COMMENT MÉNAGER LA CHÈVRE ET LE CHOU? |
||
Le
don presque magique que possède ce gouvernement pour se laisser
engluer dans la mélasse est proprement stupéfiant. Après
l’épuration administrative qui a tourné court, les milliards
des municipalités qui ont fait long feu, le scandale du pétrole
sur lequel on trébuche, les antiquités dont on ne sait plus
comment en sortir, voici que se profile à l’horizon la loi électorale,
véritable miroir aux alouettes.
Dans l’intention louable de ne froisser personne et, surtout, de se couvrir en s’assurant des appuis solides, on demanda à tout ce qui représente plus de trois pelés et cinq tondus, d’exprimer leur opinion sur la future loi électorale. Comment doit-elle être pour concilier un brassage confessionnel de la population et une représentation authentique des électeurs. Ce fut une avalanche dans le style cher à Monsieur Jourdain de “Marquise belle vos yeux beaux d’amour mourir me font” ou “mourir d’amour vos yeux beaux marquise belle me font”... De quoi donner la nausée à ladite marquise. Je cite en vrac: - Le caza à un tour à la majorité simple. - Le mohafazat selon le découpage actuel. - Le mohafazat atomisé qui n’aurait de mohafazat que le nom. - Le Liban circonscription unique à la proportionnelle. - Un scrutin à deux tours. Premier tour à la majorité simple dans le cadre du caza, deuxième tour dans le cadre d’une circonscription unique à la proportionnelle englobant tout le Liban. - Chaque électeur ne pouvant élire qu’un candidat sans distinction de circonscription ou de confession. Il reste un projet qu’on semble avoir oublié, celui de voter chacun pour soi quitte à tirer au loto les numéros gagnants. Pour la majeure partie des constitutionnalistes, il ne fait pas de doute que le système le plus représentatif est celui du caza. Là, le député représente vraiment ceux qui l’ont élu puisqu’il est l’un d’entre eux. En outre, ce genre de scrutin rend presque impossible tout parachutage de quelque côté qu’il vienne. Pour ce qui est du brassage de la population, la solution la plus logique serait la circonscription unique à la proportionnelle. Dans ce cas, les électeurs seront appelés à choisir entre plusieurs listes comportant chacune 128 candidats. Fort bien. Mais sur quelles bases? Dans les pays où ce genre de scrutin est en vigueur, les électeurs, faute de connaître les candidats, votent pour un parti fortement structuré, au programme nettement défini. En Israël, par exemple, on vote Likoud ou Travailliste, Mapam ou Shass, etc. Chez nous, ce serait la foire. Autrement dit, la dictature du leader chef de liste et le règne du parachutage, de telle sorte que même une chatte ne retrouverait pas ses petits. Pour ce qui est du brassage, c’est une utopie de plus à ajouter au monument d’inepties et de contre-vérités dont nos dirigeants ont pris la fâcheuse manie de nous abreuver. Le maréchal Tito avait, au lendemain de la guerre, imposé une république fédérative en Yougoslavie. Cinquante ans d’une vie politique en commun n’avaient pas empêché après la disparition de Tito, l’éclatement de la fédération en Slovénie, Croatie, Bosnie, Macédoine, Monténégro, Serbie. Aujourd’hui, tout ce beau monde en est à pratiquer l’épuration ethnique. Staline, avant Tito, avait ordonné la déportation de plus de cinquante millions d’ex-Soviétiques dans le but de fondre les uns et les autres dans le même moule unitaire. A peine tombé le mur de Berlin, les Géorgiens, les Ukrainiens, les républiques Baltes, l’Arménie, l’Azarbaïdjian, la Tchétchénie, etc. ont fait sécession, certains les armes à la main. Laissons donc le parlement être ce qu’il est censé être - selon la lettre et l’esprit de la Constitution - c’est-à-dire une institution reprEsentative. Le brassage de la population est une affaire d’économie, de sociologie et de culture. Et surtout de statut personnel. Le reste n’est aujourd’hui qu’un slogan creux pour démagogues ou crétins et, souvent, un paravent pratique derrière lequel se dissimulent les intentions les plus inavouables. Le brassage de la population ne se fera pas en trois coups de cuillère à pot. Il n’est pas pour demain. Selon l’expression favorite du président Mitterrand: “Il faut donner du temps au temps”. |
![]() |