Evoquant, en premier lieu, le but de cette visite, il affirme: “La situation
au Proche-Orient, les retombées du conflit israélo-arabe
dont le Liban supporte une part bien plus élevée que la normale,
les multiples problèmes auxquels le nouveau régime est confronté,
sont autant de sujets importants qui se posent aujourd’hui à nous
avec une grande acuité.
“La Ligue maronite a jugé nécessaire, en complète
harmonie avec le patriarche maronite, S.Em. le cardinal Nasrallah Sfeir,
de prendre contact avec le Vatican, afin d’exposer de vive voix nos préoccupations.
Nous nous sommes assurés, au préalable, de deux entrevues
avec Mgr Jean-Louis Tauran et S.Em. le cardinal Achille Silvestrini, deux
personnalités influentes au Saint-Siège.”
M. Hélou précise ensuite, qu’il était important
pour la délégation “de s’assurer de l’appui du Vatican concernant
le Liban et, surtout, d’établir un contact direct et permanent entre
la Ligue maronite et les autorités vaticanes.”
- Quelles furent les questions abordées au cours de ces entretiens?
“Nous avons tenu en premier lieu, précise M. Hélou, à
remercier le Vatican et, en particulier, le Saint-Père, de l’intérêt
qu’il porte au Liban. Il l’a prouvé par sa visite à notre
pays; par le Synode et l’Exhortation apostolique, sans compter toutes formes
d’interventions qui confirment cet intérêt.
“Nous avons, également, insisté sur le fait que, de l’Extrême-Orient
à l’Europe, le Liban est le seul pays où il y a un
réel dialogue islamo-chrétien. La présence effective
des chrétiens au pays des Cèdres est, dès lors, la
garantie de la permanence de ce dialogue essentiel.
L’émir Harès Chéhab qui s’occupe du dialogue islamo-chrétien,
a développé cette question.”
La délégation de la Ligue maronite a évoqué,
ensuite, les dangers qui menacent le Liban et les multiples problèmes
auxquels il se trouve en butte. “Tout d’abord, l’occupation israélienne
et la question de Jezzine.
“Fils de cette localité, Me Rachad Salamé a exposé,
en détail, la situation dans la partie méridionale du pays.
Nous en avons profité pour demander l’aide du Vatican en vue de
l’application de la 425 et de la préservation de la présence
chrétienne dans cette région sudiste.
“Le Vatican, tel qu’on l’a constaté, se préoccupe vivement
de l’ensemble de ce dossier.”
Le second problème soulevé lors des entretiens, fut celui
de l’implantation palestinienne au Liban. Le président de la Ligue
maronite confie: “Nous avons exprimé notre crainte de voir le Liban
devenir la deuxième patrie ou même la première patrie
des Palestiniens. Me Hafez Zakhour qui est en charge du dossier du décret
de naturalisation, a exposé la question, exprimant la crainte de
voir les Palestiniens s’installer, définitivement, en territoire
libanais au lieu de revendiquer leur retour en Palestine.”
- Quelle a été la réponse à vos craintes
et appréhensions?
“Les autorités vaticanes connaissent, parfaitement, tous ces
problèmes. Ce n’est pourtant pas une raison pour ne pas les soulever
à nouveau, attirer encore plus leur attention là-dessus et
susciter leur intérêt, vu le rôle international que
peut jouer le Saint-Siège.
“Dire que nous leur avons exposé des choses qu’ils ne connaissent
pas, c’est oublier que Mgr Tauran a passé quatre ans au Liban. Nous
n’avions pas cette prétention. Des contacts personnels avaient été
établis, précédemment, par Me Fouad el-Saad ou cheikh
Walid el-Khazen. Mais je ne sais pas s’il y avait un lien direct avec la
Ligue maronite, en tant qu’institution. Quoi qu’il en soit, nous avons
exposé aux autorités vaticanes où en était
la Ligue maronite: ses objectifs, son action, le rôle que nous aspirons
à jouer avec les maronites de la diaspora de par le monde.”
- Avez-vous remis des dossiers à vos interlocuteurs?
“Nous leur avons présenté une note préparée
à l’avance évoquant tous les points que je viens de citer
dont, bien sûr, le problème des déplacés. Nous
avons soulevé, aussi, la question des manifestations prévues
pour l’an 2000. Le Vatican a déjà pris une série de
mesures qu’il communiquera, ultérieurement, pour consacrer une église
ou une cathédrale dans chaque pays, en fonction de cette date, à
laquelle le Saint-Siège accorde une grande importance. S.S. Jean-Paul
II prie pour vivre jusqu’à l’an 2000, vu son état de santé
précaire.”
- A Jezzine, un émissaire du Souverain Pontife, Mgr Buhigas,
a joué un rôle admirable. Avez-vous demandé l’envoi
d’un nouveau délégué du Vatican?
“Nous avons mentionné ce fait et relevé l’intérêt
que le Vatican porte à Jezzine, sans qu’il donne plus de détails.
Nous leur avons fait part des promesses faites par les autorités
locales à savoir qu’en cas de retrait de ce secteur, l’armée
libanaise et non les milices s’y déploieraient.”
- Avant de partir pour Rome, vous avez rendu visite au patriarche
Sfeir et au chef de l’Etat. Vous ont-ils chargé de quelque message?
“Sa Béatitude était, évidemment, au courant de
ce voyage et des sujets qui allaient être soulevés. Nous étions
en parfaite harmonie. Quant à la visite que j’ai rendue au président
Emile Lahoud, elle concernait, essentiel-lement, le problème des
déplacés. Evidemment, j’ai informé le chef de l’Etat
de ce voyage. Si le président de la République jugeait un
jour que nous avons un rôle spécifique à jouer, il
nous le ferait savoir.”
- Etes-vous satisfait de cette visite au Saint-Siège?
“Absolument. A mon avis, la visite a dépassé de loin
nos espérances. Une compréhension totale s’est dégagée
sur toutes les questions abordées et un grand intérêt.
Il y a eu, surtout, une prise de contact que je qualifierais de permanente.”
- Avez-vous relevé de l’inquiétude au Vatican vis-à-vis
de l’avenir du Liban et de la chrétienté?
“A mon avis, il y a deux sujets d’inquiétude au Vatican concernant
le Liban: en premier lieu, la montée de l’intégrisme en grande
partie dans le monde musulman et, en deuxième lieu, le conflit israélo-arabe
dont on ne voit pas l’issue.”
- Pour en revenir aux problèmes internes, où en est
la question des déplacés?
“Il faut poser la question aux responsables. Pour ma part, j’ai rendu
visite au ministre des Déplacés; puis, au chef de l’Etat
pour évoquer cette question. Le ministre Anwar el-Khalil doit établir
un calendrier fixant le retour avec les possibilités et les moyens
matériels dont il dispo-sera.
“Quant au président Lahoud, il affirme, notamment, que le principe
général suivi est que tout citoyen recouvre ses droits et
l’on espère que ce principe se réa-lisera.”
- Où en est la Ligue avec le décret de naturalisation?
“Nous avons réussi à arrêter la catastrophe du
second décret, car c’était une porte ouverte vers d’autres
inepties, au rythme d’un tous les trois mois, afin de satisfaire les différentes
communautés. Cela aurait été un véritable drame.
“En ce qui concerne le premier décret, nous poursuivons nos
démarches en vue de son annulation auprès du Conseil d’Etat.”
- Avec le nouveau régime qui se réclame de l’Etat
de droit, avez-vous plus de chance d’obtenir gain de cause?
“Il ne faut pas préjuger de la Justice. A nous de poursuivre
notre action, car ce décret constitue, pour nous, un très
vif sujet d’in-quiétude.”