RÉAFFIRMANT SON SOUTIEN AU PRÉSIDENT LAHOUD

MOHSEN DALLOUL:

 “JE NE SUIS PAS AVEC CE CABINET EN RAISON DE SA MAUVAISE GESTION”


M. Mohsen Dalloul, député de la Békaa, ancien ministre, se distingue par une position spéciale envers le Pouvoir, en ce sens que, tout en proclamant son appui sans réserve au chef de l’Etat et en appelant toutes les parties à lui apporter un soutien total, il se dit  opposé au gouvernement “à cause de sa mauvaise gestion”.
De plus, il doute de la capacité du Cabinet de réussir la réforme administrative, “d’autant que les organismes de contrôle ne disposent pas de dossiers sur base desquels elle pourrait être entreprise.” 
Par ailleurs, il craint que la lutte contre la corruption et le gaspillage connaisse le même sort et se termine en queue de poisson. Enfin, il estime que “la clôture de l’affaire Barsoumian sans la tirer au clair, serait une catastrophe.”
 

• JE CRAINS QUE LE DOSSIER DE LA CORRUPTION CONNAISSE
LE MÊME SORT QUE LA RÉFORME ADMINISTRATIVE

• LES ORGANISMES DE CONTRÔLE NE DISPOSENT
PAS DE DOSSIERS

Notre première question porte sur la 425, votée par le Conseil de Sécurité en 1978 et restée lettre morte. En sa qualité d’ancien ministre de la Défense, quelles sont, à son avis, les chances d’application de cette résolution?
“Son application dépend de la communauté internationale et, tout particulièrement, de la volonté du Conseil de Sécurité. Tant que les Nations Unies usent de deux poids et deux mesures, nous ne devons compter que sur nous-mêmes et appuyer la Résistance, car elle est l’unique moyen de libérer le Liban-Sud et la Békaa ouest.
“Puis, l’alignement et l’inéquité apparaissent d’une manière flagrante en Libye, en Iran et au Soudan au niveau du conflit arabo-israélien. En effet, les Etats-Unis prennent le parti d’Israël qui refuse d’appliquer la 425.
“L’Amérique est, en fait, le tuteur, le contrôleur et le censeur: elle impose l’embargo à des degrés divers à la République islamique, au Soudan et à l’Irak, sous prétexte qu’ils n’appliquent pas  les résolutions de la légalité internationale.
“Pourquoi donc Washington et les forces agissantes n’exercent-elles pas des pressions sur l’Etat hébreu pour le contraindre à souscrire aux résolutions du Conseil de  Sécurité et use de son droit de veto chaque fois que cette instance internationale s’avise d’infliger une sanction à Israël?”
- Les USA ont approuvé la résolution 425 en 1978; ne pensez-vous pas qu’il y a eu négligence de notre part pour en favoriser  l’application?
“Je ne le crois pas, du moins au double plan gouvernemental et populaire. L’Amérique s’est effectivement tenue au début à nos côtés et son rôle n’aurait pas dû s’arrêter au vote de la résolution qui exige d’Israël d’évacuer, incondi-tionnellement, les portions de notre territoire que ses troupes occupent. Elle  n’a donc pas forcé Tel-Aviv à l’appliquer; il en fut de même pour la communauté internationale.
“Nous ne disposons pas de la capacité militaire, sinon nous n’aurions pas laissé Israël occuper notre terre.”
- La libération d’Arnoun constitue-t-elle la concrétisation d’une troisième force?
“Il n’existe pas, à mon sens, une troisième force, le Liban tout entier étant une force unifiée face à l’occupation israélienne. Les jeunes ont entrepris de débarrasser Arnoun de la barrière en fils barbelés et mérité l’appui, l’estime et l’admiration par leur initiative courageuse. Hier, j’ai entendu l’ambassadeur du Japon dire que son gouvernement l’avait chargé de se rendre à Arnoun, pour jauger de l’ampleur de ce phénomène.
“Après la chute de l’Union soviétique, il n’existe plus au monde qu’une grande puissance: l’Amérique.”
- A la suite de la perte par Israël de plusieurs officiers et hommes de troupe, dont le général Gerstein, comment concevez-vous l’avenir du conflit opposant le Liban à Israël?
“La situation passe, actuellement, dans “l’équilibre de la terreur”. Israël réalise maintenant que toute agression contre le Liban lui coûterait cher et c’est ce qui provoque la dislocation dans la société israélienne. Cela est la conséquence de l’action de la Résistance, la perte d’un de leurs officiers supérieurs ayant perturbé les rangs israéliens, ainsi qu’il ressort des déclarations de leurs dirigeants.
“L’image de la lutte a totalement changé dans l’esprit de ces derniers qui font face à une pression croissante des familles des militaires israéliens qui réclament le rappel des soldats; autrement dit d’arrêter les agressions contre notre pays.”

• IL FAUT INTRODUIRE DU SANG NOUVEAU DANS LA VIE
POLITIQUE  À TRAVERS UNE LOI ÉLECTORALE MODERNE

• ISRAËL NE PARVIENDRA PAS À DISSOCIER
LES VOLETS LIBANAIS ET SYRIEN

- Sont-ils sérieux dans leur intention de retirer “Tsahal”, unilatéralement?
“L’Israélien a subi une défaite et il lui coûte de se retirer du Liban dans cette situation.”
- Comment imaginez-vous l’avenir de la paix au Proche-Orient et un arrangement est-il possible à plus ou moins brève échéance, entre le Liban et la Syrie, d’une part et l’Etat hébreu, d’autre part?
“Le Liban et la Syrie sont sérieux dans leur recherche de la paix, preuve en est qu’ils ont pris part à la conférence de Madrid et aux négociations de Washington.
“La Jordanie, après les Palestiniens, a conclu un arrangement séparé. Par la suite, Israël a renié la déclaration de Madrid et le principe de la terre contre la paix. Tous ceux qui ont été tués après cela, l’ont été par la faute d’Israël et de ses décisions politiques erronées.
“Je ne peux prédire ce qui se passera, mais je témoigne de notre sérieux dans la recherche d’une paix sur la base de la justice et de la ligne tracée par le président Hafez Assad. Si l’Etat hébreu croit pouvoir avoir la paix et la terre à la fois, il se trompe et c’est un objectif qu’il ne pourra pas atteindre.”
Et d’ajouter: “Israël s’emploie à dissocier les volets libanais et syrien, mais n’y parviendra pas quoi qu’il fasse, parce que les gouvernements et les peuples des deux pays sont solidaires et réalisent les périls pouvant découler de leur séparation, face à un ennemi pervers.”
- Les dossiers relatifs au scandale pétrolier, au gaspillage et à d’autres affaires font l’objet d’enquêtes judiciaires. Qu’auriez-vous à dire de “l’affaire Barsoumian” qui semble devoir “brûler” l’ancien ministre du Pétrole?
“Je crains que les dossiers de la corruption et du gaspillage connaissent le même sort que celui de la réforme administrative qui a trébuché parce qu’il vise une partie. Des gens méritent un châtiment et d’autres sont honnêtes. Malheureusement, les nominations relèvent du partage des parts et du clientélisme; cela n’est pas permis. Après l’ouverture du dossier des résidus pétroliers, sommes-nous disposés à aller jusqu’au bout?
“Puis, la Justice condamne ou acquitte un prévenu. Or, les organismes de contrôle ne disposent pas de dossiers sur base desquels un jugement peut être rendu à l’encontre des fonctionnaires.”
- Vous êtes connu pour avoir entretenu de bons rapports avec le général Emile Lahoud au temps où vous étiez ministre de la Défense. Vous attendiez-vous à l’ouverture de dossiers au début de son sexennat?
“Le président Lahoud, tel que je le connais, ne passe sous silence aucune infraction, même de pure forme, quel que soit son auteur. C’est un homme qui se caractérise par la transparence, respecte la loi et s’y soumet, partant du fait qu’on ne peut assainir le climat politique dans une atmosphère malsaine.
“Je crois qu’il n’avait pas l’intention d’ouvrir les dossiers, mais il ne peut mettre aux archives un dossier louche.
“L’affaire Barsoumian constituerait une catastrophe si son dossier était fermé et se répercuterait, négativement, sur le Cabinet, comme ce fut le cas du dossier de la réforme administrative. Ceci nécessiterait un nouveau “communiqué” de la part du président Hoss.
“En ce qui a trait au dossier des antiquités, je ne dispose d’aucun renseignement précis, mais j’avais intenté un procès, il n’y a pas longtemps à propos de la disparition d’un vestige archéologique se rapportant à un chef romain.”
- D’aucuns vous blâment de faire le jeu des loyalistes et des opposants à la fois. Qu’auriez-vous à leur répondre?
“Je suis avec le président Lahoud, mais non avec ce gouvernement en raison de sa mauvaise gestion de la chose publique et de la perplexité qui entache ses comportements. Qu’a-t-il fait en l’espace de quatre mois? Ses membres ne cessent de parler du lourd legs et des erreurs du précédent régime. Or, ils ne sont pas encore parvenus à élaborer un projet de budget, ni un plan pour le relèvement socio-économico-financier. Ceci étant, comment puis-je être de leur côté?
“Je soutiens le président Lahoud parce que je suis persuadé que c’est l’homme le plus valable pour cette étape.”
- On vous prête l’intention de vouloir réclamer un changement ministériel. Est-ce vrai?
“Pas du tout; il ne doit y avoir ni changement ni remaniement et ce Cabinet doit être maintenu. Il faut lui donner sa chance, d’autant qu’il a été formé depuis quatre mois tout au plus. Laissons-le élaborer le projet de budget définissant ses options économiques et financières pour pouvoir le juger sur ses actes. Les ministres des Finances (M. Corm), de l’Economie, de l’Industrie et du Commerce (M. Saïdi) sont des hommes ayant fait leur preuve dans leur domaine. On est donc supposé leur accorder le temps nécessaire pour agir.”

• POURQUOI L’AMÉRIQUE S’ACHARNE-T-ELLE CONTRE L’IRAK,
LA LIBYE ET LE SOUDAN,
SANS FORCER ISRAËL À APPLIQUER LA 425?

• AU SUD, C’EST DÉSORMAIS “L’ÉQUILIBRE DE LA TERREUR”

- Comment jugez-vous l’action menée par M. Hassan Chalak, ministre de la Réforme administrative: a-t-il réussi ou échoué dans les initiatives qu’il a prises?
“Quand le ministre Chalak s’était brouillé avec l’ancien ministre Sanioura, j’avais pris son parti et proclamé ma position en sa faveur dans la presse; il le sait.
“Dès sa prise en charge du portefeuille de la Réforme administrative, je l’ai félicité, car il est l’homme qu’il faut à la place qu’il faut.
“Maintenant, certains de ses comportements pourraient être suscités par le dépit, alors qu’il est en lutte avec les “fantômes” du passé.”
- La situation économique est défectueuse, autant que la situation sociale, alors que le quart du budget de l’Etat doit servir la dette publique. Où va donc le Liban dans ces conditions?
“En dépit de tout, j’espère que le Liban continuera à jouir de la confiance des investisseurs et des hommes d’affaires. Tout ce que je crains, est que le Liban perde sa crédibilité et la confiance des autres, en raison du comportement de certains ministres. Je redoute les répercussions de la situation socio-économique, davantage que la dette publique et le déficit budgétaire.
“Avec la confiance et la crédibilité, nous pouvons redresser la situation. Le président Hoss a déclaré: “Le pouvoir est continuité et nous respectons les signatures de nos prédécesseurs”. Mais certains ministres l’ont désavoué.
“J’ai une grande confiance en la personne du président Lahoud et j’espère que le président Hoss parviendra à faire entendre raison aux membres de son gouvernement. A ce moment, il nous sera possible de redresser la situation qui a besoin de la coopération de toutes les parties. La sagesse du président Lahoud et sa longueur de vue me rendent optimiste quant à l’avenir.”

Propos recueillis par
JOSEPH MELKANE

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