Saturnale

ParMARY YAZBECK AZOURY  
QUE DIEU GARDE HARIRI DE SES AMIS
Ses ennemis, il s’en charge.
Telle a dû être la pensée de Rafic Hariri en entendant les diatribes de l’éternel opposant, Walid Joumblatt.
D’ailleurs, la scène politique serait fort monotone sans Joumblatt.
C’est le seul qui ose dire ce qu’il pense, même si on n’est pas d’accord avec lui.
Walid Joumblatt traite le ministre des Finances Georges Corm de “Phénicien”. Et alors?
Le mot phénicien est loin d’être péjoratif! Nous connaissons de nombreux Libanais patriotes qui sont fiers de se déclarer les descendants des Phéniciens.
On pourrait reprocher nombre de choses à Walid Joumblatt, sauf le fait qu’il est conséquent avec lui-même; il est toujours “contre”.
D’ailleurs, il a été à une certaine période “ministre opposant” au sein même du Cabinet Hariri. C’est sa logique personnelle!
Mais si l’on peut sourire et même apprécier son langage à l’emporte-pièce, cela devient dangereux quand il abonde dans le sens du sectarisme et du fanatisme religieux. Qu’il pense ce qu’il veut en politique! Mais il y a des lignes rouges en matière de religion qu’on ne doit pas franchir. Ne serait-ce que par respect pour les croyances de ses concitoyens. C’est un mauvais service qu’il rend à Rafic Hariri, en se comportant de la sorte.
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RETOUR AUX DIPLOMATES DE CARRIÈRE
On ne peut qu’applaudir au dernier mouvement diplomatique. Même si on ne connaît pas les critères ayant prévalu dans la désignation de certains diplomates à des postes de première catégorie, supplantant des diplomates à la réputation prestigieuse!
Applaudissons, quand même, le gouvernement Hoss qui n’a pas parachuté des “non-diplomates”, choisis hors-cadre (pour services rendus ou à rendre) en les “dotant” pour les remercier d’une ambassade.
Grâce soit donc rendue, à Salim Hoss!
Que voyait-on auparavant? D’illustres inconnus débarquer dans une ville, en ignorant l’ABC des usages diplomatiques, de la Convention de Vienne, simplement parce que c’était le poulain de tel ou tel.
Il est vrai que dans la diplomatie, de nombreux pays considérés comme puissants ou civilisés ou les deux à la fois, font appel à des hors-cadre pour des raisons politiques. On peut citer le cas de Joseph Kennedy, père de JFK qui a été nommé ambassadeur à Londres en remerciement de sa participation à la campagne démocrate. De plus, Kennedy millionnaire pouvait recevoir d’une manière prestigieuse, sans coûter de l’argent aux USA.
Dans de nombreux cas, surtout aux USA, les présidents nomment des gens fortunés au poste d’ambassadeur, comme Pamela Harriman... à Paris. Le cas d’écrivains célèbres est, aussi, connu, mais on aurait besoin de plusieurs pages pour les citer tous. S’il est donc admis que l’on nomme certains hors-cadre comme ambassadeurs, ils doivent posséder des atouts: personnalité, réputation, intelligence et argent.
Hélas! cela n’a pa été souvent le cas des hors-cadre libanais, à l’exception de quelques-uns!
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UN DIPLOMATE DE CHOC
Le Liban a besoin de diplomates de carrière, bien rodés et pouvant marcher sur des œufs. Nous ne sommes pas la puissante Amérique (dommage) qui peut se permettre des fantaisies et des extravagances, même de nos jours.
Si les USA ont d’excellents diplomates dans la carrière, ils ont eu et ont quelques excentriques. Ne parlons pas de ceux qui sont en poste, actuellement. Les cas les plus célèbres des ambassadeurs hors-cadre américains ont été ceux de l’ambassadeur Evan Galbraith en France, en 1981. Ce fougueux banquier, partisan de la diplomatie directe, arrive à Paris à l’ère mitterrandienne. Il y restera jusqu’en 1985. Diplomate fort peu conventionnel, il devient très vite la coqueluche de Paris et des journalistes. Il déclare qu’il n’aime pas la gauche. Son récit de son séjour en France paru en anglais et en français sous le titre “Ambassadeur de Choc”, raconte les incidents nombreux de son parcours diplomatique. Il écrit que sa polémique publique avec le Parti communiste français fut sa plus belle heure.
“En quatre ans, écrit-il, ma femme et moi avons accueilli à la résidence des USA, plus de soixante-quinze mille invités en quelque cinq-cents réceptions, sans compter les petits déjeuners, les thés, déjeuners, dîners, soupers, concerts, etc... Plus de six-cents personnes y ont passé au moins une nuit...”
(D’autres ont séjourné des semaines).
Il est certain qu’un ambassadeur de carrière n’aurait pu faire le public relations d’Evan Galbraith qui a dépensé quelques millions de dollars au cours de son séjour en France pour la plus grande gloire des USA et de Reagan, son président à l’époque.
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LA DIPLOMATIE DE L’OURS ET DE L’AIGLE
C’est le 16 novembre 1933, à une heure quatorze du matin, que les documents scellant le rétablissement des relations entre les Etats-Unis et l’URSS sont paraphés dans le salon de musique de la Maison-Blanche, au terme de négociations-marathon de huit jours.
Franklin Roosevelt nomme comme premier ambassadeur à Moscou, William Bullitt, le conseiller qui l’avait assisté lors des négociations avec Litvinov, ministre soviétique des Affaires étrangères.
Héritier d’une immense fortune d’une riche famille de Philadelphie, Bullitt accueille avec enthousiasme sa nomination en tant que premier ambassadeur des USA en URSS.
Excentrique, il donne des réceptions qui alimentent la petite chronique diplomatique. L’une des plus célèbres est organisée en l’honneur d’une délégation américaine de passage à Moscou. Il invite les homologues de la délégation et de nombreux diplomates. Au menu: caviar, saumon, vodka, bourbon, whisky, foie gras des “T-Bone steaks” importés, spécialement, des USA. Des épis de blé, des fruits de Californie, etc...
Mais le décor l’emporte sur le menu. Pour illustrer les liens d’amitié entre les deux pays, il installe dans un grand salon, un ours vivant attaché, il est vrai, à une grosse chaîne suffisamment longue pour lui permettre de faire quelques mètres parmi les invités.
Dans l’autre coin du salon immense, plus de 100 m2, sur une aire, sorte de grand perchoir, un aigle fauve ou royal, d’une envergure de plus de deux mètres. Lui aussi est solidement attaché, mais avec assez de latitude pour lui permettre de voler au-dessus des invités.
Au cours de la réception, quelques invités facétieux s’amusent à donner de l’alcool aux deux bêtes. On s’imagine le résultat! Leurs forces décuplées, leurs promenades parmi les présents font sensation, contribuant à quelques évanouissements. Cette réception inoubliable fait annale dans les relations diplomatiques entre les deux pays.
Quoi qu’il en soit, il n’y a pas eu de rappel d’ambassadeurs, pas de plainte au Département d’Etat, aucune crise entre les deux capitales. Tant Américains que Soviétiques prirent la chose en riant.
Seule une dépêche a recommandé à William Bullitt “un peu moins d’extravagance à l’avenir”.

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