La présidente du Sénat polonais nous
confie:
“L’arrivée de courants de gauche, au sein
de notre parlement a retardé le processus de
réforme.”
“Je suis venue au Liban, dit-elle, à l’invitation de la colonie
polonaise. Mais, en tant que présidente du Sénat et personnalité
étrangère assumant des charges politiques, je devais rencontrer
les hauts responsables libanais.
“J’étais très heureuse de pouvoir m’entretenir avec le
président de la République, le Premier ministre et le président
de la Chambre qui m’a entourée d’une attention toute particulière.
“Par la même occasion et profitant de ce bref séjour libanais,
je me suis rendue à Nakoura auprès du contingent polonais
de la FINUL, formé de près de 640 Casques Bleus.
Evoquant le problème du Liban-Sud, Mme Grzeskowiak affirme:
“A maintes reprises au cours de ma visite, j’ai exprimé mon opinion
et réaffirmé l’attitude officielle de la Pologne vis-à-vis
du problème, affirmant que le Liban a un droit légal de souveraineté
sur l’ensemble de son territoire. De même, il est indispensable d’appliquer
la résolution 425 sans aucune condition, Israël devant évacuer
dans l’immédiat les portions du territoire libanais qu’il occupe.
“Dans le cadre de nos entretiens avec les hauts responsables, nous
avons évoqué l’ensemble des problèmes locaux et les
démarches menées pour y faire face.”
Lors de son séjour, la présidente du Sénat polonais
a rencontré beaucoup de ses compatriotes. “Il existe, dit-elle,
une organisation inscrite officiellement auprès des autorités
libanaises sous le titre de “Colonie polonaise” qui groupe près
de cinq cents personnes. Certains de ses membres sont arrivés au
Liban juste à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Le Liban
a été pour eux, surtout pour leurs enfants, un véritable
refuge. Ces Polonais avaient fait un pénible trajet venant de leur
exil en Sibérie et au Kazakhstan.
“Pour cela, nous pouvons dire que nos Casques Bleus offrent un service
au Liban en échange de l’accueil que votre pays avait réservé
à nos concitoyens dans les moments d’adversité. A notre tour,
en signe de reconnaissance, nous nous acquittons d’une dette envers le
Liban.
“Par ailleurs, tel que je vous l’ai déjà dit, nous appuyons
toutes les résolutions de l’ONU relatives au Liban et au monde arabe.
Notre présente visite et les contacts établis témoignent
aussi de l’intérêt que nous manifestons à l’égard
du Liban. Nous avons adressé une invitation officielle au président
de la Chambre à visiter la Pologne et il a promis d’y répondre.
“De même, M. Berri nous a fait part de son intention de constituer
un comité d’amitié libano-polonais, afin de renforcer les
liens entre nos deux pays.”
- La Pologne va bientôt intégrer l’Otan. Quelle signification
cela a-t-il pour votre pays?
“Le 12 mars 1999, la Pologne intégrera l’Otan. La veille
de ma venue à Beyrouth, le Sénat, qui a un droit de veto,
a entériné cette décision déjà ratifiée
par le parlement .
“Cette décision a pour nous, tout d’abord, une grande importance
morale. Après les accords de Yalta, la Pologne avait été
détachée de son environnement naturel qui est l’Europe pour
passer sous l’influence de l’URSS. Aujourd’hui, en nous intégrant
à l’Otan, nous obtenons des assurances sécuritaires. Cela
signifie, aussi, que la Pologne est un Etat où règne la sécurité.
C’est un Etat libre, car nous rejoignons les démocraties occidentales
et pouvons conclure des accords propres aux pays de l’Otan.”
“Nous avons entamé la réorganisation de l’armée,
afin qu’elle soit au niveau des autres forces militaires. Quoi qu’il en
soit, il y a bien plus à gagner qu’à perdre de notre admission
à l’Otan. Quant au pacte de Varsovie, il fait, désormais,
partie de l’Histoire.”
- Qu’en est-il de votre intégration à l’Union européenne?
“Des pourparlers sont menés afin qu’elle puisse intervenir en
l’an 2003. Car il y a plusieurs conditions à remplir au préalable
et nous nous y préparons.”
- Quelle est l’attitude de la Pologne vis-à-vis du Kosovo?
“Il est certain que, pour nous, la meilleure solution est dans le dialogue
et les négociations. Nous condamnons tout ce qui porte atteinte
aux droits de l’homme, surtout, les crimes commis au Kosovo et il faut
poursuivre les criminels de guerre.
“Conformément aux normes internationales, chaque peuple a le
droit de décider de son destin et de protéger sa souveraineté.”
- L’Eglise catholique a-t-elle toujours un rôle important
en Pologne?
“Elle a toujours eu et continue d’avoir ce rôle, car 95% du peuple
polonais sont des catholiques.”
- La présence à la tête du Vatican d’un pape
d’origine polonaise a-t-elle eu un impact dans la libération de
la Pologne du joug soviétique?
“Nous considérons que le choix d’un pape polonais a aidé
à l’indépendance de notre pays. Il a beaucoup prié
pour qu’elle se réalise.
“J’ai beaucoup entendu parler de l’impact de la visite de Sa Sainteté
Jean-Paul II au Liban, son importance et ses répercussions
sur la situation interne. Je connais parfaitement l’intérêt
que le Saint-Père attache aux jeunes et aux nouvelles générations.
Au cours de ma rencontre avec le président Emile Lahoud, il a souligné
l’importance de la visite du pape au Liban, ajoutant qu’il fonde beaucoup
d’espoir sur les jeunes quant à l’avenir du pays.”
- Dix ans se sont écoulés sur l’indépendance
de la Pologne. Qu’en est-il de la démocratie après Lech Valessa?
“Nous ne considérons pas l’Histoire contemporaine de la Pologne
en fonction de Valessa. Depuis 1959, nous nous dirigions vers cet objectif.
“Solidarité” a commencé ce mouvement et Valessa a dirigé
la lutte au départ.”
- Le passage du communisme à la démocratie ne doit
pas être facile?
“C’est une phase de transition difficile. Nous introduisons des
réformes radicales aux niveaux politique, économique et social;
au parlement de les ratifier. Mais l’arrivée, il y a deux ans, de
forts courants majoritaires de gauche au sein du parlement, a retardé
ce processus que nous devons poursuivre. Il faut déployer beaucoup
d’efforts, surtout pour les réformes au niveau administratif, de
la sécurité sociale, de la santé, de l’éducation.
Il nous faudra, tôt ou tard, adopter la privatisation.
“Lors de mes entretiens, j’ai constaté que les mêmes questions
étaient posées ici. Nous pourrions échanger nos expériences
communes et renforcer les relations entre nos deux pays dans l’intérêt
commun.”
La présidente du Sénat polonais conclut cet entretien
en parlant de: “la grande hospitalité libanaise”.
“Vous avez, dit-elle, un pays exceptionnel et attachant”.
A propos du festival du Bustan, placé sous le signe de la Pologne,
elle affirme: “Nous présentons le meilleur de la Pologne au Liban.
Et lorsqu’on écoute Chopin, on ressent une joie immense.
Elle évoque, également, les multiples similitudes et
les points communs entre les deux pays: “La Pologne a été
l’un des premiers pays à reconnaître l’indépendance
du Liban et le Liban a été le dernier pays à reconnaître
le droit des communistes en Pologne”.