S’ILS LA RENDENT À SA FAMILLE, CELLE-CI EST PRÊTE
À PARDONNER AUX RAVISSEURS
![]() Zeinab (5 ans), la fillette kidnappée. |
![]() Fouad Nasser Eddine, son épouse Hasna |
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![]() La maison où habite “Oum Naouras” à |
![]() Une rive du Assi où selon Imad Matar, les kidnappeurs auraient |
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![]() C’est, vraisemblablement, sur cette route vicinale que |
L’histoire de la petite Zeinab Fouad Nasser Eddine (5 ans), mérite
d’être relatée. Née en mai 1993, elle a été
kidnappée non loin du domicile familial le 24 février 1998
au Hermel. La fillette jouait avec les enfants des voisins et a disparu,
alors qu’elle gagnait la boutique du village à travers des ruelles
non empruntées par les voitures.
Son sort demeure inconnu jusqu’à ce jour, bien qu’un suspect,
Imad Matar, ait révélé que Zeinab avait été
tuée par strangulation et jetée dans le Assi; son corps n’a
jamais été retrouvé.
Sa mère, Hasna, est alitée depuis le jour de son enlèvement,
le choc causé à la famille par ce drame ayant bouleversé
de fond en comble le train de sa vie. Son père, Fouad Nasser Eddine
a pris sa retraite après avoir servi durant vingt-deux ans dans
l’armée et pour ne pas rester inactif, il a rejoint les secouristes
de la Croix-Rouge libanaise.
La petite Zeinab est la victime d’un système tribal que les
nouvelles générations tentent, vainement, de supprimer. Les
Nasser Eddine promettent de pardonner aux ravisseurs s’ils leur rendent
l’enfant.
LES CAUSES DU RAPT
Mais pourquoi, en fait, celle-ci a-t-elle été kidnappée;
qui sont les auteurs de cet acte vil et quels sont leurs mobiles?
Quelques jours après l’enlèvement de la fillette, les
agents des services d’investigations ont appréhendé Abbas
Alaou, Alaou Alaou, Imad Matar, Youssef Mohamed (Syrien) et Faouz el-Hajj
Hussein (Oum Naouras).
Après leur interrogatoire, il est apparu que cette dernière
avait menacé de se venger de ceux qui ont jeté son fils Naouras
en prison. De même, Youssef Mohamed, voisin des Nasser Eddine, a
témoigné avoir vu Imad Matar et Abbas Alaou emporter Zeinab
dans leur voiture, mais s’est abstenu de les dénoncer de peur d’être
assassiné.
Matar a dit que la fillette avait été conduite à
Wadi Turkmène où elle a été prise en charge
par Alaou Alaou. Matar a quitté la localité après
avoir été menacé de mort s’il venait à révéler
l’endroit où se trouvait Zeinab.
Arrêtés à leur tour, Alaou Alaou et Abbas Alaou
ont tout nié, mais ces derniers ont été maintenus
en état d’arrestation, parce qu’ils font l’objet de plusieurs mandats
pour vols à main armée, kidnappings et tentatives d’assassinat.
Quatre mois après l’enlèvement, Imad Matar a décidé
de révéler que la fillette avait été étranglée,
son corps ayant été placé dans un sac et jeté
en sa présence dans le fleuve Assi, trois jours après son
kidnapping.
Les investigations se poursuivent sans résultat. M. Saïd
Mirza, premier juge d’instruction de Beyrouth, à qui le dossier
a été transmis par le Parquet général de Zahlé,
a recueilli la déposition des prévenus, à l’exception
de Faouz el-Hajj Hussein (en fuite), ainsi que certains témoins,
dont cheikh Hassan Nazha, Ragheb Fouad et sa femme, Atef el-Abidine et
Ali el-Hajj Hussein.
Cependant, Imad Matar s’est rétracté et a prétendu
“n’être au courant de rien”, après avoir dit que Zeinab portait
au moment de son enlèvement un chandail rouge, une jupe couleur
cendre et une pantoufle noire.
La mère de la fillette précise que Zeinab n’était
pas allée à l’école, ce jour-là, parce que
les instituteurs étaient en grève. En allant rendre visite
à sa fille mariée, elle a vu l’enfant jouer avec ses camarades.
A son retour, elle avait disparu. “Nous ne devions plus la revoir”, confie-t-elle
la voix étranglée par l’émotion.
Le lendemain, la mère éplorée est allée
prier au sanctuaire du prophète Gabriel. A son retour, son mari
l’a informée que les agents de la police secrète avaient
arrêté un certain Youssef Mohamed qui tenait des propos contradictoires.
Le soir, on apprenait que ce dernier avait révélé
les noms des ravisseurs. Ces derniers seraient Fady Chahine et Imad Matar
qui avaient livré l’enfant à Alaou.
UN CRIME IGNOBLE
“J’ai pensé que Zeinab était en vie pendant trois
mois, ajoute sa mère. Jusqu’au moment où Imad Matar a annoncé
sa mort par strangulation et reconstitué le crime sur les rives
du Assi.”
La mère de la fillette assure qu’il n’existe aucune inimitié
avec qui que ce soit et ignore tout de l’emprisonnement de Naouras Alaou,
dont la mère ne cessait de jurer vengeance, soupçonnant les
Nasser Eddine de l’avoir dénoncé. “Il ne m’est jamais
venu à l’esprit que les Alaou se vengeraient de cette façon
ignoble. Je ne trouverai la quiétude que lorsque Zeinab me sera
rendue ou quand ses meurtriers auront reçu le châtiment qu’ils
méritent.”
A ce moment, elle éclate en sanglots, se rappelant le jour où,
étant revenue de l’école, Zeinab lui a répété
de sa voix fluette une chanson qu’on lui avait apprise à l’occasion
de la “fête des mères”.
Le père de la fillette, Fouad Nasser Eddine, ne désespère
pas de la revoir vivante et ne croit pas un mot des faits rapportés
par Imad Matar. En ce qui concerne l’emprisonnement de Naouras, Nasser
Eddine affirme être étranger à son arrestation et,
surtout, à sa dénonciation.
LES ENFANTS EXCLUS DE LA VENDETTA
Nasser Eddine est d’autant plus surpris par l’enlèvement de
sa fille que, par tradition, les enfants sont exclus de la vendetta, de
même que les femmes et les personnes avancées en âge
qui n’étaient jamais inquiétés. “Pour la première
fois, observe-t-il, une fillette est kidnappée et connaît
un tel triste sort.
“La Justice poursuit les investigations qui ont conclu, jusqu’ici
du moins, à la mort de Zeinab. Mais nous ne perdons pas espoir et
sommes prêts à pardonner aux ravisseurs s’ils la rendent à
sa famille.”
Nous avons gagné le “jurd” à travers une route rocailleuse,
dans l’espoir d’y rencontrer “Oum Naouras”, Faouz el-Hajj Hussein. Mais
nous n’y avons trouvé aucune trace, celle-ci ayant pris la fuite
pour échapper à la justice.
Wadi Turkmène est une région très éloignée
du Hermel. Nous n’y avons rencontré que deux femmes dans une maison
modeste au plafond bas; l’une d’elles, prénommée Saadé
est sourde et paraît n’être pas au courant de l’affaire.
Wadi Turkmène est située à la frontière
syrienne. Dès qu’un étranger apparaît à l’entrée
de l’agglomération, les gens dégainent leurs armes ou se
cachent. Chose curieuse: seules les filles belles d’Oum Naouras vivent
dans la maison familiale; elles sont bien habillées et on se demande
comment elles acceptent de vivre dans une telle région privée
de tout!
Juliette et Fatmé, les filles d’Oum Naouras, affirment que leur
mère est innocente. Elles refusent de poser devant la caméra
et assurent ne pas disposer d’une photo de leur mère, ni de leur
frère Naouras. “Vous pouvez voir notre frère en prison.
Quant à Assad, le second frère, il a pris la fuite, après
avoir ouvert le feu sur une patrouille de gendarmes.”
LE MYSTÈRE SERA-T-IL ÉLUCIDÉ?
A la question: Si votre mère est innocente, comme vous le
prétendez, pourquoi fuit-elle la Justice?, ses filles répondent:
“Son état de santé, ne lui permet pas de tenir le coup
en prison; aussi, attend-elle la clôture de l’enquête pour
réapparaître et prouver son innocence. Nous ignorons où
elle se trouve en ce moment.”
Pourquoi la famille qui avait élu domicile, précédemment,
à Saadnayel, s’est-elle établie à Wadi Turkmène?,
les filles d’Oum Naouras répondent: “Nous ne parvenions pas
à payer notre loyer, c’est pourquoi nous avons déménagé,
car dans cette localité nous n’avons pas de loyer à payer.”
Par ailleurs, elles assurent qu’il n’existait aucune inimitié
entre leur famille et les Nasser Eddine, les rapports entre eux s’étant
gâtés par la faute de certains délateurs qui ont fait
croire que les Nasser Eddine ont dénoncé leur frère
Naouras.
“D’ailleurs, ajoutent-elles, ma mère a pleuré
en apprenant la nouvelle du kidnapping de la petite Zeinab et a qualifié
de barbare son enlèvement.”
Fait à signaler: la famille Nasser Eddine a demandé par
l’intermédiaire de son avocat, Me Mouwaffak Hamadé, de transférer
le dossier de l’affaire au Parquet de Beyrouth, pour éviter tout
accrochage avec les Alaou.
Quoi qu’il en soit, le sort de la petite Zeinab demeure incertain,
surtout après la rétractation de Imad Matar. De deux choses
l’une: ou le magistrat instructeur tirera au clair cette affaire et identifiera
le ou les coupables; ou le corps de la fillette est retrouvé en
réapparaissant sur les berges du Assi et ses parents sauront à
quoi s’en tenir.