![]() Le cercueil est porté par les grands officiers. |
![]() Le nouveau roi Abdallah, le prince héritier Hamza et d’autres membres de la famille royale portant le cercueil du souverain. |
![]() Les présidents américains Clinton, Ford, Carter et Bush à leur descente d’avion. |
![]() Le prince Charles et Tony Blair, Premier ministre de Grande-Bretagne. |
![]() Eltsine, malgré sa maladie, est venu présenter ses condoléances. |
![]() Le président Assad a provoqué la surprise générale en assistant aux funérailles. |
![]() Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, ayant, à ses côtés, Ariel Sharon, ministre des Affaires étrangères. |
![]() Cliquer pour agrandir |
TROIS JOURS DE VEILLE
Dès l’annonce du décès, un immense voile de tristesse
enveloppe Amman et la Jordanie. Depuis le vendredi 5 février, date
du retour du roi Hussein de la clinique Mayo, alors qu’il est déclaré,
“cliniquement mort”, le peuple jordanien veille et prie pour son souverain,
attendant un miracle tout en sachant qu’il ne se produira pas.
Du vendredi au dimanche, alors que Hussein dans le coma est maintenu
en vie par les appareils, à la Cité médicale al-Hussein,
la foule ne cesse d’affluer vers ce grand centre hospitalier priant, pleurant,
implorant l’impossible, pensant que le “petit roi’ serait immortel, ne
pouvant imaginer une Jordanie sans lui. La reine Nour est aux côtés
de son époux et la famille royale le veille.
Mais ce grand souverain est à la fin de son parcours. Dimanche,
son cœur cesse de battre et toute activité est suspendue dans le
royaume hachémite. Le palais royal annonce trois mois de deuil et
le gouvernement, quarante jours. Les institutions publiques et privées
sont demeurées fermées jusqu’à jeudi 11 février.
Le roi est mort et les messages de condoléances, d’hommage au
souverain défunt et d’appui au nouveau monarque parviennent à
Amman du monde entier. Le président américain, Bill Clinton,
affirme: “Le monde vient de perdre l’un de ses plus grands leaders. Moi
je porte le deuil d’un ami.” Il assure Abdallah de son amitié et
collaboration.
M. Kofi Annan, secrétaire général de l’ONU, salue
“l’un des partenaires les plus précieux des Nations Unies pour la
paix.”
Le président français, Jacques Chirac, assure que son
pays “ne cessera de se mobiliser dans la région pour achever cette
réconciliation que voulait tant sa majesté le roi Hussein.”
M. Tony Blair, Premier ministre britannique, dira: “Il a été
un homme remarquable, d’une rare vision, intègre et courageux.”
M. Nelson Mandela, président sud-africain, déclare: “Tous
ceux qui aiment la paix pleurent la mort du roi.” Le Premier ministre israélien
Netanyahu lui rend un vibrant hommage, le qualifiant de “leader courageux”,
“d’ami loyal” d’Israël et de “faiseur de paix”.
Au Liban, comme partout au sein du monde arabe, un deuil de trois jours
est décrété.
FUNÉRAILLES MAJESTUEUSES ET POPULAIRES
Lundi 8 février 1999, les funérailles du roi Hussein
sont grandioses et planétaires. Majestueuses et simples à
la fois, royales et populaires, elles seront sans doute, les plus imposantes
du siècle et de la fin d’un millénaire. L’Histoire les classera
en tête de ses annales.
La quasi-totalité des têtes couronnées, des dirigeants
et chefs d’Etat de la planète plus d’une cinquantaine affluent à
Amman pour rendre un ultime hommage au souverain. Amis ou ennemis, alliés
ou adversaires, ils s’inclinent devant la dépouille mortelle et
présentent les condoléances au nouveau monarque, au prince
héritier et aux membres de la famille royale. Hussein réussit
à rassembler pour ce dernier adieu les grands de ce monde, tout
comme il n’a cessé d’être de son vivant un faiseur de paix.
Certes, il n’y a pas eu d’actes de réconciliation, mais certaines
présences sont significatives. Ainsi, le président syrien
surprend le monde en participant aux funérailles sachant que, depuis
la signature du traité de paix israélo-jordanien, il n’était
pas en bons termes avec Hussein. Il se trouve dans la capitale jordanienne
en même temps que le Premier ministre israélien, Benjamin
Netanyahu. Certes, les deux hommes ne se croisent pas, mais leur présence
au même endroit pourrait être de bon augure. Il faut dire que
les services de protocole jordanien, quoique débordés, séparent
la délégation israélienne des délégations
arabes qui n’ont pas de relations avec l’Etat hébreu.
Le président américain, Bill Clinton accompagné
de trois ex-présidents: Gerald Ford, Jimmy Carter et George Bush,
se trouve à Amman, en même temps que le vice-président
irakien, le président soudanais Omar al-Bachir et la délégation
libyenne. Il y a, aussi, côte à côte, d’autres adversaires:
les présidents turc et grec, des Pakistanais et des Hindous...
Le président Boris Eltsine, passant outre à l’avis de
ses médecins, a tenu à rendre cet ultime hommage à
Hussein, alors qu’il ne s’est plus déplacé depuis des mois.
Il repart pour Moscou avant la fin des funérailles. Evidemment,
le président Jacques Chirac, le Premier ministre Tony Blair, le
roi Juan Carlos, le prince Charles... sont présents, à la
tête de leurs délégations respectives. Idem pour la
totalité du monde arabe représenté au plus haut niveau,
ainsi que pour les Israéliens ou les officiels et les divers courants
sont venus nombreux.
Un geste spectaculaire est relevé: Nayef Hawatmeh, chef du FDLP,
formation palestinienne d’opposition au processus de paix, tend la main
au président israélien Weizman lui disant: “Vous êtes
un homme de dialogue ayant œuvré pour la paix au Proche-Orient.”
![]() Le président Chirac présentant ses condoléances au roi Abdallah. |
![]() G.D.:les présidents Clinton, Moubarak, Saleh et Arafat. |
![]() Le sultan Kabous. |
![]() Poignée de mains historique entre le roi Hussein et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, sous l’égide du président Bill Clinton, le jour de la signature de l’accord de paix, le 26 octobre 1994.
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![]() Le roi Hussein avec le président américain Bill Clinton, le Premier ministre israélien Netanyahu et le chef de l’Autorité palestinienne, lors de la signature à la Maison-Blanche, le 23 octobre 1998, de l’accord de Wye Plantation. |
![]() Lors des événements de 1991, le roi Hussein avait soutenu le président irakien, Saddam Hussein. |
![]() Avec le président égyptien assassiné Anouar Sadate, lors de la conférence du Caire, le 8 mars 1977. |
![]() Avec le Premier britannique, Tony Blair.
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![]() Lors d’un voyage en Espagne, avec le roi Juan Carlos.
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![]() Le roi Hussein et sa troisième épouse Alia, avec Imelda Marcos aux Philippines, en mars 1976. |
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PLEIN APPUI À ABDALLAH
Devant sa dépouille, les dirigeants du monde occidental et arabe
tiennent à assurer le nouveau monarque Abdallah Ibn Hussein de leur
plein appui. Chacun est conscient du fait que la succession n’est pas aisée.
Le premier appui est venu, dès l’annonce du décès
de la part des Etats-Unis; puis, de la France, de la Grande-Bretagne...
L’Arabie séoudite et les pays du Golfe assurent Abdallah de leur
soutien. A Riad, le Conseil des ministres réuni sous la présidence
du roi Fahd, affirme que l’Arabie séoudite se tient aux côtés
de la Jordanie en ces circonstances difficiles, le royaume étant
disposé à assurer les besoins en pétrole du pays jusque-là
approvisionné par l’Irak à des prix préférentiels.
Il faut se rappeler qu’en septembre 90, l’Arabie séoudite avait
arrêté d’approvisionner la Jordanie en pétrole, car
le roi Hussein avait adopté dans la crise du Golfe une attitude
jugée pro-irakienne.
Le Koweit, Oman, Qatar, les Emirats arabes unis qui décrètent
un deuil de 40 jours, témoignent, également, leur solidarité
et appuient le roi Abdallah, afin de préserver le précieux
legs de Hussein.
Le jour où il est proclamé roi le 11 août 1952,
Hussein n’a que 17 ans. On s’interroge, alors, sur ses possibilités
de régner sur un pays confronté à de multiples problèmes
internes et externes. Mais on ne pouvait se douter, à ce moment-là,
du grand destin de celui qu’on appellera, affectueusement, le “petit roi”.
La “baraka” sera à ses côtés durant ses quarante
six ans de pouvoir, au cours desquels il a échappé à
plusieurs complots et tentatives d’assassinat; fait face aux guerres israélo-arabes,
mis un terme aux convoitises palestiniennes et œuvré pour édifier
un pays stable. Celui qu’on croyait être le plus fragile des dirigeants
du Proche-Orient, régna le plus longtemps et fera figure, jusqu’aux
derniers mois de sa vie, d’apôtre de la paix et de garant de la stabilité
de son pays. Son nom est associé à celui de la Jordanie.
Hussein Ibn Talal est né à Amman le 14 novembre 1935,
dans l’émirat de Transjordanie placé sous mandat britannique
en 1921 après le démantèlement de l’Empire ottoman.
Son grand-père, l’émir Abdallah, gouverne le pays et sera
proclamé souverain d’un Etat indépendant en 1946, à
l’expiration du mandat. Une indépendance qui ne sera pas de tout
repos. Israël est créé en 1948, provoquant l’exode de
milliers de Palestiniens vers différents Etats arabes dont la Jordanie
qui annexera la Cisjordanie en avril 1950. L’appellation officielle de
“Royaume hachémite de Jordanie” prend, alors, toute sa signification.
Le roi Abdallah qui croit en la possibilité d’un dialogue avec
Israël, est abattu le 20 juillet 1951 à l’entrée de
la mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, par un Palestinien
fanatique. Hussein (15 ans) présent aux côtés de son
grand-père qu’il affectionnait particulièrement, échappe
par miracle à l’attentat. Son destin venait de se décider.
Dans son autobiographie, il écrit: “En ce jour terrible, j’ai
compris l’importance de la mort. Quand vous devez mourir, vous mourez,
car tel est le jugement de Dieu. (...) C’est alors que j’ai découvert
cette paix intérieure offerte à ceux qui ne craignent pas
la mort.”
![]() Lors de son premier mariage avec la pricesse Dina, en 1955. |
![]() En 1961, Hussein épouse Tony Gardner (Mona), d’origine britannique. |
|
![]() Avec Alia ( Palestinienne), qu’il épouse en 1972. |
![]() Le 16 juin 1978, le roi Hussein épouse la reine Nour, sa quatrième femme. |
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![]() La princesse Mona lui donne son premier fils, Abdallah, né le 30 janvier 1962. |
![]() Alia meurt, tragiquement, dans un accident d’hélicoptère, en 1977. |
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![]() Abdallah aux côtés de Hussein et Nour, le jour de leur mariage. |
UN GRAND SAVOIR POLITIQUE
Dans ce contexte conflictuel, il est proclamé roi en 1952, son
père Talal ayant été jugé mentalement inapte
à régner. Le 2 mai 1953, Hussein est investi des pouvoirs
constitutionnels le jour de son dix-huitième anniversaire, calculé
selon le calendrier islamique.
Ses 46 ans de pouvoir vont être semés de difficultés
qu’il surmontera les unes après les autres, grâce à
un grand savoir-faire politique, à une volonté de fer, une
détermination inébranlable, le souci de son peuple et de
la stabilité interne et ce profond désir hérité
de son grand-père de parvenir à une véritable paix
régionale. Son atout majeur est, certes, l’armée formée
essentiellement de troupes bédouines vouant une fidélité
sacro-sainte au roi.
Il a à peine vingt ans quand les premières difficultés
internes se manifestent, suivies de complots, d’intrigues et de multiples
tentatives d’assassinats. A titre d’exemple, en 1955, le projet de ralliement
de la Jordanie au Pacte (pro-occidental) de Bagdad auquel le jeune monarque
est favorable, provoque des émeutes dans le pays alors que le Cabinet
démissionne.
En 1957, des officiers jordaniens acquis aux idées unionistes
du président égyptien Abdel-Nasser et de la Syrie, se préparent
à encercler Amman pour occuper le palais royal. Mais les troupes
bédouines veillent et mettent leur tentative en échec.
En octobre 1958, Hussein échappe de justesse à la mort,
lorsque des chasseurs syriens tentent de forcer son avion à se poser,
alors qu’il était en route pour la Suisse.
Les Syriens récidivent et, en 1960, deux membres du personnel
du palais avouent avoir tenté de tuer Hussein par empoisonnement,
avec l’appui de Damas. La même année, le Premier ministre
jordanien, Hazza el-Madjali est tué par une bombe placée
dans son bureau par des agents syriens. Hussein mobilise des troupes près
de la frontière syrienne. Il mobilisera plusieurs fois ensuite,
face à Damas avec laquelle les relations sont tendues.
Au plan du conflit israélo-arabe, en juin 1967, c’est la guerre
des six jours. Israël s’empare de la Cisjordanie et de la vieille
ville de Jérusalem, alors que plus de 200.000 Palestiniens se réfugient
en Jordanie. Le souverain hachémite est à nouveau fragilisé.
Les fedayines commettent de multiples abus croyant pouvoir créer
un Etat dans l’Etat (tel qu’ils ont réussi à le faire au
Liban). Mais le “petit roi” soutenu par la troupe, ne se laisse pas faire.
Il réagit en déclenchant une répression sanglante
contre les Palestiniens qu’il accuse de menacer la stabilité du
royaume. Ce fut le fameux “septembre noir” de 1970, dont le Liban paiera
les frais. Chassés de Jordanie, les Palestiniens armés jusqu’aux
dents, imposent leur diktat au Liban.
Quelques années plus tard, Hussein se réconciliera avec
Arafat, en se dégageant de toute tutelle sur la Cisjordanie.
L’IMAGE D’UN HOMME DE PAIX
Au fil des ans, le souverain hachémite se forge, surtout, une
image d’homme de paix. Fermement convaincu que le conflit israélo-arabe
ne peut être réglé que par le dialogue direct, il engage
des relations secrètes avec l’Etat hébreu, au lendemain de
la guerre de 67 et la Jordanie sera, après l’Egypte, le deuxième
pays arabe à signer un traité de paix avec Israël.
A Washington, le 25 juin 1994, lors de la signature du protocole d’accord
jordano-israélien, le roi Hussein échange une chaleureuse
poignée de main avec Yitzhak Rabbin, Premier ministre israélien
et affirme: “En ce jour, nous avons franchi un grand pas historique: espérons
que ceci sera dans l’intérêt de nos deux peuples et pour l’ensemble
des peuples de la région.”
Par la suite, Hussein et Rabbin prononcent des discours devant
les deux Chambres du Congrès réunies. Au moment où
Hussein proclame: “L’état de guerre entre Israël et la Jordanie
est terminé”, l’émotion est visible sur tous les visages
et l’assistance l’applaudit debout. L’accord de paix est signé en
octobre 1994.
Il poursuit ses efforts pour faire avancer les autres dossiers, notamment
le processus israélo-palestinien. On gardera toujours en mémoire
son ultime contribution pour faire aboutir l’accord de Wye Plantation en
octobre 1998.
Les négociations engagées entre Netanyahu, Premier ministre
israélien et Arafat, chef de l’Autorité palestinienne, sous
l’égide du président Bill Clinton, piétinent. Le roi
Hussein qui suivait un traitement chimiothérapique à la clinique
Mayo de Rochester, est appelé à la rescousse par le chef
de la Maison-Blanche. Il n’hésite pas à répondre à
cet appel en faveur de la paix. Il arrive à Wye Plantation amaigri,
mais souriant et décidé. La salle debout lui rend hommage.
Il s’adresse aux deux camps, les exhortant à faire avancer la paix
pour leurs enfants et leurs petits-enfants. Quelques heures plus tard,
l’accord était signé.
![]() Réunion familiale lors des cérémonies de la fête de l’Indépendance. |
![]() Le roi Hussein avec ses fils Fayçal, Hachem et Abdallah.
|
![]() Le roi Abdallah réconforté par ses oncles les princes Hassan et Mohamed. |
![]() La princesse Basma, sœur du roi Hussein, qui lui a donné une greffe de sa moelle épinière. |
![]() Les princes Hachem, Ali et Fayçal au couronnement du roi Abdallah. |
![]() La reine Nour et les princesses demeurent au palais de Bab As-Salam. |
![]() Le prince héritier Hamza (19 ans), fils aîné de la reine Nour. |
![]() Cliquer pour agrandir |
QUATRE ÉPOUSES ET ONZE ENFANTS
Le roi Hussein aimait les belles femmes et affichait sans complexe
une image de playboy. Il s’est marié quatre fois, le dernier mariage,
en 1978, avec Lisa Halaby, une belle Américaine d’origine libanaise,
devenue la reine Nour qui lui a donné quatre enfants: deux garçons
Hamza (nommé par Abdallah prince héritier), Hachem et deux
filles. Son fils Abdallah qui vient de lui succéder au trône,
est né de son mariage avec Tony Gardner (devenue la princesse Mona),
fille d’un officier britannique. De ses quatre mariages, il a eu onze enfants:
cinq garçons et six filles.
Pilote d’avion et d’hélicoptère, Hussein était,
aussi, un grand sportif amateur de voitures de courses, faisant de la voile
et du ski nautique.
Tous ces traits de son caractère et de sa personnalité
contribuaient à le rendre populaire. Les Libanais, de longue date,
lui ont manifesté affection particulière, celle-ci remontant
à l’amitié profonde qui le liait au président Chamoun
et à son fils Dany. Les retombées dramatiques pour le Liban
du “septembre noir 70” n’ont pas altéré cette sympathie des
Libanais à son égard.
A l’intérieur de son royaume, il y avait de multiples courants
d’opposition émanant des milieux intellectuels, syndicalistes, des
masses palestiniennes qui constituent plus de la moitié du peuple
jordanien et des courants islamistes.
Le monarque était conscient de l’impact de ces courants d’opposition
et de la nécessité de doter son pays de structures modernes,
de surmonter les problèmes économiques et de le faire avancer
sur la voie de la démocratie. Ainsi, en 1989, suite aux émeutes
provoquées par des difficultés économiques dans le
Sud de la Jordanie, il décide d’organiser des élections générales
qui seront les premières depuis deux décennies. Il savait
qu’il y avait encore beaucoup à faire. La mort l’a devancé.
LE CANCER MET FIN À UN GRAND DESTIN
L’homme dont on prédisait, en 1953, qu’il ne règnera
pas longtemps, aura été l’un des plus grands dirigeants du
Proche-Orient. Il a réussi à surmonter les multiples épreuves
du destin et du pouvoir, mais le cancer l’a vaincu.
En 1992, le mal se manifeste. Hussein est soigné aux Etats-Unis
et subit l’ablation d’un rein. On le croit, définitivement, guéri.
Sept ans plus tard, le cancer réapparaît, cette fois de façon
radicale. Le 14 juillet 1998, le souverain hachémite est hospitalisé
à la clinique Mayo de Rochester, afin de traiter un cancer des ganglions
lymphatiques. Il y subit des séances éprouvantes de chimiothérapie
et une autogreffe de la moelle osseuse.
Il ne sortira de la clinique que trois fois. La première en
octobre 98, pour voler au secours du processus de paix en difficulté
à Wye Plantation; une deuxième fois, pour rentrer le 19 janvier
1999 à Amman régler le problème de sa succession et,
une dernière fois, le 4 février 99 pour venir mourir sur
sa terre natale, parmi son peuple.
Le règlement de sa succession aura été, dit-on,
la dernière grande manœuvre politique du souverain. Se disant guéri,
tout en se sachant condamné, Hussein atterrissait à Amman
le 19 janvier 1999 et était triomphalement accueilli par son peuple.
Dans les rues de la capitale qu’il traverse debout dans sa berline, c’était
le délire. Il a voulu, sans doute, que son peuple conserve une belle
image de son monarque.
Les choses vont aller très vite. Moins d’une semaine après
son retour, il écarte du pouvoir son frère le prince Hassan
Ibn Talal qui avait été désigné, depuis 1965,
prince héritier et assumait cette fonction depuis 35 ans, pour nommer
le 25 janvier, son fils aîné le prince Abdallah (37 ans) héritier
du trône. Le roi demande, aussi, à Abdallah de désigner
son fils Hamza, né de son mariage avec Nour, au titre de prince
héritier le jour où il accèdera au trône.
Atteint de nouvelles poussées de fièvre et de baisse
de l’immunité, le roi repart aux Etats-Unis, moins de dix jours
après son retour à Amman pour se faire soigner. Il était
déjà tard; le mal avait déjà fait ses ravages.
Jeudi 4 février 1999, le roi Hussein quitte à jamais
la clinique Mayo, pour rentrer mourir chez lui. En signe de respect, deux
chasseurs américains “F-15” l’accompagnent. Il arrive à neuf
heures du matin à l’aéroport de la reine Alia pour être
conduit, aussitôt, à l’hôpital Al-Hussein. Quelques
heures après, une source officielle annonçait que le roi
était “cliniquement mort”, son rein et son foie ayant cessé
de fonctionner. Il est maintenu en vie par les appareils, que la famille
royale refusera de débrancher pour des considérations religieuses
et morales. Son cœur continuera à battre et son cerveau à
fonctionner jusqu’au dimanche matin 7 février. Dans l’avion qui
le ramenait des Etats-Unis à Amman, il tenait la main de la reine
Nour qui restera à ses côtés à l’hôpital,
jusqu’à son dernier souffle.
![]() Souriant, jusqu’aux derniers jours de sa vie. |
![]() Aux commandes de son avion le jour de son avant-dernier retour. |
|
![]() Il avait encore la force de s’agenouiller pour rendre hommage à sa terre natale. |
![]() Avant son départ pour les USA, un derneir adieu à ses sujets. |
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![]() Cliquer pour agrandir |
UNE SUCCESSION DIFFICILE
Avec la mort du roi Hussein et l’arrivée au trône de son
fils Abdallah, une multitude de questions se posent sur l’avenir de la
Jordanie dans une région toujours instable, où le processus
de paix est en blocage. Le royaume hachémite risque-t-il d’être
fragilisé avec un roi inexpérimenté au plan politique,
ayant passé près de la moitié de sa vie à l’extérieur
du pays?
Les analyses et commentaires sur la succession abondent et certains
faits s’imposent a priori. Tout d’abord, plusieurs avis concordent à
dire que les Etats-Unis auraient joué un rôle déterminant
dans le choix du prince Abdallah comme futur roi et la mise à l’écart
du prince Hassan. Washington jugeait le frère du roi trop indépendant
à l’égard de la politique américaine, alors que Abdallah
en est bien plus proche et suivra la politique tracée par son père,
tel qu’il l’a déjà affirmé dans sa première
déclaration officielle. L’Amérique, dit-on, aurait poussé
Hussein à quitter la clinique pour venir à Amman régler
sa succession.
Par ailleurs, les analystes politiques s’attardent sur la nouvelle
donne jordanienne. Ils considèrent qu’au départ, le nouveau
roi a deux atouts majeurs de son côté: l’armée lui
est fidèle, puisqu’il a fait lui-même des études militaires
et commandait les Forces spéciales. En deuxième lieu, le
fait que sa femme Rania soit d’origine palestinienne joue, aussi, en sa
faveur, plus de la moitié du peuple jordanien étant d’origine
palestinienne.
En contrepartie, on se demande si le roi Abdallah sera en mesure de
faire face aux problèmes politiques et économiques internes
auxquels la Jordanie est confrontée, surtout depuis la guerre du
Golfe, Hussein s’étant démarqué des monarchies arabes
et s’il pourra acheminer son royaume vers un régime démocratique
réel, une sorte de monarchie constitutionnelle tel que le souhaitait
son père? Comment va-t-il traiter avec les problèmes de la
région et le processus de paix dont le roi Hussein s’était
fait le champion?
On se demande, aussi, si les querelles de succession sont réellement
tranchées et si la famille royale se regroupera autour du roi Abdallah,
arrière petit-fils du roi Abdallah, premier fondateur du royaume
hachémite pour préserver la dynastie et le royaume?
UNE LETTRE AUX ACCENTS DE TESTAMENT