MME ALICJA GRZESKOWIAK:
“LA PRÉSENCE D’UN CONTINGENT POLONAIS AU SEIN DE LA FINUL
EST UNE DETTE DE RECONNAISSANCE ENVERS LE LIBAN”
LA POLOGNE APPUIE L’APPLICATION INCONDITIONNELLE DE LA RÉSOLUTION 425, AJOUTE LA PRÉSIDENTE DU SÉNAT POLONAIS


Répondant à l’invitation de la colonie polonaise, Mme Alicja Grzeskowiak, présidente du Sénat polonais,  vient d’effectuer un bref séjour au Liban où elle a rencontré les hauts responsables et visité le contingent polonais de la FINUL à Nakoura. La cinquantaine, licenciée en droit, qualifiée en tant que juge, elle a été professeur-assistant en droit criminel et a plusieurs publications
à son actif.
Son C.V. indique ses activités en de multiples domaines, au sein de nombreuses associations et organisations pour la famille et dans la vie politique. Depuis 1992, elle est membre du Conseil administratif de la Fondation Jean-Paul II au Vatican. Elle est titulaire de plusieurs décorations.
Dans le cadre de cette interview, elle évoque les problèmes internes de son pays et les relations d’amitié entre le Liban et la Pologne qui appuie l’application de la 425 du Conseil de Sécurité.


La présidente du Sénat polonais nous confie:
“L’arrivée de courants de gauche, au sein
de notre parlement a retardé le processus de réforme.”

“Je suis venue au Liban, dit-elle, à l’invitation de la colonie polonaise. Mais, en tant que présidente du Sénat et personnalité étrangère assumant des charges politiques, je devais rencontrer les hauts responsables libanais.
“J’étais très heureuse de pouvoir m’entretenir avec le président de la République, le Premier ministre et le président de la Chambre qui m’a entourée d’une attention toute particulière.
“Par la même occasion et profitant de ce bref séjour libanais, je me suis rendue à Nakoura auprès du contingent polonais de la FINUL, formé de près de 640 Casques Bleus.
Evoquant le problème du Liban-Sud, Mme Grzeskowiak affirme: “A maintes reprises au cours de ma visite, j’ai exprimé mon opinion et réaffirmé l’attitude officielle de la Pologne vis-à-vis du problème, affirmant que le Liban a un droit légal de souveraineté sur l’ensemble de son territoire. De même, il est indispensable d’appliquer la résolution 425 sans aucune condition, Israël devant évacuer dans l’immédiat les portions du territoire libanais qu’il occupe.
“Dans le cadre de nos entretiens avec les hauts responsables, nous avons évoqué l’ensemble des problèmes locaux et les démarches menées pour y faire face.”
Lors de son séjour, la présidente du Sénat polonais a rencontré beaucoup de ses compatriotes. “Il existe, dit-elle, une organisation inscrite officiellement auprès des autorités libanaises sous le titre de “Colonie polonaise” qui groupe près de cinq cents personnes. Certains de ses membres sont arrivés au Liban juste à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Le Liban a été pour eux, surtout pour leurs enfants, un véritable refuge. Ces Polonais avaient fait un pénible trajet venant de leur exil en Sibérie et au Kazakhstan.
“Pour cela, nous pouvons dire que nos Casques Bleus offrent un service au Liban en échange de l’accueil que votre pays avait réservé à nos concitoyens dans les moments d’adversité. A notre tour, en signe de reconnaissance, nous nous acquittons d’une dette envers le Liban.
“Par ailleurs, tel que je vous l’ai déjà dit, nous appuyons toutes les résolutions de l’ONU relatives au Liban et au monde arabe. Notre présente visite et les contacts établis témoignent aussi de l’intérêt que nous manifestons à l’égard du Liban. Nous avons adressé une invitation officielle au président de la Chambre à visiter la Pologne et il a promis d’y répondre.
“De même, M. Berri nous a fait part de son intention de constituer un comité d’amitié libano-polonais, afin de renforcer les liens entre nos deux pays.”
- La Pologne va bientôt intégrer l’Otan. Quelle signification cela a-t-il pour votre pays?
“Le 12 mars 1999, la Pologne  intégrera l’Otan. La veille de ma venue à Beyrouth, le Sénat, qui a un droit de veto, a entériné cette décision déjà ratifiée par le parlement .
“Cette décision a pour nous, tout d’abord, une grande importance morale. Après les accords de Yalta, la Pologne avait été détachée de son environnement naturel qui est l’Europe pour passer sous l’influence de l’URSS. Aujourd’hui, en nous intégrant à l’Otan, nous obtenons des assurances sécuritaires. Cela signifie, aussi, que la Pologne est un Etat où règne la sécurité. C’est un Etat libre, car nous rejoignons les démocraties occidentales et pouvons conclure des accords propres aux pays de l’Otan.”
“Nous avons entamé la réorganisation de l’armée, afin qu’elle soit au niveau des autres forces militaires. Quoi qu’il en soit, il y a bien plus à gagner qu’à perdre de notre admission à l’Otan. Quant au pacte de Varsovie, il fait, désormais, partie de l’Histoire.”
- Qu’en est-il de votre intégration à l’Union européenne?
“Des pourparlers sont menés afin qu’elle puisse intervenir en l’an 2003. Car il y a plusieurs conditions à remplir au préalable et nous nous y préparons.”
- Quelle est l’attitude de la Pologne vis-à-vis du Kosovo?
“Il est certain que, pour nous, la meilleure solution est dans le dialogue et les négociations. Nous condamnons tout ce qui porte atteinte aux droits de l’homme, surtout, les crimes commis au Kosovo et il faut poursuivre les criminels de guerre.
“Conformément aux normes internationales, chaque peuple a le droit de décider de son destin et de protéger sa souveraineté.”
- L’Eglise catholique a-t-elle toujours un rôle important en Pologne?
“Elle a toujours eu et continue d’avoir ce rôle, car 95% du peuple polonais sont des catholiques.”
- La présence à la tête du Vatican d’un pape d’origine polonaise a-t-elle eu un impact dans la libération de la Pologne du joug soviétique?
“Nous considérons que le choix d’un pape polonais a aidé à l’indépendance de notre pays. Il a beaucoup prié pour qu’elle se réalise.
“J’ai beaucoup entendu parler de l’impact de la visite de Sa Sainteté Jean-Paul II au Liban, son importance  et  ses répercussions sur la  situation interne. Je connais parfaitement  l’intérêt que le Saint-Père attache aux jeunes et aux nouvelles générations. Au cours de ma rencontre avec le président Emile Lahoud, il a souligné l’importance de la visite du pape au Liban, ajoutant qu’il fonde beaucoup d’espoir sur les jeunes quant à l’avenir du pays.”
- Dix ans se sont écoulés sur l’indépendance de la Pologne. Qu’en est-il de la démocratie après Lech Valessa?
“Nous ne considérons pas l’Histoire contemporaine de la Pologne en fonction de Valessa. Depuis 1959, nous nous dirigions vers cet objectif. “Solidarité” a commencé ce mouvement et Valessa a dirigé la lutte au départ.”


Mme Alicja Grzeskowiak affirme:
“Le pacte de Varsovie fait désormais partie de l’Histoire.”

- Le passage du communisme à la démocratie ne doit pas être facile?
“C’est  une phase de transition difficile. Nous introduisons des réformes radicales aux niveaux politique, économique et social; au parlement de les ratifier. Mais l’arrivée, il y a deux ans, de forts courants majoritaires de gauche au sein du parlement, a retardé ce processus que nous devons poursuivre. Il faut déployer beaucoup d’efforts, surtout pour les réformes au niveau administratif, de la sécurité sociale, de la santé, de l’éducation. Il nous faudra, tôt ou tard, adopter la privatisation.
“Lors de mes entretiens, j’ai constaté que les mêmes questions étaient posées ici. Nous pourrions échanger nos expériences communes et renforcer les  relations entre nos deux pays dans l’intérêt commun.”
La présidente du Sénat polonais conclut cet entretien en parlant de: “la grande hospitalité libanaise”.
“Vous avez, dit-elle, un pays exceptionnel et attachant”.
A propos du festival du Bustan, placé sous le signe de la Pologne, elle affirme: “Nous présentons le meilleur de la Pologne au Liban. Et lorsqu’on écoute Chopin, on ressent une joie immense.
Elle évoque, également, les multiples similitudes et les points communs entre les deux pays: “La Pologne a été l’un des premiers pays à reconnaître l’indépendance du Liban et le Liban a été le dernier pays à reconnaître le droit des communistes en Pologne”.
 
 

Propos recueillis par
Nelly Hélou

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