RAMBOUILLET, PASSAGE OBLIGÉ DE LA PAIX EN EUROPE
LES ACTEURS DU DRAME DU KOSOVO


Le cadre du château de Rambouillet avec ses ors, ses boiseries, ses 22.000 hectares de chênes, est bien loin de rappeler celui de l’austère base militaire US de Dayton dans l’Ohio où fut négociée en novembre 1995 la paix en Bosnie, bien qu’un drame similaire s’y joue avec les mêmes enjeux, mettant en péril le fragile équilibre des Balkans et la paix sur le flanc sud-est de l’Europe.
 
 

Les forces de police française surveillent 
l’enceinte du château de Rambouillet.

Le “Foch” croisant en mer 
Adriatique et prêt à intervenir.

 Le président Chirac à Rambouillet: “La France, 
pas plus que ses partenaires, ne tolèrera pas un conflit
qui bafoue les principes essentiels de la dignité humaine.”

 Deux membres de la délégation serbe, 
le vice-Premier ministre Ratko Markovic 
(à gauche) et son homologue de la fédération yougoslave, Nikola Sainovic.

 Ecoutant le président Chirac, au premier rang, 
Hubert Védrine et Robin Cook, au second rang,
le leader kosovar modéré, Ibrahim Rugova.

 Le général Wesley Clark, commandant 
suprême des forces de l’OTAN en Europe: 
L’OTAN est prête à intervenir.

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Ce château du XIVème siècle (à quelque 50 km au sud-ouest de Paris), restauré et aggrandi, a déjà été le témoin d’événements historiques: mort de François 1er en 1547 des suites d’une blessure à la chasse, abdication de Charles X en 1830 et... séjour du général De Gaulle qui y donna l’ordre à Leclerc, le 23 août 1944, d’entreprendre sa “marche libératrice” sur Paris. Plus tard, de ce château, devenu propriété de l’Etat à la fin du XIXème siècle, De Gaulle fera un haut-lieu des rencontres diplomatiques, y recevant le chancelier Adenauer, Nikita Khroutchev en pleine guerre froide, Harold Mc Millan.
Depuis, la tradition ne s’est pas démentie. Les hôtes prestigieux ont défilé au château avec un temps fort en novembre 1975, lorsque Giscard d’Estaing y réunit six chefs d’Etat et de gouvernement des pays les plus industrialisés donnant, ainsi, le coup d’envoi du G7.
C’est, d’ailleurs, le président Chirac qui a ouvert, le 6 février, la conférence de Rambouillet, initiée par les six pays du Groupe de contact (Allemagne, Etats-Unis, France, Italie, Royaume-Uni, Russie), co-présidée par les chefs de diplomatie française et britannique, dirigée par trois médiateurs représentant les Etats-Unis, l’Union européenne et la Russie. “L’Histoire est dans les mains de quelques hommes”, a observé le président français. Tel est le cas aujourd’hui pour vous qui prenez place à la table des négociations.” Et il a ajouté à l’intention des acteurs du drame (13 Serbes et 16 Albanais): “Quand vous repartirez, une page de l’Histoire sera tournée. Je vous engage à faire triompher les forces de la vie sur les forces de la mort.”
En effet, en l’espace de onze mois, 2.000 morts sont déjà tombés dans le Kosovo, province-sud de la RFY (10.877 km2, 2 millions d’habitants, peuplée à 90% d’Albanais, ayant perdu en 1989 la large autonomie dont elle disposait depuis 1974). De nouvelles violences ont même secoué Pristina à l’ouverture de la conférence. Une bombe de forte puissance explosait dans un centre d’achat et faisait trois morts. L’attentat sera, d’ailleurs, condamné par les deux parties qui ont exprimé à Rambouillet “leur regret et leur indignation”.
Le document de travail, l’accord en vue, l’esprit dans lequel devront être conduites les négociations prévues pour être particulièrement âpres et difficiles, ont été aussi bien définis dans le discours du président Chirac que dans ceux des ministres des Affaires étrangères français et britannique, Hubert Védrine et Robin Cook. “C’est la stabilité de tout le sud-est de l’Europe qui est en jeu”, avait souligné le chef d’Etat français. “Et nous voulons la paix dans notre continent.” Cette paix passe, désormais, par le Kosovo. Les protagonistes ont une semaine pour la définir. Dans le cas où des progrès seraient enregistrés, ils bénéficieront d’une semaine supplémentaire.
C’est un projet d’une “autonomie substantielle”, prévu pour trois ans, qui est offert aux Kosovars. Dans le cadre d’élections organisées sous contrôle international, ils pourront désigner leurs représentants et gérer leurs propres structures sanitaires, éducatives, fiscales, juridiques et policières. Ils devront, en revanche, préserver les droits des minorités qui les entourent. Les Serbes qui considèrent le Kosovo comme le berceau de leur civilisation depuis le XIVème siècle conserveront, outre l’intangibilité de leurs frontières, le monopole des affaires étrangères et de la monnaie.
Serbes et Kosovars qui logent dans deux étages différents du château et ne se réunissent qu’avec les médiateurs, sont sommés de s’entendre. Mais leurs objectifs sont totalement divergents. Les Serbes refusent l’interlocuteur “terroriste” que représentent les membres de l’UCK et rejettent l’autonomie telle que la définit le projet. Ils refusent, en outre, tout déploiement au sol de troupes étrangères. Les Kosovars ne demandent rien moins que l’indépendance.
Le dispositif militaire de l’OTAN est prêt à intervenir en cas d’échec des négociations qui se déroulent à huis clos. Près de 200 avions et plusieurs navires se trouvent sur les bases italiennes et en mer Adriatique. Les menaces de l’Alliance atlantique concernent aussi bien les Serbes dont les objectifs militaires seraient bombardés, que les rebelles de l’UCK qui seraient coupés de leurs bases-arrière et de leurs moyens de financement. C’est dire combien la situation est critique pour les deux parties.
En cas d’accord, une force internationale de 30.000 hommes, à l’image de la Sfor déployée en Bosnie, sera chargée de son application sur le terrain. Elle comprendra 6.000 à 8.000 Britanniques, 5.000 Français, 3.000 Allemands, 2.000 à 4.000 Américains, de même que des soldats grecs ou hollandais. Elle sera commandée par un général britannique, en l’occurrence sir Michael Jackson qui dépendrait du général américain Wesley Clark, commandant des forces de l’OTAN en Europe.
Les enjeux sont considérables pour les Européens qui ont pris l’initiative de cette conférence et tentent d’initier une politique de défense commune.

Par Evelyne MASSOUD



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