HOMMAGE UNIVERSEL AU ROI HUSSEIN
UNE GRANDE PAGE DE L’HISTOIRE DU ROYAUME HACHÉMITE EST TOURNÉE.
LES GRANDS DE CE MONDE  PARTICIPENT À SES    OBSÈQUES ET S’INCLINENT DEVANT SA DÉPOUILLE


On l’appelait, affectueusement, “le petit roi”. Il fut l’un des grands dirigeants du Proche-Orient dont le pouvoir fut le plus long. Aujourd’hui, Hussein repose en paix après avoir régné durant quarante-six ans sur le royaume hachémite de Jordanie. Le monde entier lui a rendu un vibrant hommage et participé à ses funérailles. Son peuple qui le croyait immortel, le pleure comme jamais, sans doute, un dirigeant ne l’a été.
Les images impressionnantes de la journée du lundi 8 février 1999 diffusées à travers tous les écrans de la terre, montrant les rois, princes, présidents, dirigeants s’inclinant devant la dépouille du défunt monarque, témoignent d’elles-mêmes de respect, de  l’amitié, de l’affection qu’on lui vouait à l’échelle planétaire, comme de l’émotion suscitée par son décès. Une sorte de rencontre mondiale au sommet a eu lieu à Amman.
Du long parcours du souverain hachémite on retient, en premier lieu, son engagement indéfectible pour la paix, non seulement au niveau de son pays, mais pour l’ensemble de la région. On peut dire qu’il a quitté ce monde en paix avec  lui-même et les autres.
Durant ses longues années de pouvoir, il a réussi à édifier un Etat fort, stable et à conforter la présence de son pays au niveau arabe et international malgré la faiblesse de ses ressources naturelles. Par son charisme, son savoir-faire politique et son ouverture d’esprit, Hussein de Jordanie s’est imposé en véritable interlocuteur et en apôtre de la paix. Avec sa disparition, une grande page de l’Histoire de la Jordanie est tournée. Les questions sur l’avenir sont multiples: processus de paix, stabilité du royaume, relation avec les Palestiniens, problèmes économiques graves à surmonter, poursuite de l’édification d’un Etat démocratique et d’une monarchie constitutionnelle... Les regards sont tournés vers le nouveau roi, avec l’espoir qu’il suivra les traces de son père et préservera son legs pour être à son tour “messager de paix”.
A elles seules, les images du 8 février devraient inciter les grands de la planète et du monde arabe à accorder leur plein appui à Abdallah Ibn Hussein, à le seconder dans la tâche difficile qui l’attend.
 

Le cercueil est porté par les grands officiers.

Le nouveau roi Abdallah, le prince héritier Hamza et d’autres membres 
de la famille royale portant le cercueil du souverain.

Les présidents américains Clinton,
Ford, Carter et Bush à leur descente d’avion.

Le prince Charles et Tony Blair,
Premier ministre de Grande-Bretagne.

Eltsine, malgré sa maladie, 
est venu présenter ses condoléances.

Le président Assad a provoqué la surprise 
générale en assistant aux funérailles.

Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, 
ayant, à ses côtés, Ariel Sharon, ministre des Affaires étrangères.

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“Je vous annonce, ainsi qu’au monde arabe et islamique et au monde entier, le décès du roi, de l’homme croyant, le Chérif hachémite Hussein Ibn Talal Ibn Abdallah, souverain du royaume hachémite de Jordanie, mort en croyant, conformément à la volonté de Dieu.”
Dimanche 7 février 1999, milieu de la matinée. Assis derrière le bureau de son père, sous un grand portrait de lui, le roi Abdallah annonce, dans une intervention télévisée, le décès de Hussein de Jordanie.
Trois heures plus tard, devant les deux Chambres du parlement réunies d’urgence, il prête serment. En complet sombre, cravate noire et la tête recouverte du traditionnel keffieh à damiers rouges et blancs, le quatrième roi de Jordanie entre au parlement et s’incline, profondément, devant un portrait grandeur nature de son père, sous les applaudissements de l’assistance. La main sur le Coran, le roi Abdallah déclare: “Je jure par le Dieu Tout-puissant de protéger la Constitution et de rester loyal à la nation.”
Le roi est mort, vive le roi!

TROIS JOURS DE VEILLE
Dès l’annonce du décès, un immense voile de tristesse enveloppe Amman et la Jordanie. Depuis le vendredi 5 février, date du retour du roi Hussein de la clinique Mayo, alors qu’il est déclaré, “cliniquement mort”, le peuple jordanien veille et prie pour son souverain, attendant un miracle tout en sachant qu’il ne se produira pas.
Du vendredi au dimanche, alors que Hussein dans le coma est maintenu en vie par les appareils, à la Cité médicale al-Hussein, la foule ne cesse d’affluer vers ce grand centre hospitalier priant, pleurant, implorant l’impossible, pensant que le “petit roi’ serait immortel, ne pouvant imaginer une Jordanie sans lui. La reine Nour est aux côtés de son époux et la famille royale le veille.
Mais ce grand souverain est à la fin de son parcours. Dimanche, son cœur cesse de battre et toute activité est suspendue dans le royaume hachémite. Le palais royal annonce trois mois de deuil et le gouvernement, quarante jours. Les institutions publiques et privées sont demeurées fermées jusqu’à jeudi 11 février.
Le roi est mort et les messages de condoléances, d’hommage au souverain défunt et d’appui au nouveau monarque parviennent à Amman du monde entier. Le président américain, Bill Clinton, affirme: “Le monde vient de perdre l’un de ses plus grands leaders. Moi je porte le deuil d’un ami.” Il assure Abdallah de son amitié et collaboration.
M. Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, salue “l’un des partenaires les plus précieux des Nations Unies pour la paix.”
Le président français, Jacques Chirac, assure que son pays “ne cessera de se mobiliser dans la région pour achever cette réconciliation que voulait tant sa majesté le roi Hussein.”
M. Tony Blair, Premier ministre britannique, dira: “Il a été un homme remarquable, d’une rare vision, intègre et courageux.”
M. Nelson Mandela, président sud-africain, déclare: “Tous ceux qui aiment la paix pleurent la mort du roi.” Le Premier ministre israélien Netanyahu lui rend un vibrant hommage, le qualifiant de “leader courageux”, “d’ami loyal” d’Israël et de “faiseur de paix”.
Au Liban, comme partout au sein du monde arabe, un deuil de trois jours est décrété.

FUNÉRAILLES MAJESTUEUSES ET POPULAIRES
Lundi 8 février 1999, les funérailles du roi Hussein sont grandioses et planétaires. Majestueuses et simples à la fois, royales et populaires, elles seront sans doute, les plus imposantes du siècle et de la fin d’un millénaire. L’Histoire les classera en tête de ses annales.
La quasi-totalité des têtes couronnées, des dirigeants et chefs d’Etat de la planète plus d’une cinquantaine affluent à Amman pour rendre un ultime hommage au souverain. Amis ou ennemis, alliés ou adversaires, ils s’inclinent devant la dépouille mortelle et présentent les condoléances au nouveau monarque, au prince héritier et aux membres de la famille royale. Hussein réussit à rassembler pour ce dernier adieu les grands de ce monde, tout comme il n’a cessé d’être de son vivant un faiseur de paix. Certes, il n’y a pas eu d’actes de réconciliation, mais certaines présences sont significatives. Ainsi, le président syrien surprend le monde en participant aux funérailles sachant que, depuis la signature du traité de paix israélo-jordanien, il n’était pas en bons termes avec Hussein. Il se trouve dans la capitale jordanienne en même temps que le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. Certes, les deux hommes ne se croisent pas, mais leur présence au même endroit pourrait être de bon augure. Il faut dire que les services de protocole jordanien, quoique débordés, séparent la délégation israélienne des délégations arabes qui n’ont pas de relations avec l’Etat hébreu.
Le président américain, Bill Clinton accompagné de trois ex-présidents: Gerald Ford, Jimmy Carter et George Bush, se trouve à Amman, en même temps que le vice-président irakien, le président soudanais Omar al-Bachir et la délégation libyenne. Il y a, aussi, côte à côte, d’autres adversaires: les présidents turc et grec, des Pakistanais et des Hindous...
Le président Boris Eltsine, passant outre à l’avis de ses médecins, a tenu à rendre cet ultime hommage à Hussein, alors qu’il ne s’est plus déplacé depuis des mois. Il repart pour Moscou avant la fin des funérailles. Evidemment, le président Jacques Chirac, le Premier ministre Tony Blair, le roi Juan Carlos, le prince Charles... sont présents, à la tête de leurs délégations respectives. Idem pour la totalité du monde arabe représenté au plus haut niveau, ainsi que pour les Israéliens ou les officiels et les divers courants sont venus nombreux.
Un geste spectaculaire est relevé: Nayef Hawatmeh, chef du FDLP, formation palestinienne d’opposition au processus de paix, tend la main au président israélien Weizman lui disant: “Vous êtes un homme de dialogue ayant œuvré pour la paix au Proche-Orient.”
 
 

Le président Chirac présentant ses condoléances au roi Abdallah.

G.D.:les présidents Clinton, Moubarak, Saleh et Arafat.

 Le sultan Kabous.



 Poignée de mains historique entre le roi Hussein et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, sous l’égide du président Bill Clinton, le jour de la signature de l’accord de paix, le 26 octobre 1994.

 


 Le roi Hussein avec le président américain Bill Clinton, le Premier ministre israélien Netanyahu et le chef de l’Autorité palestinienne, lors de la signature à la Maison-Blanche, le 23 octobre 1998, de l’accord de Wye Plantation.

 Lors des événements de 1991, le roi Hussein 
avait soutenu le président irakien, Saddam Hussein.

 Avec le président égyptien assassiné Anouar Sadate, 
lors de la conférence du Caire, le 8 mars 1977.

Avec le Premier britannique, 
Tony Blair.

 


Lors d’un voyage en Espagne, avec le roi Juan Carlos.

 


Le roi Hussein et sa troisième épouse Alia, 
avec Imelda Marcos aux Philippines, en mars 1976.


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LES GRANDS S’INCLINENT DEVANT LA DÉPOUILLE
Sous un ciel gris et bas, les funérailles du souverain hachémite commencent à midi et se poursuivent pendant plus de trois heures et demie. Elles démarrent à partir du palais royal de Bab As-Salam, situé sur les hauteurs d’Amman où repose la dépouille depuis dimanche. Le cercueil, porté par six membres de la famille hachémite, le roi Abdallah et le prince héritier Hamza en tête, est remis, une fois sorti du palais, à des officiers supérieurs qui le placent sur une voiture militaire blindée. Le convoi funèbre traverse, ensuite, les rues de la capitale sur une distance de 20 km pour se rendre au palais de Raghadan. Sur tout le parcours, des centaines de milliers de Jordaniens sont massés aux deux bords de la route et sur les ponts pour un ultime adieu à leur souverain. Les pleurs, les lamentations, les cris de douleur s’élèvent de partout. Des fleurs sont lancées sur le cercueil. Des dizaines de personnes joignent le cortège et plusieurs tentent de s’en approcher pour toucher le cercueil. L’imposant dispositif de sécurité déployé en force dans tout Amman est, plus d’une fois, débordé et doit sévir pour contenir la foule. Des jeeps rouges de la garde d’honneur, équipées de mitraillettes accompagnent le cercueil enveloppé du drapeau jordanien et un hélicoptère survole le convoi à basse altitude. On remarque, aussi, le cheval blanc du roi, sur lequel sont placées deux bottes noires renversées pour signifier qu’il a perdu son cavalier.
Au palais de Raghadan dans un grand hall, le cercueil est déposé sur une table et orienté vers la Mecque. Le nouveau roi et les membres de la famille royale sont les premiers à se recueillir, pour la dernière fois, devant la dépouille. Ensuite, ils se tiennent debout dans le salon, alors que commence le défilé des délégations arabes et étrangères. Ce cérémonial, à la fois simple et majestueux, dure plus d’une heure et demie. Les grands de ce monde s’inclinent, chacun à son tour, devant la dépouille, témoignant par leur présence de l’émotion suscitée partout par le décès de Hussein et du respect, de l’affection et de l’admiration dont il jouissait au sein de la communauté internationale.
Une fois cet ultime hommage rendu, le cercueil est à nouveau placé sur la voiture blindée et le convoi, Abdallah en tête, se dirige vers la mosquée Hamza ben Abdel-Mouttaleb, éloignée de 400 mètres du palais Raghadan où sont récitées les prières durant vingt minutes.
Au son des trompettes, de quinze coups de canon et des salves d’honneur, le souverain hachémite est inhumé dans le caveau familial du grand palais royal au centre d’Amman. Le drapeau jordanien qui enveloppe le cercueil est remis au nouveau roi. Abdallah et les membres de la famille royale reçoivent, alors, les condoléances.
 

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PLEIN APPUI À ABDALLAH
Devant sa dépouille, les dirigeants du monde occidental et arabe tiennent à assurer le nouveau monarque Abdallah Ibn Hussein de leur plein appui. Chacun est conscient du fait que la succession n’est pas aisée. Le premier appui est venu, dès l’annonce du décès de la part des Etats-Unis; puis, de la France, de la Grande-Bretagne... L’Arabie séoudite et les pays du Golfe assurent Abdallah de leur soutien. A Riad, le Conseil des ministres réuni sous la présidence du roi Fahd, affirme que l’Arabie séoudite se tient aux côtés de la Jordanie en ces circonstances difficiles, le royaume étant disposé à assurer les besoins en pétrole du pays jusque-là approvisionné par l’Irak à des prix préférentiels.
Il faut se rappeler qu’en septembre 90, l’Arabie séoudite avait arrêté d’approvisionner la Jordanie en pétrole, car le roi Hussein avait adopté dans la crise du Golfe une attitude jugée pro-irakienne.
Le Koweit, Oman, Qatar, les Emirats arabes unis qui décrètent un deuil de 40 jours, témoignent, également, leur solidarité et appuient le roi Abdallah, afin de préserver le précieux legs de Hussein.
Le jour où il est proclamé roi le 11 août 1952, Hussein n’a que 17 ans. On s’interroge, alors, sur ses possibilités de régner sur un pays confronté à de multiples problèmes internes et externes. Mais on ne pouvait se douter, à ce moment-là, du grand destin de celui qu’on appellera, affectueusement, le “petit roi”.
La “baraka” sera à ses côtés durant ses quarante six ans de pouvoir, au cours desquels il a échappé à plusieurs complots et tentatives d’assassinat; fait face aux guerres israélo-arabes, mis un terme aux convoitises palestiniennes et œuvré pour édifier un pays stable. Celui qu’on croyait être le plus fragile des dirigeants du Proche-Orient, régna le plus longtemps et fera figure, jusqu’aux derniers mois de sa vie, d’apôtre de la paix et de garant de la stabilité de son pays. Son nom est associé à celui de la Jordanie.
Hussein Ibn Talal est né à Amman le 14 novembre 1935, dans l’émirat de Transjordanie placé sous mandat britannique en 1921 après le démantèlement de l’Empire ottoman. Son grand-père, l’émir Abdallah, gouverne le pays et sera proclamé souverain d’un Etat indépendant en 1946, à l’expiration du mandat. Une indépendance qui ne sera pas de tout repos. Israël est créé en 1948, provoquant l’exode de milliers de Palestiniens vers différents Etats arabes dont la Jordanie qui annexera la Cisjordanie en avril 1950. L’appellation officielle de “Royaume hachémite de Jordanie” prend, alors, toute sa signification.
Le roi Abdallah qui croit en la possibilité d’un dialogue avec Israël, est abattu le 20 juillet 1951 à l’entrée de la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, par un Palestinien fanatique. Hussein (15 ans) présent aux côtés de son grand-père qu’il affectionnait particulièrement, échappe par miracle à l’attentat. Son destin venait de se décider.
Dans son autobiographie, il écrit: “En ce jour terrible, j’ai compris l’importance de la mort. Quand vous devez mourir, vous mourez, car tel est le jugement de Dieu. (...) C’est alors que j’ai découvert cette paix intérieure offerte à ceux qui ne craignent pas la mort.”
 

Lors de son premier mariage avec la pricesse Dina, en 1955.

En 1961, Hussein épouse Tony Gardner (Mona), d’origine britannique. 

Avec Alia ( Palestinienne), qu’il épouse en 1972. 

Le 16 juin 1978, le roi Hussein épouse la reine Nour, sa quatrième femme.

La princesse Mona lui donne son premier fils, 
Abdallah, né le 30 janvier 1962.

Alia meurt, tragiquement, dans un accident d’hélicoptère, en 1977.

Abdallah aux côtés de Hussein et Nour, le jour de leur mariage.

UN GRAND SAVOIR POLITIQUE
Dans ce contexte conflictuel, il est proclamé roi en 1952, son père Talal ayant été jugé mentalement inapte à régner. Le 2 mai 1953, Hussein est investi des pouvoirs constitutionnels le jour de son dix-huitième anniversaire, calculé selon le calendrier islamique.
Ses 46 ans de pouvoir vont être semés de difficultés qu’il surmontera les unes après les autres, grâce à un grand savoir-faire politique, à une volonté de fer, une détermination inébranlable, le souci de son peuple et de la stabilité interne et ce profond désir hérité de son grand-père de parvenir à une véritable paix régionale. Son atout majeur est, certes, l’armée formée essentiellement de troupes bédouines vouant une fidélité sacro-sainte au roi.
Il a à peine vingt ans quand les premières difficultés internes se manifestent, suivies de complots, d’intrigues et de multiples tentatives d’assassinats. A titre d’exemple, en 1955, le projet de ralliement de la Jordanie au Pacte (pro-occidental) de Bagdad auquel le jeune monarque est favorable, provoque des émeutes dans le pays alors que le Cabinet démissionne.
En 1957, des officiers jordaniens acquis aux idées unionistes du président égyptien Abdel-Nasser et de la Syrie, se préparent à encercler Amman pour occuper le palais royal. Mais les troupes bédouines veillent et mettent leur tentative en échec.
En octobre 1958, Hussein échappe de justesse à la mort, lorsque des chasseurs syriens tentent de forcer son avion à se poser, alors qu’il était en route pour la Suisse.
Les Syriens récidivent et, en 1960, deux membres du personnel du palais avouent avoir tenté de tuer Hussein par empoisonnement, avec l’appui de Damas. La même année, le Premier ministre jordanien, Hazza el-Madjali est tué par une bombe placée dans son bureau par des agents syriens. Hussein mobilise des troupes près de la frontière syrienne. Il mobilisera plusieurs fois ensuite, face à Damas avec laquelle les relations sont tendues.
Au plan du conflit israélo-arabe, en juin 1967, c’est la guerre des six jours. Israël s’empare de la Cisjordanie et de la vieille ville de Jérusalem, alors que plus de 200.000 Palestiniens se réfugient en Jordanie. Le souverain hachémite est à nouveau fragilisé. Les fedayines commettent de multiples abus croyant pouvoir créer un Etat dans l’Etat (tel qu’ils ont réussi à le faire au Liban). Mais le “petit roi” soutenu par la troupe, ne se laisse pas faire. Il réagit en déclenchant une répression sanglante contre les Palestiniens qu’il accuse de menacer la stabilité du royaume. Ce fut le fameux “septembre noir” de 1970, dont le Liban paiera les frais. Chassés de Jordanie, les Palestiniens armés jusqu’aux dents, imposent leur diktat au Liban.
Quelques années plus tard, Hussein se réconciliera avec Arafat, en se dégageant de toute tutelle sur la Cisjordanie.

L’IMAGE D’UN HOMME DE PAIX
Au fil des ans, le souverain hachémite se forge, surtout, une image d’homme de paix. Fermement convaincu que le conflit israélo-arabe ne peut être réglé que par le dialogue direct, il engage des relations secrètes avec l’Etat hébreu, au lendemain de la guerre de 67 et la Jordanie sera, après l’Egypte, le deuxième pays arabe à signer un traité de paix avec Israël.
A Washington, le 25 juin 1994, lors de la signature du protocole d’accord jordano-israélien, le roi Hussein échange une chaleureuse poignée de main avec Yitzhak Rabbin, Premier ministre israélien et affirme: “En ce jour, nous avons franchi un grand pas historique: espérons que ceci sera dans l’intérêt de nos deux peuples et pour l’ensemble des peuples de la région.”
Par la  suite, Hussein et Rabbin prononcent des discours devant les deux Chambres du Congrès réunies. Au moment où Hussein proclame: “L’état de guerre entre Israël et la Jordanie est terminé”, l’émotion est visible sur tous les visages et l’assistance l’applaudit debout. L’accord de paix est signé en octobre 1994.
Il poursuit ses efforts pour faire avancer les autres dossiers, notamment le processus israélo-palestinien. On gardera toujours en mémoire son ultime contribution pour faire aboutir l’accord de Wye Plantation en octobre 1998.
Les négociations engagées entre Netanyahu, Premier ministre israélien et Arafat, chef de l’Autorité palestinienne, sous l’égide du président Bill Clinton, piétinent. Le roi Hussein qui suivait un traitement chimiothérapique à la clinique Mayo de Rochester, est appelé à la rescousse par le chef de la Maison-Blanche. Il n’hésite pas à répondre à cet appel en faveur de la paix. Il arrive à Wye Plantation amaigri, mais souriant et décidé. La salle debout lui rend hommage. Il s’adresse aux deux camps, les exhortant à faire avancer la paix pour leurs enfants et leurs petits-enfants. Quelques heures plus tard, l’accord était signé.
 

Réunion familiale lors des cérémonies de la fête de l’Indépendance.

Le roi Hussein avec ses fils Fayçal, Hachem et Abdallah.

 


Le roi Abdallah réconforté par ses oncles les princes Hassan et Mohamed.

La princesse Basma, sœur du roi Hussein, qui lui a donné une greffe de sa moelle épinière.

Les princes Hachem, Ali et Fayçal au couronnement du roi Abdallah.

La reine Nour et les princesses demeurent au palais de Bab As-Salam.

Le prince héritier Hamza (19 ans), fils aîné de la reine Nour.

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UN PERSONNAGE CHARISMATIQUE
Originaires du Hedjaz et gardiens des lieux saints de la Mecque et de Médine à partir de 1201, les Hachémites sont, dit-on, descendants de Hachem considéré comme l’ancêtre du prophète Mahomet. Ils règnent sur le Hedjaz, l’Irak et la Syrie, très brièvement, mais c’est en Jordanie que leur pouvoir se maintient depuis 1921. Le roi Hussein est donc considéré comme un descendant direct du Prophète et “protecteur des lieux saints de l’Islam”.
Mais au-delà de cette ascendance illustre, le souverain hachémite se démarquait par son charisme et une personnalité hors du commun. On le sentait proche du cœur; il s’imposait malgré sa petite taille. Son visage souriant, ses yeux vifs et pétillants inspiraient confiance. Il était simple, direct, proche du peuple, disaient ses proches; le plus “occidentalisé” des chefs d’Etat arabes. Il a fait des études en Grande-Bretagne au prestigieux collège privé de Harrow; puis, à l’académie militaire de Sandhurst. Ses professeurs de l’époque disent qu’il était un élève “actif et intéressé”, sachant rester “modeste” malgré son rang. Un des instructeurs à Sandhurst, le major D.R. Horsfield, écrit: “Hussein est réfléchi, montre un grand sens commun, sait prendre des décisions rapides et efficaces comme si cela lui venait naturellement.” Il ajoute: “Il fait preuve d’une maturité étonnante pour son âge.” A l’époque, le futur roi avait 16 ans.

QUATRE ÉPOUSES ET ONZE ENFANTS
Le roi Hussein aimait les belles femmes et affichait sans complexe une image de playboy. Il s’est marié quatre fois, le dernier mariage, en 1978, avec Lisa Halaby, une belle Américaine d’origine libanaise, devenue la reine Nour qui lui a donné quatre enfants: deux garçons Hamza (nommé par Abdallah prince héritier), Hachem et deux filles. Son fils Abdallah qui vient de lui succéder au trône, est né de son mariage avec Tony Gardner (devenue la princesse Mona), fille d’un officier britannique. De ses quatre mariages, il a eu onze enfants: cinq garçons et six filles.
Pilote d’avion et d’hélicoptère, Hussein était, aussi, un grand sportif amateur de voitures de courses, faisant de la voile et du ski nautique.
Tous ces traits de son caractère et de sa personnalité contribuaient à le rendre populaire. Les Libanais, de longue date, lui ont manifesté affection particulière, celle-ci remontant à l’amitié profonde qui le liait au président Chamoun et à son fils Dany. Les retombées dramatiques pour le Liban du “septembre noir 70” n’ont pas altéré cette sympathie des Libanais à son égard.
A l’intérieur de son royaume, il y avait de multiples courants d’opposition émanant des milieux intellectuels, syndicalistes, des masses palestiniennes qui constituent plus de la moitié du peuple jordanien et des courants islamistes.
Le monarque était conscient de l’impact de ces courants d’opposition et de la nécessité de doter son pays de structures modernes, de surmonter les problèmes économiques et de le faire avancer sur la voie de la démocratie. Ainsi, en 1989, suite aux émeutes provoquées par des difficultés économiques dans le Sud de la Jordanie, il décide d’organiser des élections générales qui seront les premières depuis deux décennies. Il savait qu’il y avait encore beaucoup à faire. La mort l’a devancé.

LE CANCER MET FIN À UN GRAND DESTIN
L’homme dont on prédisait, en 1953, qu’il ne règnera pas longtemps, aura été l’un des plus grands dirigeants du Proche-Orient. Il a réussi à surmonter les multiples épreuves du destin et du pouvoir, mais le cancer l’a vaincu.
En 1992, le mal se manifeste. Hussein est soigné aux Etats-Unis et subit l’ablation d’un rein. On le croit, définitivement, guéri. Sept ans plus tard, le cancer réapparaît, cette fois de façon radicale. Le 14 juillet 1998, le souverain hachémite est hospitalisé à la clinique Mayo de Rochester, afin de traiter un cancer des ganglions lymphatiques. Il y subit des séances éprouvantes de chimiothérapie et une autogreffe de la moelle osseuse.
Il ne sortira de la clinique que trois fois. La première en octobre 98, pour voler au secours du processus de paix en difficulté à Wye Plantation; une deuxième fois, pour rentrer le 19 janvier 1999 à Amman régler le problème de sa succession et, une dernière fois, le 4 février 99 pour venir mourir sur sa terre natale, parmi son peuple.
Le règlement de sa succession aura été, dit-on, la dernière grande manœuvre politique du souverain. Se disant guéri, tout en se sachant condamné, Hussein atterrissait à Amman le 19 janvier 1999 et était triomphalement accueilli par son peuple. Dans les rues de la capitale qu’il traverse debout dans sa berline, c’était le délire. Il a voulu, sans doute, que son peuple conserve une belle image de son monarque.
Les choses vont aller très vite. Moins d’une semaine après son retour, il écarte du pouvoir son frère le prince Hassan Ibn Talal qui avait été désigné, depuis 1965, prince héritier et assumait cette fonction depuis 35 ans, pour nommer le 25 janvier, son fils aîné le prince Abdallah (37 ans) héritier du trône. Le roi demande, aussi, à Abdallah de désigner son fils Hamza, né de son mariage avec Nour, au titre de prince héritier le jour où il accèdera au trône.
Atteint de nouvelles poussées de fièvre et de baisse de l’immunité, le roi repart aux Etats-Unis, moins de dix jours après son retour à Amman pour se faire soigner. Il était déjà tard; le mal avait déjà fait ses ravages.
Jeudi 4 février 1999, le roi Hussein quitte à jamais la clinique Mayo, pour rentrer mourir chez lui. En signe de respect, deux chasseurs américains “F-15” l’accompagnent. Il arrive à neuf heures du matin à l’aéroport de la reine Alia pour être conduit, aussitôt, à l’hôpital Al-Hussein. Quelques heures après, une source officielle annonçait que le roi était “cliniquement mort”, son rein et son foie ayant cessé de fonctionner. Il est maintenu en vie par les appareils, que la famille royale refusera de débrancher pour des considérations religieuses et morales. Son cœur continuera à battre et son cerveau à fonctionner jusqu’au dimanche matin 7 février. Dans l’avion qui le ramenait des Etats-Unis à Amman, il tenait la main de la reine Nour qui restera à ses côtés à l’hôpital, jusqu’à son dernier souffle.
 

Souriant, jusqu’aux derniers jours de sa vie.

Aux commandes de son avion le jour de son avant-dernier retour.

Il avait encore la force de s’agenouiller 
pour rendre hommage à sa terre natale.

Avant son départ pour les USA, un derneir adieu à ses sujets.

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UNE SUCCESSION DIFFICILE
Avec la mort du roi Hussein et l’arrivée au trône de son fils Abdallah, une multitude de questions se posent sur l’avenir de la Jordanie dans une région toujours instable, où le processus de paix est en blocage. Le royaume hachémite risque-t-il d’être fragilisé avec un roi inexpérimenté au plan politique, ayant passé près de la moitié de sa vie à l’extérieur du pays?
Les analyses et commentaires sur la succession abondent et certains faits s’imposent a priori. Tout d’abord, plusieurs avis concordent à dire que les Etats-Unis auraient joué un rôle déterminant dans le choix du prince Abdallah comme futur roi et la mise à l’écart du prince Hassan. Washington jugeait le frère du roi trop indépendant à l’égard de la politique américaine, alors que Abdallah en est bien plus proche et suivra la politique tracée par son père, tel qu’il l’a déjà affirmé dans sa première déclaration officielle. L’Amérique, dit-on, aurait poussé Hussein à quitter la clinique pour venir à Amman régler sa succession.
Par ailleurs, les analystes politiques s’attardent sur la nouvelle donne jordanienne. Ils considèrent qu’au départ, le nouveau roi a deux atouts majeurs de son côté: l’armée lui est fidèle, puisqu’il a fait lui-même des études militaires et commandait les Forces spéciales. En deuxième lieu, le fait que sa femme Rania soit d’origine palestinienne joue, aussi, en sa faveur, plus de la moitié du peuple jordanien étant d’origine palestinienne.
En contrepartie, on se demande si le roi Abdallah sera en mesure de faire face aux problèmes politiques et économiques internes auxquels la Jordanie est confrontée, surtout depuis la guerre du Golfe, Hussein s’étant démarqué des monarchies arabes et s’il pourra acheminer son royaume vers un régime démocratique réel, une sorte de monarchie constitutionnelle tel que le souhaitait son père? Comment va-t-il traiter avec les problèmes de la région et le processus de paix dont le roi Hussein s’était fait le champion?
On se demande, aussi, si les querelles de succession sont réellement tranchées et si la famille royale se regroupera autour du roi Abdallah, arrière petit-fils du roi Abdallah, premier fondateur du royaume hachémite pour préserver la dynastie et le royaume?

UNE LETTRE AUX ACCENTS DE TESTAMENT

Dans une lettre rendue publique et adressée à son frère cadet, le prince Hassan Ibn Talal, le roi Hussein explique les raisons de sa disgrâce et du choix de Abdallah comme héritier du trône. Le premier conflit était dû au fait que Hussein souhaitait, qu’une fois devenu roi, Hassan nomme Hamza, fils aîné de Nour, au titre de prince héritier. Mais Hassan voulait choisir lui-même son successeur. De même, le roi Hussein reprochait à son frère de n’avoir pas su traiter tel qu’il le fallait la reine Nour. “Elle non plus, écrit-il dans cette lettre, n’a pas échappé aux critiques de ceux qui se sont dit quand ma fièvre était élevée, que leur chance était arrivée.”
Il poursuit: “J’ai dû intervenir de mon lit d’hôpital pour empêcher tes ingérences dans les affaires de l’armée... d’avoir rappelé des ambassadeurs compétents, sans raison valable excepté celle de l’âge.”
Il affirme aussi: “Je n’ai pas réussi pendant toutes ces années à vous convaincre, ta famille et toi, de cesser d’inciter les médias à se concentrer sur les personnes... Les qualités les plus importantes auxquelles un jeune homme devrait aspirer, sont le respect de l’autre, la franchise, le courage de refuser la rancune, l’honneur de servir dans les forces armées jordaniennes, le désir de devenir un modèle pour les autres, celui de mériter le respect par ses talents et ses capacités...”
Par Nelly Hélou

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