RAMBOUILLET: LA PAIX OU LA GUERRE: PARTIE REMISE
 


La vie de château s’est achevée à Rambouillet après 17 jours de pourparlers de paix “complexes et difficiles”. Rien n’est joué, tout est possible, la paix comme la guerre. Si un processus est enclenché pour être repris en France le 15 mars prochain, les points de blocage restent fondamentalement les mêmes et les délégués sont repartis chez eux avec leurs problèmes.
 
 
 
 

Le Groupe de contact: “Les parties doivent s’abstenir de toute action qui remettrait en question les résultats obtenus à Rambouillet.”

Des soldats britanniques de la force d’extraction s’entraînant dans la neige à Skopje en Macédoine.

Madeleine Albright a mené tambour battant la dernière phase 
des négociations.



 
 


Le président serbe Milan Milutinovic: “On nous avait promis le paradis à Dayton. Donnez-nous maintenant ce paradis et nous résoudrons la question du Kosovo”.



 
 


En Macédoine, consultations entre le commandant de la force d’extraction, le général Marcel Valentin (à gauche), 
Javier Solana, secrétaire général de l’Otan et le général Wesley Clark, 
chef suprême des forces alliées en Europe.



 
 


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Pourtant, les négociations-marathon décidées à Londres, le 29 janvier dernier, par le Groupe de contact (Allemagne, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Italie, Russie), commencées le 6 février au château de Rambouillet et prolongées à deux reprises jusqu’au mardi 23 février, ont fini, notamment au terme des dernières 75 heures, par aboutir à “un consensus sur l’autonomie substantielle du Kosovo”. Un forcing diplomatique avait été mené tambour battant par le secrétaire d’Etat américain, Madeleine Albright qui a dirigé les pourparlers au grand dam de ses partenaires européens et jeté le blâme sur les Serbes accusés de bloquer l’accord intérimaire pour se sentir finalement “trahie” par l’intransigeance des Kosovars.
Quelques heures après l’expiration de la date-butoir, la fumée blanche déjà problématique n’est guère sortie de Rambouillet. La conférence de presse du Groupe de contact, suivie de celle de Madeleine Albright, a fait état d’un succès mitigé ne dissipant guère les inquiétudes. Hubert Védrine, co-président avec Robin Cook de la conférence, a quand même donné un ton résolument optimiste quoique mesuré aux résultats des pourparlers qui en annoncent d’autres. “Il est indispensable, a déclaré le chef de la diplomatie française, que l’accord intérimaire soit conclu et signé dans son intégralité. Dans cet esprit, les parties se sont engagées à participer en France, à partir du 15 mars, à une conférence portant sur tous les aspects de mise en œuvre du cadre politique de l’autonomie substantielle du Kosovo (…) Nous sommes résolus à surveiller, étroitement, le respect total de cet engagement afin de faire aboutir le processus de Rambouillet.”
Le “consensus sur l’autonomie substantielle” porte, notamment, sur “les mécanismes permettant des élections libres et justes en vue du fonctionnement d’institutions démocratiques, la protection des droits de l’homme et des droits des communautés nationales, ainsi que la mise en œuvre d’un système de justice équitable”.
Serbes et Kosovars ont dit “oui… mais” et remis des lettres au Groupe de contact pour repartir avec le texte d’accord vers leurs bases respectives. Jusqu’à la dernière minute, les Kosovars ont réclamé des garanties pour l’organisation d’un référendum sur l’indépendance à l’issue de la période intérimaire de trois ans. Or, ce terme, précise Védrine, “n’est pas dans le projet d’accord intérimaire” qui évoque un “rendez-vous” pour réexaminer la situation. Une interprétation qui n’est pas la même que celle de Madeleine Albright qui, tout en confirmant les explications de son homologue français, évoque une volonté du peuple de reconsidérer la situation bien que le Kosovo fera toujours partie de la Serbie.
Tel n’est pas le rêve des 7 millions d’Albanais répartis sur plusieurs pays des Balkans et qui militent pour une grande Albanie. Du reste, les délégués kosovars à Rambouillet ont accusé les membres du Groupe de contact d’avoir corrigé le texte de l’accord en fonction de la volonté serbe et à son profit, occultant leur détermination de se séparer, à terme, de la Serbie et de construire leur propre pays.
La seconde pierre d’achoppement est le refus des Serbes d’accueillir sur leur sol une force multinationale qui porterait atteinte à leur souveraineté. Slobodan Milosevic, seul maître du jeu, enfoncé dans son radicalisme, a réaffirmé que la Yougoslavie ne bradera pas le Kosovo, berceau de sa civilisation médiévale “fut-ce au prix de bombardements”. Et le chef d’état-major de l’armée yougoslave, Dragoljub Ojdanic, a salué le haut degré de patriotisme et de professionnalisme de son armée prête à se battre pour défendre le pays.
En réalité, le président serbe Milan Milutinovic avait déjà annoncé que, pour l’accord militaire, “nous avons beaucoup, beaucoup de temps. C’est une chose très grave et il faut que nous essayions vraiment de résoudre ce problème”. D’ailleurs, dans sa déclaration finale, le Groupe de contact a ménagé la partie serbe en évoquant une présence militaire qui serait “invitée au Kosovo”. Elle le serait sous condition, les Serbes désireux d’échapper à la tutelle de l’Otan voudraient la placer sous la tutelle des Nations Unies ou de l’OSCE. Ils réclameraient en échange la réhabilitation internationale, la levée des sanctions qui frappent la RFY et son intégration au sein du FMI, de l’ONU et même une sorte de neutralisation du tribunal pénal international.
Un vaste marchandage est en cours depuis la phase I du processus de paix qui vient de s’achever et il sera coriace lors de la phase II à entamer le 15 mars. Une sérieuse mise en garde contre toute détérioration de la situation sur le terrain est lancée par le Groupe de contact, alors que la recrudescence de la violence dans diverses parties du Kosovo a fait des blessés dans les deux parties et menacé les observateurs de l’OSCE.
Les Etats-Unis ont salué “un pas dans la bonne direction (qui) a été franchi”. L’UE s’est contentée d’en prendre acte. Le président Chirac a pressé les parties de s’entendre. L’UCK a annoncé qu’elle ne rendrait pas les armes. Milosevic a estimé que les conclusions de la conférence camouflaient un échec. Le secrétaire général de l’Otan, Javier Solana a réagi prudemment et invité les deux parties à conclure “rapidement” un accord de paix définitif. Il est habilité à tout instant, après une consultation cruciale, à déclencher une intervention militaire eu Yougoslavie. Mais celle-ci est en sursis, tout comme le déploiement au sol de 26.000 militaires. Tout est en sursis, la paix comme la guerre.

Par Evelyne MASSOUD



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