains collègues, car ainsi nous prolongeons le problème
au lieu de le résoudre.
“Je tiens à préciser que nous lui avons consacré
quatorze séances, au cours desquelles nous avons recueilli les avis
de toutes les instances concernées par cette législation:
les propriétaires d’immeubles, les locataires, les Ordres des avocats,
les fédérations ouvrières, les présidents de
la Banque et du Comité national de l’Habitat.
“Nous avons examiné le projet en question sous tous les angles
et je ne crois pas que quelque chose changera d’ici à juin pour
qu’il soit nécessaire d’y apporter des modifications.”
- Mais le gouvernement n’est plus le même...
“En quoi cela change-t-il sur ce plan? Le point contre lequel
on se trouve en butte reste le même: le problème dure depuis
soixante ans, même avant la Seconde Guerre mondiale; soit avant 1940.”
POUR UNE POLITIQUE DE L’HABITAT À LONG
TERME
- Quelle est, à votre avis, la solution?
“L’unique solution réside dans une décision que prendrait
le gouvernement d’opter pour une politique à long terme de l’habitat,
dans l’intention d’encourager le citoyen à s’approprier un logement
en en acquittant le prix à crédit.
“Certains suggèrent la libération des loyers. Or, si
cette suggestion était adoptée, les trois-quarts des locataires
seraient sans appartement et cela provoquerait une crise sociale sans pareille.
Aussi, avons-nous adopté la meilleure formule possible à
l’ombre de la situation présente, étant entendu que depuis
1992, la plupart des loyers ont été libéralisés.
“Nous avons essayé d’améliorer les anciens baux dans
la mesure du possible et je crois que les plus défavorisés,
actuellement, sont les propriétaires des anciens immeubles.”
- Le précédent Cabinet a échoué dans
sa tentative d’appliquer une politique d’habitat...
“En coordination avec le Comité national, le gouvernement a
élaboré des lois régissant l’habitat, en accord avec
les banques qui commenceront, dès le mois prochain, à accorder
des prêts pour vingt ans, moyennant des taux d’intérêt
acceptables.
“Le Comité national de l’Habitat contribuera à acquitter
les premiers versements et, de cette manière, le locataire deviendra
propriétaire de son logement... Le projet y relatif nous a été
transmis depuis deux mois et nous l’avons ratifié avec célérité.”
- Le locataire pourra-t-il dans les conditions actuelles, acquitter
sans difficulté le prix de l’appartement qu’il achètera à
crédit?
“Les citoyens de la classe moyenne devraient acquérir des appartements
ayant une superficie réduite, moyennant un prix logique et abordable.”
- Le fait de convoquer l’Assemblée en session extraordinaire
aurait-il pour but de ne pas conférer au gouvernement les pleins
pouvoirs?
“Je ne le crois pas. Je puis affirmer que le président de la
Chambre ne retarde nullement l’étude d’aucun projet qui lui est
communiqué. Puis, le Cabinet n’a pas besoin des pleins pouvoirs,
du moment que les commissions hâtent l’examen des projets et les
transmet à l’Assemblée pour les ratifier en séances
plénières.
“A ce propos, je précise que vingt des vingt-deux projets dont
notre commission a été saisie, ont été approuvés
sans retard.”
SUR QUELLE BASE AVEZ-VOUS ACCORDÉ LA
CONFIANCE?
- Sur quelle base avez-vous accordé la confiance au Cabinet
Hoss?
“Nous lui avons accordé une confiance absolue, pour la raison
que le gouvernement tire son crédit et sa force du chef de l’Etat.
En plus de cela, le chef et les membres du Cabinet se distinguent autant
par leur compétence que par leur honorabilité et on ne peut
leur demander des comptes à l’avance. Il faut contrôler leur
action et les juger à leurs actes.”
- Comment expliquez-vous la cabale menée contre l’un des
ministres?
“Vous faites allusion à M. Georges Corm, ministre des Finances.
Si ses relations avec la Syrie étaient mauvaises, Damas serait en
mesure de se défendre.
“Nul ne peut nier la compétence et la moralité de M.
Corm et on doit le juger sur base de ce qu’il va accomplir. Quant à
son passé, il ne doit pas entrer en ligne de compte.”
- Le président Rafic Hariri dont la coterie avait laissé
entendre qu’il ferait de l’opposition, adopte jusqu’ici une position de
neutralité, alors que son allié Walid Joumblatt décoche
ses flèches empoisonnées aux responsables. Qu’en pensez-vous?
“Ceci est dans la nature du leader du PSP qui s’est ainsi comporté
depuis qu’il est entré sur la scène politique. Il a toujours
eu tendance, même étant ministre, à rallier les opposants.
Quant au président Hariri, les mois à venir montreront quelle
attitude il compte adopter à l’égard du gouvernement
et du pouvoir.”
- Que pensez-vous des récentes nominations administratives
et militaires?
“Les nouveaux promus jouissent de la compétence et de la moralité
et le fait qu’ils aient été choisis au sein des organismes
où ils assumaient une fonction est de bon augure.”
- Qu’auriez-vous à dire de l’abrogation de la décision
interdisant les manifestations?
“La Constitution garantit les libertés sous toutes leurs formes:
libertés d’expression, d’opinion, de pensée et de rassemblement.
“Le nouveau Cabinet se préoccupe d’appliquer la loi envers et
contre tous et il se propose de reconsidérer la loi régissant
l’audiovisuel qui comporte certaines lacunes.”
- Serait-ce une réplique à ceux qui appréhendent
la “militarisation” du système?
“Il s’agit d’une question de principe, le gouvernement ayant agi, dans
ce domaine, conformément à la Constitution, aux lois et règlements
en vigueur.”
- Comment expliquez-vous la présence de M. Michel Murr dans
tous les gouvernements?
“Le Liban a une situation communautaire délicate et M. Murr
est l’un des éléments les plus représentatifs de la
communauté grecque-orthodoxe. Il a prouvé sa compétence
et son efficacité dans les départements ministériels
dont il a détenu les portefeuilles, en particulier à l’Intérieur
qui a supervisé les législatives et les municipales.”
- Certains députés se plaignent de ce qu’il refuse
de les recevoir...
“Cela n’est pas exact. M. Murr reçoit les membres de l’Assemblée
chaque jeudi et de nombreux visiteurs dont il prend note de leurs doléances
et tente de les satisfaire le plus rapidement possible.”
- Quelle est votre prévision en ce qui concerne les négociations
de paix au Proche-Orient?
“Elles sont bloquées, car la situation intérieure en
Israël n’est pas stable. Puis, des élections générales
anticipées doivent y être organisées incessamment,
ce qui laisse prévoir une période perturbée.”