Bloc - Notes

Par ALINE LAHOUD

LE CHOIX DES PRIORITÉS

Placé dès son accession au pouvoir sous le double signe du changement et de la transparence, le gouvernement Hoss, six mois à peine après sa formation, nous laisse sinon désabusés du moins songeurs. Où est le changement, à part celui qui existe entre l’allure supersonique de Rafic Hariri et le “train de sénateur” de Salim Hoss, entre le fracas de l’ex-Premier ministre et le pianissimo de l’actuel? Et à quel niveau se situe la transparence?                                       
Chacun s’est imaginé qu’avant la moindre action, les nouveaux venus allaient - selon toute logique - établir une échelle des priorités et agir en conséquence, jetant dans la balance le poids d’un régime porté au pouvoir par une vague sans précédent de ferveur populaire. Evidemment, chacun espérait que la priorité des priorités serait une économie arrivée en phase terminale.              
Il n’en fut rien. On se précipita, dès le vote de confiance et toutes affaires cessantes, sur la prétendue épuration de l’administration. On y casa quelques militaires de haut rang et on fit rouler dans le panier à son une demi-douzaine de têtes, sans que personne ne sache pour quelles raisons ils ont été sacqués et s’ils l’ont vraiment été, laissant ainsi la chose en suspens et les proscrits mariner dans leur jus. Transparence?
Puis, M. Murr vint nous dire que 2000 milliards de livres - dues aux municipalités - avaient disparu sans laisser de traces, à part du côté de Sukleen. Fait étrange, le seul nom de Sukleen sembla agir comme un sésame qui, au lieu de l’“ouvre-toi” du conte, se mua en “ferme-toi”... Et l’on ferma le dossier, du moins, on n’en parla plus. Transparence. 
Après quoi, ce fut une véritable cascade de scandales. A croire que chacun avait gardé son petit scandale bien au chaud pour l’occasion. Tout semble devoir y passer, depuis le port jusqu’aux antiquités, en passant par les chaises de la Cité sportive, les chèques mystérieux du ministère de l’Information, certaines adjudications de gré à gré délirantes avec la perspective d’autres malversations aux Finances, des coups tordus à l’Electricité, sans oublier l’Agriculture, l’Hygiène et les ministères du Travail et des Affaires sociales, etc... Enfin, le pompon du pompon: le scandale du pétrole.    
Grand tapage médiatique. Menottes aux poignets, tête basse, M. Barsoumian est conduit avec pertes et fracas à la prison de Roumié où il attend toujours d’être interrogé par le juge d’instruction. Et brusquement, c’est le silence. Un silence de fin de générique, comme si Barsoumian avait pu à lui tout seul faire disparaître plus de 15 milliards de dollars!                                              
Là-dessus et sans reprendre haleine, on bondit aux Antiquités et autres vestiges archéologiques et l’on rafle sans crier gare tout ce qui semble n’avoir été fabriqué ni en Corée du Sud ni à Hong Kong. Haro en particulier sur les antiquaires dont le métier - éminemment respectable - est en passe, grâce au flou de l’information officielle et à la chevauchée fantastique dûment orchestrée des médias, d’être assimilé, dans l’imagination du public, à une “association de malfaiteurs”. Demain surgira un autre scandale et l’affaire ira rejoindre d’autres vestiges d’un passé plus ou moins lointain.      
Et pendant ce temps... pendant que maladresses et demi-mesures se succèdent, l’économie déjà fortement mise à mal par six ans d’un haririsme ravageur, est en train d’exhaler ses dernières réserves d’oxygène après six mois d’un Hossisme soporifique.    
Que fait-on pour y remédier? S’il existe un plan dans ce domaine, personne ne semble en avoir entendu parler. On nous envoie tout juste M. Georges Corm pour éclairer nos lanternes et nous donner du cœur au ventre. Malheureusement M. Corm, qui doit certainement être un savant expert super-qualifié, s’exprime de telle façon qu’auprès de ses déclarations, les oracles de Delphes apparaissent comme un chef-d’œuvre de clarté et de concision. 
Tout ce que nous savons pour le moment, c’est que notre niveau de vie, déjà médiocre, va baisser d’un cran, vu que nous aurons bientôt à faire face à de nouvelles taxes dont la moindre n’est pas la majoration du bidon de benzine.                                                              
Il convient de dire ici, pour rendre justice à nos responsables actuels, que nous avons au moins la certitude que notre argent n’ira pas dans les poches des courtisans, des proches et des amis, que nos dirigeants jouissent d’une solide réputation d’intégrité et qu’ils sont animés des meilleures intentions du monde. 
Cela suffira-t-il pour mener la barque au port?

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