“OCALAN... LE DE GAULLE DES KURDES”
LA TURQUIE DANS UNE IMPASSE: SI ELLE L’EXÉCUTE,
ELLE EN FAIT LE MARTYR DE LA CAUSE KURDE ET SI ELLE L’EMPRISONNE, IL DEVIENT
LE NOUVEAU NELSON MANDELA”
L’arrestation d’Abdallah Ocalan, leader du parti
des ouvriers du Kurdistan (PKK) que la Turquie a considérée
comme une victoire, l’a placée dans une impasse certaine. Si elle
l’exécute, elle en fait le martyr de la cause kurde jusqu’à
l’éternité et si elle l’emprisonne, il devient le nouveau
Nelson Mandela.
L’Amérique a poursuivi la politique de
l’existence à l’ombre des antagonismes. D’une part, elle protège
les Kurdes, leur accorde une autorité autonome et une zone d’exclusion
aérienne au nord de l’Irak. Et, d’autre part, elle contribue à
l’arrestation du symbole de la libération kurde au Kénya,
en coopération avec le “Mossad”. Puis, elle mobilise les énergies
à Rambouillet en faveur d’un million de Kosovars, tout en engageant
les potentialités de l’OTAN, de l’Europe et la diplomatie de Washington
pour les sauver. Alors que la Turquie piétine les droits de vingt
millions de Kurdes turcs avec son consentement.
L’arrestation d’Ocalan a transposé la
bataille du niveau militaire au niveau politique, tout en éliminant
la cendre de la conscience kurde, montrant la Turquie comme un Etat qui
enlève une épine de son flanc, pour ouvrir sa poitrine face
aux épées et aux poignards kurdes partout dans le monde où
les diplomates et hommes d’affaires turcs sont privés de sommeil,
lequel a été supplanté par l’insomnie, l’angoisse
et la peur.
La décapitation d’Ocalan n’est pas
considérée comme une atteinte à la cause kurde: il
a renoncé à sa qualité de chef politique de ce parti
et chargé de la mission son frère Osman surnommé “Farhad”,
responsable effectif du mouvement depuis 1998, Ocalan ayant conservé
sa qualité de symbole, d’idéologue et de guide spirituel.
Quant au responsable militaire, c’est Jamil Babik,
homme aguerri au combat, connaissant parfaitement le sud-est anatolien.
Depuis le début de la cause kurde, la Turquie a perdu six mille
soldats.
Au cours des manifestations ayant eu lieu partout
dans le monde, des banderoles ont été brandies en Europe
portant l’inscription suivante: “Ocalan est le De Gaulle des Kurdes et
de leur cause”. Le “New York Times”a écrit que des Américains
influents ont eu recours à des moyens diplomatiques et aux renseignements,
à l’effet d’assurer le succès de l’opération d’enlèvement.
Le fait pour Ocalan d’avoir cherché refuge
à l’ambassade grecque de Nairobi, a constitué un mauvais
choix, étant donné la présence de cent agents du FBI
et de la CIA sur le territoire kényan où ils poursuivent
leurs investigations autour du plasticage de l’ambassade américaine,
perpétré vers la mi-août 1998.
Le 20 octobre, la Turquie a dit qu’il se trouvait
en Russie et, le 5 décembre, la Russie a nié lui avoir accordé
le droit d’asile.
La France avait refusé de l’accueillir
et de le protéger. Ainsi que l’Italie qui a annoncé son départ
le 16 janvier. Il a essayé, le 4 février, de se réfugier
aux Pays-Bas, sans y parvenir. Le 4 février, deux avions militaires
belges ont attaqué un appareil qui était censé le
transporter à Bruxelles. Le 9 février, six députés
grecs ont demandé l’octroi de l’asile politique à Ocalan
et le 15 du même mois, celui-ci quittait l’ambassade grecque à
Nairobi, après qu’elle eut été investie par la police
kényane, avec la bénédiction de l’ambassade de Grèce
qui a dit à Ocalan: “L’ambassade hollandaise nous a informés
que les Pays-Bas avaient changé d’avis et décidé de
vous accorder le droit d’asile. Au moment où il se rendait à
l’aéroport, comme on le croyait, des forces turques, israéliennes
et américaines ont intercepté la voiture où se trouvait
le leader kurde et l’ont enlevé. Le commando turc est arrivé
à l’aérodrome de Nairobi, lui a administré une piqûre
anesthésiante... et l’a réveillé à Marmara.
Ocalan (49 ans) avait fondé le parti ouvrier
du Kurdistan en 1978 avec un groupe de ses amis étudiants, en vue
d’édifier le “grand Kurdistan” sur un territoire pris à l’Iran,
à la Turquie, à l’Irak et proche de la Syrie, ayant une population
de vingt millions d’âmes.
En 1978, il a déclenché la guerre
armée, afin de ne pas faire perdre du temps aux kurdes dans les
négociations politiques. En 1984, il a déclenché la
lutte armée, créé un front parlementaire et politique
en exil où il a tenu la dernière réunion avec les
Basques espagnols et avant cela à Rome, sous le patronage de députés
communistes italiens.
La nouvelle organisation marxiste ayant foi dans
la violence armée, avait des liens avec l’ex-Union soviétique;
puis, avec la Russie.
Quant à Massoud Barazani, il était
contre lui et les “Peshmergas” dépendant du parti démocratique
du Kurdistan qui a des liens intimes avec les renseignements turcs,ont
combattu Ocalan et ses partisans.
Jalal Talabani, leader de l’Union nationale du
Kurdistan, proche de la Syrie et de l’Iran, l’a aidé à Suleimanieh
au nord de l’Irak.
Les Kurdes sont au nombre de 21 millions:
12 d’entre eux sont en Turquie, 4 au nord de l’Irak, 3 en Europe occidentale
et 2 millions en Iran. En Turquie, il leur est interdit d’enseigner la
langue kurde à leurs enfants et de propager leur culture.
Puis, leur identité n’est pas reconnue.
On les appelle les “orphelins de Turquie”. Ils ne vivent que dans les montagnes
et n’ont qu’un allié, comme disait le mullah Moustapha Barazani,
père de Massoud: “les montagnes sont notre unique allié.”
Aujourd’hui, les alliés sont nombreux,
les pressions mondiales se sont amplifiées et les protecteurs des
droits de l’homme, ont pris de l’importance. La cage qui abrite Ocalan
s’élargit pour englober les juges et les condamner, parce que le
sang des militants crie vengeance et ne s’apaisera qu’après avoir
obtenu satisfaction. |
 |