Les travailleurs syriens rassemblés dans les
rues
de Beyrouth afin de dire “oui” à leur président.
![]() La carte de référendum présentée par une Syrienne. |
![]() Hafez Assad reconduit pour un cinquième septennat. |
Le plébiscite s’est déroulé dans une ambiance de
liesse populaire, alors que les médias syriens rappelaient les réalisations
de leur président en tous domaines; politique, économique,
éducatif, social, des infrastructures...
“Voter pour Hafez Assad, c’est voter pour la dignité nationale,
la solidarité arabe et pour poursuivre la lutte en vue de récupérer
la terre”, titre la presse.
Pas besoin, par ailleurs, d’attendre les résultats du plébiscite
qui furent proclamés le lendemain du vote par le Conseil du peuple.
Pas besoin de se casser la tête pour choisir entre les présidentiables,
car il n’y en avait qu’un seul, le président sortant étant
candidat à sa propre succession. Les bulletins de vote étaient
simples. On y avait inscrit: Approuvez-vous le candidat du Conseil du peuple,
Hafez Assad pour la présidence de la République?” Il suffisait
de cocher l’un des deux ronds où il était dit: “Oui j’approuve”,
ou “non je n’approuve pas”.
Pour ce référendum, Mohamed Harba, ministre de l’Intérieur,
avait bien précisé que toutes les dispositions avaient été
prises pour que le vote se déroule dans une atmosphère de
“liberté et de sécurité totale”.
A travers toute la Syrie, 11.092 bureaux de vote ont accueilli les
électeurs âgés de 18 ans au minimum. D’autres bureaux
ont été ouverts dans cinquante représentations diplomatiques
à l’étranger, alors qu’au Liban il y en a eu vingt-quatre
à Beyrouth et dans les différentes régions du pays,
afin d’accueillir les Syriens qui y résident, estimés
à plus d’un million.
Commencé à 7 heures du matin, le vote s’est prolongé
jusqu’à dix heures du soir.
L’ouverture de ces bureaux de vote au Liban a suscité de multiples
réactions. M. Raymond Eddé, leader du Bloc National,
a, dans une déclaration, protesté contre cette mesure. “J’ai
eu l’impression, dit-il, que la République libanaise s’était
soudainement transformée en un département syrien.”
Il précise que les étrangers votent au Liban au siège
de leur ambassade ou consulat, mais la Syrie a toujours refusé de
créer une ambassade au Liban, afin “de proclamer, un jour, l’unité
syrienne. (...) L’ouverture des bureaux de vote syriens en territoire libanais,
constitue un premier pas vers cette unité.
“Le comportement de l’autorité syrienne, conclut M. Eddé,
constitue une atteinte à notre indépendance et à l’intégrité
de notre territoire.
“Au nom du Bloc national libanais et en mon nom personnel, je proteste.
L’Histoire jugera.”
Dans sa dernière homélie dominicale, S.Em. le cardinal
Sfeir a, également, critiqué l’ouverture de ces bureaux disant
que, “d’après les juristes, leur installation constituait une atteinte
aux lois, aux conventions internationales et à la souveraineté
nationale...
“Nous sommes attachés à la souveraineté de notre
pays, tout en étant soucieux de nos liens fraternels avec la Syrie.
Mais la fraternité, a elle-même, des limites qu’il convient
de ne pas dépasser.”
Dans les semaines ayant précédé le référendum,
de nombreuses manifestations d’appui au président Assad ont eu lieu
dans différentes régions syriennes, les deux les plus impressionnantes
s’étant déroulées à Damas et à Alep.
On voyait, aussi, partout des portraits géants du président,
des banderoles et calicots d’appui, des T-shirts portant sa photo.
Le Liban s’est mis, très fraternellement, de la partie. Des
manifestations de soutien ont eu lieu à Beyrouth et dans les différents
mohafazats qui ont donné l’occasion à certains de nos députés
et hommes politiques de s’exercer à la “dabké” (danse folklorique
libanaise).
Le président Assad est donc réélu pour un cinquième
septennat. Ayant accédé à la présidence pour
la première fois en 1971, il a été réélu
en 1978, 1985 et 1992.
Né en 1930 à Kardaha, près de Lattaquié,
il s’engage dans l’armée en 1952. Devenu général et
nommé ministre, il prend, en 1970, la direction du “mouvement de
redressement” et accède au pouvoir; il s’y maintient jusqu’aujourd’hui.
La Syrie, depuis son indépendance jusqu’aux années 70,
avait connu une série de coups d’Etats, l’instabilité politique
et des transformations du régime économique. Le président
Assad y rétablit la stabilité interne. Le pays connaît,
depuis quelques années, une timide mais progressive ouverture sur
l’économie libérale et de marché après avoir
été soumis longtemps au dirigisme économique.
Issu de la secte des alaouites qui constitue 10% du peuple syrien à
majorité sunnite avec 8 à 10% de chrétiens aussi,
le président Assad a gouverné le pays d’une main de fer.
L’évolution qu’a connue la Syrie au cours de ces trente dernières
années, est impressionnante au plan des infrastructures et dans
différents domaines: socio-économique, éducatif et,
récemment, touristique.
On comprend, dès lors, que la Syrie du dernier quart du siècle
se soit identifiée à son chef.
Au niveau proche-orientale, certains développements l’ont servi.
Le jour où l’Egypte signe la paix avec Israël, le président
syrien devient le champion de la cause arabe et palestinienne. La Jordanie
signe la paix, les Palestiniens engagent le dialogue avec Israël,
mais M. Assad ne fléchit pas et possède en main un atout
majeur: la carte libanaise et de la résistance islamique du “Hezbollah”
au Sud. Il sait se montrer à la fois souple et ferme concernant
le processus de paix. Il participe à la conférence de Madrid
mais sa position est inébranlable: “La terre en échange de
la paix”. Dans le Golan occupé - qu’il espère récupérer
- point de résistance, tel que c’est le cas au Liban-Sud. Un accord
de désengagement avec Israël lui permet de préserver
l’équilibre interne du pays et d’économiser de l’énergie
pour s’occuper de son développement.
La plus grande épreuve fut la mort de son fils aîné
Bassel qu’il préparait à sa succession. Aujourd’hui, tous
ses espoirs se portent sur son fils cadet, le Dr Bachar qui fait son apprentissage
du pouvoir.
A 69 ans, le président Assad figure en tête de liste parmi
les grands hommes politiques du Proche-Orient. La mort du roi Hussein de
Jordanie, permettra, peut-être, au président syrien de s’affirmer
davantage à l’échelle régionale.
Le présent plébiscite est pour lui une confirmation de
plus de sa réussite et un précieux témoignage.