UNE DÉLÉGATION DE LA LIGUE MARONITE AU VATICAN

Une délégation de la Ligue maronite conduite par son président, Pierre Hélou et groupant MM. Hafez Zakhour, secrétaire général; Rachad Salamé, Harès Chéhab et Georges Bachir, vient d’effectuer une visite au Vatican où elle a rencontré Mgr Tauran, ministre des Affaires étrangères du Saint-Siège et le cardinal Silvestrini, président du Conseil des Eglises orientales.
Dès son retour à Beyrouth, M. Pierre Hélou a bien voulu faire pour nous le point des contacts établis dans la capitale de la chrétienté.

Mgr Louis Tauran recevant un cadeau de M. Pierre Hélou qui a, à sa droite:
MM. Harès Chéhab, Hafez Zakhour, Georges Bachir et Rachad Salamé.
 

Evoquant, en premier lieu, le but de cette visite, il affirme: “La situation au Proche-Orient, les retombées du conflit israélo-arabe dont le Liban supporte une part bien plus élevée que la normale, les multiples problèmes auxquels le nouveau régime est confronté, sont autant de sujets importants qui se posent aujourd’hui à nous avec une grande acuité.
“La Ligue maronite a jugé nécessaire, en complète harmonie avec le patriarche maronite, S.Em. le cardinal Nasrallah Sfeir, de prendre contact avec le Vatican, afin d’exposer de vive voix nos préoccupations. Nous nous sommes assurés, au préalable, de deux entrevues avec Mgr Jean-Louis Tauran et S.Em. le cardinal Achille Silvestrini, deux personnalités influentes au Saint-Siège.”
M. Hélou précise ensuite, qu’il était important pour la délégation “de s’assurer de l’appui du Vatican concernant le Liban et, surtout, d’établir un contact direct et permanent entre la Ligue maronite et les autorités vaticanes.”
- Quelles furent les questions abordées au cours de ces entretiens?
“Nous avons tenu en premier lieu, précise M. Hélou, à remercier le Vatican et, en particulier, le Saint-Père, de l’intérêt qu’il porte au Liban. Il l’a prouvé par sa visite à notre pays; par le Synode et l’Exhortation apostolique, sans compter toutes formes d’interventions qui confirment cet intérêt.
“Nous avons, également, insisté sur le fait que, de l’Extrême-Orient à  l’Europe, le Liban est le seul pays où il y a un réel dialogue islamo-chrétien. La présence effective des chrétiens au pays des Cèdres est, dès lors, la garantie de la permanence de ce dialogue essentiel.
L’émir Harès Chéhab qui s’occupe du dialogue islamo-chrétien, a développé cette question.”
La délégation de la Ligue maronite a évoqué, ensuite, les dangers qui menacent le Liban et les multiples problèmes auxquels il se trouve en butte. “Tout d’abord, l’occupation israélienne et la question de Jezzine.
“Fils de cette localité, Me Rachad Salamé a exposé, en détail, la situation dans la partie méridionale du pays. Nous en avons profité pour demander l’aide du Vatican en vue de l’application de la 425 et de la préservation de la présence chrétienne dans cette région sudiste.
“Le Vatican, tel qu’on l’a constaté, se préoccupe vivement de l’ensemble de ce dossier.”
Le second problème soulevé lors des entretiens, fut celui de l’implantation palestinienne au Liban. Le président de la Ligue maronite confie: “Nous avons exprimé notre crainte de voir le Liban devenir la deuxième patrie ou même la première patrie des Palestiniens. Me Hafez Zakhour qui est en charge du dossier du décret de naturalisation, a exposé la question, exprimant la crainte de voir les Palestiniens s’installer, définitivement, en territoire libanais au lieu de revendiquer leur retour en Palestine.”
- Quelle a été la réponse à vos craintes et appréhensions?
“Les autorités vaticanes connaissent, parfaitement, tous ces problèmes. Ce n’est pourtant pas une raison pour ne pas les soulever à nouveau, attirer encore plus leur attention là-dessus et susciter leur intérêt, vu le rôle international que peut jouer le Saint-Siège.
“Dire que nous leur avons exposé des choses qu’ils ne connaissent pas, c’est oublier que Mgr Tauran a passé quatre ans au Liban. Nous n’avions pas cette prétention. Des contacts personnels avaient été établis, précédemment, par Me Fouad el-Saad ou cheikh Walid el-Khazen. Mais je ne sais pas s’il y avait un lien direct avec la Ligue maronite, en tant qu’institution. Quoi qu’il en soit, nous avons exposé aux autorités vaticanes où en était la Ligue maronite: ses objectifs, son action, le rôle que nous aspirons à jouer avec les maronites de la diaspora de par le monde.”
- Avez-vous remis des dossiers à vos interlocuteurs?
“Nous leur avons présenté une note préparée à l’avance évoquant tous les points que je viens de citer dont, bien sûr, le problème des déplacés. Nous avons soulevé, aussi, la question des manifestations prévues pour l’an 2000. Le Vatican a déjà pris une série de mesures qu’il communiquera, ultérieurement, pour consacrer une église ou une cathédrale dans chaque pays, en fonction de cette date, à laquelle le Saint-Siège accorde une grande importance. S.S. Jean-Paul II prie pour vivre jusqu’à l’an 2000, vu son état de santé précaire.”
- A Jezzine, un émissaire du Souverain Pontife, Mgr Buhigas, a joué un rôle admirable. Avez-vous demandé l’envoi d’un nouveau délégué du Vatican?
“Nous avons mentionné ce fait et relevé l’intérêt que le Vatican porte à Jezzine, sans qu’il donne plus de détails. Nous leur avons fait part des promesses faites par les autorités locales à savoir qu’en cas de retrait de ce secteur, l’armée libanaise et non les milices s’y déploieraient.”
- Avant de partir pour Rome, vous avez rendu visite au patriarche Sfeir et au chef de l’Etat. Vous ont-ils chargé de quelque message?
“Sa Béatitude était, évidemment, au courant de ce voyage et des sujets qui allaient être soulevés. Nous étions en parfaite harmonie. Quant à la visite que j’ai rendue au président Emile Lahoud, elle concernait, essentiel-lement, le problème des déplacés. Evidemment, j’ai informé le chef de l’Etat de ce voyage. Si le président de la République jugeait un jour que nous avons un rôle spécifique à jouer, il nous le ferait savoir.”
- Etes-vous satisfait de cette visite au Saint-Siège?
“Absolument. A mon avis, la visite a dépassé de loin nos espérances. Une compréhension totale s’est dégagée sur toutes les questions abordées et un grand intérêt. Il y a eu, surtout, une prise de contact que je qualifierais de permanente.”
- Avez-vous relevé de l’inquiétude au Vatican vis-à-vis de l’avenir du Liban et de la chrétienté?
“A mon avis, il y a deux sujets d’inquiétude au Vatican concernant le Liban: en premier lieu, la montée de l’intégrisme en grande partie dans le monde musulman et, en deuxième lieu, le conflit israélo-arabe dont on ne voit pas l’issue.”
- Pour en revenir aux problèmes internes, où en est la question des déplacés?
“Il faut poser la question aux responsables. Pour ma part, j’ai rendu visite au ministre des Déplacés; puis, au chef de l’Etat pour évoquer cette question. Le ministre Anwar el-Khalil doit établir un calendrier fixant le retour avec les possibilités et les moyens matériels dont il dispo-sera.
“Quant au président Lahoud, il affirme, notamment, que le principe général suivi est que tout citoyen recouvre ses droits et l’on espère que ce principe se réa-lisera.”
- Où en est la Ligue avec le décret de naturalisation?
“Nous avons réussi à arrêter la catastrophe du second décret, car c’était une porte ouverte vers d’autres inepties, au rythme d’un tous les trois mois, afin de satisfaire les différentes communautés. Cela aurait été un véritable drame.
“En ce qui concerne le premier décret, nous poursuivons nos démarches en vue de son annulation auprès du Conseil d’Etat.”
- Avec le nouveau régime qui se réclame de l’Etat de droit, avez-vous plus de chance d’obtenir gain de cause?
“Il ne faut pas préjuger de la Justice. A nous de poursuivre notre action, car ce décret constitue, pour nous, un très vif sujet d’in-quiétude.”

NELLY HÉLOU

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