Editorial


Par MELHEM KARAM 

CORRUPTION, CORRUPTION, CORRUPTION DE BARSOUMIAN À EDITH CRESSON
Il apparaît, jour après jour, que nul n’est meilleur qu’un autre, la corruption étant devenue un récit et un style . Au Japon, plusieurs gouvernements ont été renversés; en Corée, maints présidents et partout dans le monde. Même en Chine et dans les Etats totalitaires où le système est dur, la corruption l’a emporté sur toute chose, franchissant les solides barrages dressés sur son chemin.
...Le dernier écho de Bruxelles fait état du scandale découvert au commissariat européen, dans lequel est impliquée, d’une façon spéciale, l’ancien Premier ministre français, Edith Cresson, obligeant Jacques Santer à annoncer la démission du commissariat dans son ensemble. Pour la première fois depuis quarante ans, les députés ont réussi à obtenir la capitulation de cette citadelle technocratique sûre d’elle-même et de son caractère inexpugnable.
Dans un rapport de 148 pages, un grand nombre de membres du commissariat ont été impliqués et, à leur tête, Edith Cresson qui a été accusée de mauvaise gestion, d’autoritarisme et d’hégémonie.
Le rapport place l’institution dans sa totalité au centre des risques et de la chute, ce document ayant été rédigé par des experts indépendants. Ceux-ci ont été chargés d’enquêter sur le “business” auquel se sont adonnés les “commissaires”, partant du doute quant à la crédibilité du commissariat européen.
Six semaines après un travail persévérant, les 148 pages rédigées par cinq grands juristes, condamnent un grand nombre de prévenus pour autoritarisme, hégémonie et mauvaise gestion. Ce à quoi la Presse et les parlementaires avaient fait, maintes fois, allusion. Les pages ont mentionné les rapports mensongers qu’établissaient certains commissaires à partir de leurs bureaux dans un but de camouflage.
Le rapport ferme et clair place la responsabilité collective sur vingt parmi les membres du commissariat et annonce la chute de Jacques Santer, à qui il manquait l’éclat du président et la capacité d’assurer l’entente entre les membres de l’institution.
La démission collective sous l’angle dont ils l’ont présentée, a été pour beaucoup une heureuse nouvelle, car il n’est pas logique qu’une pareille institution connue pour sa haute bureaucratie, puisse laisser les germes de la corruption croître en son sein.
La récompense de la démocratie n’est pas de supprimer la corruption, mais de la poursuivre, de la combattre, de la sanctionner en plein jour et même de l’extirper. Depuis quelque temps, la commission de Bruxelles s’est signalée par la complaisance et le clientélisme, mais aucune fois, par la transparence. Etant entendu que c’est la première fois qu’un mécanisme parlementaire efficace exerce son autorité de contrôle jusqu’au bout.
Il n’est pas possible de restreindre la mission de la Chambre des députés à affaiblir et à renverser le pouvoir exécutif. Cette démission vient en temps opportun, pour donner aux institutions européennes l’éclat et la vitalité dont elles étaient privées.
Le président Santer était toujours un homme de bonne foi, mais aucun jour il n’avait d’autorité pour dominer la turbulence que connaissait le commissariat dans l’étape actuelle. De là, son incapacité à préparer et à tracer l’avenir de l’organisation.
L’Europe est au centre du passage et doit, dorénavant, réfléchir avec sa tête et non son ventre, uniquement. En d’autres termes: de penser à la politique et non seulement à l’économie.
De là, il est nécessaire qu’une personnalité politique éminente prenne en charge ce commissariat, le veto anglais ayant entraîné l’élection de Jacques Santer.
Nous espérons que Tony Blair, Premier ministre britannique, aura profité et tiré la leçon des conséquences de cet échec subi par Santer. D’une façon plus précise, il est demandé à la France et à l’Allemagne d’unifier leurs efforts pour empêcher la Grande-Bretagne de nommer, une nouvelle fois, l’homme le plus faible au grand poste.

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Revenons à nos problèmes au Liban. L’affaire des scandales et des enquêtes se poursuivra, après avoir été prise en charge par la Justice; elle n’aura de plafond que Dieu, comme l’a dit le président Nabih Berri. Car la Justice est la représentante de Dieu sur terre. Puis, nos scandales se compliquent et s’élargissent, allant des résidus pétroliers aux antiquités, en passant par le service mécanique et la sécurité sociale, toutes les éventualités étant ouvertes.
Sans oublier le port, les diplômes falsifiés, l’électricité, le développement, la reconstruction, les caisses, les adjudications de gré à gré ou d’une autre manière, en cassant les têtes et les yeux par l’argent mal gagné.
Nul ne sait ce sur quoi déboucheront les investigations et qui elles placeront derrière les barreaux, certains pessimistes comparant la situation à ce qu’elle était durant les derniers jours de Ceaucescu.

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Ainsi, tous les responsables du commissariat européen, Cresson en tête, ont été contraints de démissionner à Bruxelles, forçant l’autorité exécutive européenne à écourter son mandat.
Est-ce une catastrophe pour l’Europe ou un nouveau départ?
Au terme d’une réunion ayant pris fin à une heure du matin, le président Jacques Santer a été amené à annoncer la démission de tous les membres du commissariat. Parmi ces derniers, certains ont été déférés en état d’arrestation à l’enquête, entre autres Jacques Santer lui-même, natif du Luxembourg; l’Espagnol Manuel Marin; le Portugais Joao Pinheiro; l’Allemande Monica Wolf Matif et, spécialement, Edith Cresson. Taxée de négligence dans le “programme Leonardo”, celle-ci a été accusée d’avoir engagé, avec de grands honoraires, un ami chirurgien-dentiste, René Berthello, à propos duquel les sages ont dit: Ses aptitudes sont mauvaises du point de vue de la qualité, de la quantité et de la capacité.
Cresson se défend et dit que la commission, plutôt que de sombrer dans sa totalité, a préféré sacrifier Cresson et en faire un bouc émissaire. Mais l’opiniâtreté du parlement a conduit à la noyade. Elle ajoute que le recrutement d’un fonctionnaire ne peut causer la chute d’une institution géante et historique comme le commissariat de Bruxelles. La commission continue à expédier les affaires courantes jusqu’en juin ou même jusqu’au mois d’octobre prochain. Ainsi, les commissaires ne perdront que trois mois de leur mandat. Quant aux successeurs d’Edith Cresson, ils ont commencé à apparaître entre Paris et Bruxelles, dont Catherine Lalumière, Catherine Trautman, Elizabeth Guigou et Claude Allègre parmi les socialistes et la gauche. Dans les rangs de la droite: Lamassure, Michel Barnier et Jacques Toubon. Quant au président de la commission, c’est-à-dire le successeur de Jacques Santer, il pourrait être l’Italien Prodi ou l’Espagnol Gonzalès (On a déjà choisi Prodi).
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Ainsi, d’un scandale à un autre, les vents saisonniers soufflent sur le monde, comme si le destin a voulu que les scandales se jouent des grands, comme l’enfant se joue de la balle.
Quoi qu’il en soit, les mœurs restent le critère et la règle. Nous devons, quant à nous, moraliser la politique et lui insuffler la vitalité morale, car la maladie de la corruption et des pots-de-vin est pareille à celle de la raison; toutes deux étant de la folie. Cependant, dans la raison, la folie efface la prise de conscience. Mais dans les intérêts et la corruption, c’est une prise de conscience manipulée par la folie. Et cette dernière, du fait de sa dureté, est la plus dangereuse, parce qu’elle est destructrice, mue par l’intérêt, la convoitise et la corruption. Si la personne affligée d’une maladie mentale peut être enfermée dans un hôpital psychiatrique, comment couper la voie à quiconque souffre de la maladie de l’intérêt et de la corruption?
Photo Melhem Karam

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