SUR FOND D’ESCARMOUCHES VERBALES ENTRE HOSS ET SON PRÉDÉCESSEUR
LE “CABINET DES 16” POURSUIT LA RÉALISATION
DU PROGRAMME DÉFINI PAR LE DISCOURS D’INVESTITURE

Le début de l’an nouveau a été une occasion de découvrir les anciens comptes, ceux des “symboles” du précédent régime. Ainsi, il a été établi que, près d’un demi-milliard de livres libanaises avaient été attribuées en... gratifications, contrairement à la loi et à la coutume ou même au-delà des limites admises. Et ce, par le gouvernement haririen, au moment où il expédiait les affaires courantes.

 
Le président Rafic Hariri a autorisé, en sa qualité de ministre des Postes et Télécommunications, la dépense de 459.250.000 livres, en date du 27 novembre 98, soit trois jours après que son Cabinet eut perdu le droit de prendre une telle initiative. L’argent ainsi dépensé a été attribué en tant que bonus aux fonctionnaires de ce département ministériel, chacun d’eux ayant touché un montant variant entre 300.000 et 8 millions de livres; les parts étaient donc inégales...
Selon une source gouvernementale, la signature de l’arrêté y relatif est considérée comme une “infraction constitutionnelle” et doit, en conséquence, être portée devant la haute Cour chargée de juger les présidents et les ministres. C’est ce qu’affirme, tout au moins, M. Hassan Rifaï, ancien parlementaire, tenu pour être une référence en la matière.
Celui-ci a précisé que le gouvernement n’est pas habilité à poursuivre de telles infractions constitutionnelles. Seule l’Assemblée nationale a qualité d’en saisir la haute Cour formée de huit magistrats et de sept députés. La levée de l’immunité couvrant M. Hariri doit être réclamée par un parlementaire ou davantage, à la suite de quoi et si la Chambre donne son accord, cette haute juridiction siègera pour débattre de l’affaire.
Cependant, les observateurs pensent que le parlement n’en arriverait pas là; il pourrait se contenter d’enregistrer cette violation de la Constitution par l’ex-Premier ministre.
De toute manière, M. Issam Naaman, nouveau ministre des Postes et Télécommunications, a fait ouvrir une enquête et chargé M. Youssef Boustany, chef du service de contrôle, de lui présenter un rapport consignant les résultats des investigations qu’il soumettra au Conseil des ministres.
Fait à signaler: des gratifications similaires à celles accordées aux P. et T., ont été accordées aux fonctionnaires du ministère des Finances - dont M. Hariri détenait, également, le portefeuille - et où il se faisait remplacer par l’incontournable Sanioura... Affaire à suivre.

LA RÉFORME ADMINISTRATIVE DÉMARRE...
Il y a lieu de signaler que, dès la fin du chômage officiel pratiqué, comme d’habitude au cours des fêtes de fin d’année et sans perdre une minute, le “Cabinet des 16” s’est attelé à l’œuvre, combien délicate, de la réforme administrative.
Au cours du premier Conseil des ministres de la nouvelle année, des comités ad hoc ont été chargés de procéder à une étude en profondeur des services administratifs et de présenter leurs rapports dans le plus bref délai. L’un de ces comités a été même invité à formuler ses recommandations en l’espace de cinq jours, ce qui est un record, étant entendu qu’au Liban les comités et les commissions d’études sont considérées comme “le cimetière des projets”.
Le comité à qui a été confié le soin de réévaluer la situation au sein de l’Administration étatique, a tranché dans le vif. Réuni mardi sous la présidence du ministre de l’Intérieur, il a recommandé la suppression d’OGERO, entreprise chargée d’entretenir le réseau du téléphone; de même que l’Institut pour l’encouragement des investissements, le regroupement de vingt-deux Offices des eaux en cinq organismes - un pour chaque district -; la fusion du Conseil de développement et de la reconstruction, du Conseil des grands projets de la ville de Beyrouth et le Conseil exécutif des grands projets, autant d’organismes qui avaient pris la dimension d’un “super-ministère” échappant à tout contrôle... Ces derniers seraient remplacés par le ministère du Plan, supprimé il y a dix ans.
Le Conseil des ministres devait statuer sur ces recommandations au cours de sa réunion hebdomadaire de jeudi, au lieu de mercredi, la séance ayant été reportée de vingt-quatre heures, afin de permettre au corps diplomatique de présenter les vœux d’usage au chef de l’Etat à l’occasion du Nouvel An.
Ainsi, trente-trois des soixante-quatorze établissements publics ont fait l’objet d’un examen approfondi et on s’attend qu’il soit procédé, ultérieurement, à la suppression d’institutions non encore constituées et, partant, de ne pas pourvoir à 5.000 postes vacants.

MISES AU RANCART ET LICENCIEMENTS
Dans ce même ordre d’idées, on prête au gouvernement l’intention de mettre au rancart ou de licencier de nombreux fonctionnaires de la première catégorie: directeurs généraux, administrateurs, etc... jugés inaptes au service ou ayant dérogé aux lois et règlements en vigueur, par complaisance à des personnages haut placés qui leur servaient de couverture...
Le mouvement administratif (et diplomatique) achevé, le Cabinet s’emploiera à l’élaboration du projet de budget 99 qui serait transmis à la Chambre avec quelques semaines de retard... la loi de finances, telle qu’établie par le précédent Cabinet, nécessitant une refonte générale.
Cela dit, il sied de faire état des iftars que M. Rafic Hariri offre, quotidiennement, dans sa résidence de Koraytem au cours du mois de Ramadan et dont il profite pour prendre la parole, ne manquant pas, presque toujours, de décocher ses flèches empoisonnées en direction de son successeur, parce qu’il n’ose pas encore s’en prendre au nouveau locataire de Baabda...
Selon des sources fiables, M. Hariri qui n’a pas digéré son éviction de la manière dont elle a eu lieu, planifie son action anti-gouvernementale aux fins de préparer son retour au Sérail (en “sauveur”) d’ici à un an...

HOSS RÉPLIQUE À HARIRI
Le président Salim Hoss ne reste pas inactif. De fait, au cours de l’iftar offert par l’association des commerçants de Mar Elias en l’honneur de M. Adnan Kassar, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Beyrouth (CCIB), le chef du gouvernement a improvisé un discours dans lequel il a accusé les “fantômes” (entendre les pro-Haririens) de propager des rumeurs malveillantes contre la présidence du Conseil.
“Ces rumeurs dénuées de fondement, a-t-il affirmé, visent à semer les germes de discorde au niveau du Pouvoir, entre les présidents de la République et du Conseil.
“Nous savons qui sont derrière cette cabale et réalisons les possibilités financières et de toute autre nature qu’ils mobilisent à cet effet. Aussi, rassurons-nous les citoyens qui se sont regroupés autour du nouveau régime, en leur disant que cette campagne échouera. Notre réplique proviendra de notre conduite, de nos actes et de notre exercice des responsabilités qui réfuteront toutes leurs fallacieuses allégations.
“Notre ligne est claire, notre politique déclarée sans ambage et notre passé au Pouvoir  prouvent notre souci de la chose publique. Leurs rumeurs ne nous feront pas changer d’attitude ni dévier de nos objectifs. Nous ne formulons aucune demande et ne servons aucun projet au double plan politique ou personnel. Et c’est ce qui nous unit avec le président Lahoud. La sédition ne nous séparera pas et nous avons dans notre passé suffisamment d’atouts pour défendre notre position face à nos détracteurs, les mobiles qui les font agir étant connus de tous les citoyens.”
La coterie de Hariri laisse entendre que l’ancien chef du gouvernement part du plan selon lequel il apportera son soutien au régime et à son chef, tout en faisant de l’opposition au “Cabinet des 16”. Il restera donc à l’affût, observant son comportement, quitte à le prendre violemment à partie au moindre faux pas, surtout dans le domaine économico-financier.
Quoi qu’il en soit, un délai de grâce de trois à six mois est imparti à la nouvelle équipe gouvernementale. Et ce, afin de permettre aux nouveaux ministres de se familiariser avec des responsabilités que la plupart d’entre eux assument pour la première fois.

JOUMBLATT À BAABDA?
Par ailleurs et alors que le Général-Président poursuit son action sur la base de son programme dont il a défini les grandes lignes dans son discours d’investiture, il serait question d’un “dégel” dans les rapports du palais de Baabda avec  Moukhtara.
De fait, des démarches seraient effectuées, ces derniers temps, afin d’amener M. Walid Joumblatt à renouer avec le président Lahoud. D’ores et déjà, on parle d’une visite du chef du PSP au palais présidentiel.
Le leader joumblattiste a déjà mis beaucoup d’eau dans son vin et laisse entendre “qu’il est prêt à coopérer avec le président Lahoud, à condition qu’il ne commence pas son mandat par là où a fini le président Fouad Chéhab”...

NADIM El-HACHEM

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