![]() La Croix Rouge internationale mobilisée pour porter tout secours aux réfugiés. |
![]() La marée humaine affluant aux frontières de la Macédoine. |
Ainsi Evgueni Primakov a plié bagage et est de retour à Moscou, mais les concessions qu’il a obtenues auprès du président yougoslave n’ont pas convaincu les Occidentaux.
Après six heures d’entretien avec le président Milosevic,
il a fait savoir que son interlocuteur s’est borné à promettre
de réduire la présence militaire serbe au Kosovo et d’envisager
une solution politique, sous condition que l’OTAN cesse ses bombardements.
Sa proposition n’a convaincu personne, surtout pas l’Alliance atlantique,
qui réclame exactement le contraire. Les bombardements se poursuivront,
avec la différence que l’OTAN va étendre la portée
et le rythme des raids. Déjà les Etats-Unis, la Grande Bretagne
et le Canada ont envoyé en Méditerranée des avions
supplémentaires. Du reste, le secrétaire général
de l’OTAN, Javier Solana, rappelle que la priorité réside
dans l’arrêt des exactions contre la population albanaise civile
du Kosovo et... l’aide aux réfugiés. Cette position est reprise
en écho par Washington, qui rejette les soi-disant ouvertures de
Belgrade. Le président Clinton rappelle l’objectif de l’Alliance:
“M. Milosevic va endosser volens nolens la responsabilité de ses
actions. Depuis une dizaine d’années, il poursuit une épuration
ethnique et religieuse brutale pour justifier l’arrachement à leur
terre et le massacre de populations civiles afin de paver la voie vers
le pouvoir absolu. Les raids aériens de l’OTAN visent à lui
faire payer cher sa politique. C’est pourquoi, au fur et à mesure
des frappes, son infrastructure militaire va être sérieusement
compromise sinon détruite.” En même temps, la Maison-Blanche
accuse Slobodan Milosevic d’avoir organisé un génocide contre
la population albanaise du Kosovo. L’exode de celle-ci est plus massif
d’heure en heure: 200.000 habitants cette semaine ont fui le Kosovo et
affluent dans les pays voisins, Macédoine, Montenegro, Albanie -
laquelle en aurait déjà accueilli 80.000 et, de ce fait,
sollicite l’aide de la communauté internationale.
![]() Un logo diffusé par la télévision serbe assimilant l’emblème Nazi à celui de l’OTAN. |
![]() Milosevic présidant une réunion de ses ministres et états-majors, avant de décréter une trêve unilatérale. |
Pour sa part, le PAM (programme alimentaire mondial), lance un cri d’alarme:
“la famine menace le Kosovo d’ici quinze jours!” La situation sur place
est difficile à évaluer, comme le rapporte le porte-parole
du PAM: “Il y a, on le sent, une volonté yougoslave arrêtée
de chasser du Kosovo la plus grande partie de la population et, cela en
gagnant le temps de vitesse. On aura bientôt à faire face
à ce qui s’est déroulé, il y a cinq ans, en Bosnie,
ce qui nous inquiète énormément... Les réfugiés
nous disent, également, que les gens sont chassés ou exécutés
après avoir été spoliés de leurs biens! Ce
sont, bien entendu, des informations de seconde main, parce que, malheureusement,
nous n’avons plus au Kosovo de personnel sur place: tout le monde a été
évacué dès le début des frappes aériennes
de l’OTAN. La commissaire à l’Action humanitaire, une Italienne
très active, est attendue, aujourd’hui, en Macédoine pour
se rendre, ensuite en Albanie. Demain, elle assistera à une réunion
des pays de la République fédérale yougoslave. Objectif:
pouvoir véhiculer l’aide humanitaire vers la région”.
En marge du contexte, on apprend l’inculpation par le Tribunal pénal
international du chef de guerre serbe, Zeljko Raznatovi, dont le pseudonyme
est “Commandant Arkana” - inculpation pour crimes de guerre durant la période
1991 - 1995. Plusieurs sources, ce qui est inquiétant, indiquent
qu’il devrait se trouver à Pristina. Sa milice, pendant le conflit
bosniaque, s’était livrée à des épurations
ethniques barbares. La seule évocation de son nom suffit à
semer la terreur chez les habitants. Son credo: “Un vrai patriote serbe
est sans pitié pour l’ennemi. Il n’épargne ni femme, ni enfant,
ni vieillard”. Et ce credo, il l’a inculqué à une bande d’une
centaine de mercenaires, enrôlés dans ses milices, dénommés
les “Tigres”. Reconnaissables à leur écusson à aigle
blanc, ils ont terrorisé les populations durant les conflits de
Croatie et de Bosnie, dont il fallait précisément annihiler
les traces sur les territoires que les Serbes entendaient purifier. Un
exemple sinistre de recyclage réussi pour un homme qui n’est en
fait qu’un délinquant ayant trempé dans différents
trafics à travers divers pays d’Europe occidentale: drogue, prostitution
et armes... ce qui l’ont contraint, à échapper à la
justice internationale, à revenir dans son pays pour, d’abord, jouir
de l’impunité et, ensuite, y jouer le triste rôle d’un seigneur
de la guerre de la pire espèce!
![]() Un moine serbe orthodoxe priant devant une icône appelée “L’icône de la Ste Mère de Kazan” le 1er avril 1999. |
![]() Le commandant Arkan, président du club de Foot d’Obilie,le “Boucher de Bosnie” actuel seigneur de la Guerre à Pristina. |
L’annonce de son inculpation - tenue secrète depuis un an et
demi, donne toute sa mesure, à la nature criminelle de son engagement
dans l’ex-Yougoslavie.
Sur un autre plan, on apprend qu’à Paris, en Conseil des ministres,
le président Jacques Chirac a réclamé haut et fort
une action urgente de grande ampleur européenne: “Il est nécessaire
d’arrêter l’engrenage de la barbarie, a-t-il martelé; d’aider
les pays qui accueillent les réfugiés”. Il est appuyé
en cela par son Premier ministre Jospin qui, malgré les réticences
de son parti, a parlé de la même voix. Il souhaite, en conséquence
la tenue d’une réunion ministérielle des 15.
Par ailleurs, dans ce climat délétère et cette
impasse totale qui semble présager une crise prolongée, sinon
des développements pires - le seul élément positif
que l’on relève c’est la médiation du Vatican, là
où la puissante Russie s’est révélée impuissante!
Mgr Jean-Louis Tauran, se rend à Belgrade avec un message personnel
du Souverain Pontife pour le président Milosevic. Bien des espoirs
sont accrochés aux basques du Saint-Père, car, si d’une part
les dangers d’une extension de la guerre augmentent, de l’autre, c’est
le drame humanitaire qui bouleversera l’Europe en premier s’il se poursuit!
Autre son de cloche et celui-ci de mauvais augure: l’envoi de sept
unités de la flotte russe de la Mer Noire à proximité
des Balkans - ce qui vient d’être confirmé par l’agence Interfax
et cela en vue d’évaluer la situation! Mais le communiqué
n’a pas précisé la direction ultérieure qu’empruntera
l’escadre après sa traversée du Bosphore.
Comme on le voit, la crise des Balkans prend de plus en plus une tournure
dangereuse, en dépit des pauses chargées d’espoir, aussi
mince soit-il - intervenant entre les étapes que de jour en jour,
franchit le conflit. Ainsi, l’Allemagne, en tant que président actuellement
de l’U.E., il lui appartient, notamment, de recevoir le Premier ministre
russe de retour de Belgrade. Aujourd’hui sa voix se fait entendre, d’autant
plus qu’elle s’est engagée, dans l’action militaire aux côtés
des Alliés - premier engagement de cette nature depuis l’après-guerre.
Cette évolution de la société allemande est considérée
en Europe comme une maturation des mentalités dans le rôle
de l’Allemagne d’aujourd’hui - jusqu’ici, plutôt pacifiste. Face
au drame humanitaire qui secoue l’Europe, son attitude est méritoire
- car, refuser de participer à une action, au succès si contesté
soit-il, n’eût été ni respectable, ni respecté!
Normalement et contrairement aux tiraillements que l’on constate ailleurs,
l’Allemand accepte le bien-fondé des frappes de l’OTAN. Et puis,
comme il se doit, se tenir à l’écart d’un tel conflit - comme
une petite Suisse - ne cadre pas avec l’image du grand pays qu’elle représente,
au sein de l’Alliance atlantique, dont il est impossible qu’elle s’isole,
ce qui est, pour l’Allemagne, assumer son rôle authentique en Europe.
Coup
de théâtre au ler avril: l’image à la TV serbe de trois
soldats faits prisonniers. L’OTAN confirme que ce sont les trois Américains
portés récemment disparus à la frontière Kosovo-Macédoine.
Tombés aux mains des Serbes, ce sont les premiers prisonniers de
guerre occidentaux depuis le début des raids sur la Yougoslavie.
En fait, ils appartiennent au corps des informateurs postés en Macédoine.
En bref, une des trois patrouilles motorisées de l’US army venait
d’être prise à partie par un commando serbe infiltré.
Alertées, les deux autres reviennent sur leurs pas: mais le troisième
véhicule a disparu corps et biens. Immédiatement, un hélicoptère
Puma de l’OTAN décolle... A 3h a.m. il revient bredouille. Les recherches
reprennent le matin mais elles sont sans objet puisque les trois soldats
sont apparus sur les écrans de la TV de Belgrade. Ces trois Américains
font partie des 300 mis à la disposition des forces de l’OTAN en
Macédoine.
Comment les Américains ont-ils réagi à cette capture?
L’OTAN a déjà averti les forces yougoslaves de respecter
les règles internationales régissant les prisonniers de guerre...
comme une mise en garde.
Quant au sort des réfugiés qui quittent le Kosovo au
rythme de 1.000 par heure, il inquiète les Occidentaux. En Allemagne,
à Petersberg, les huit représentants des voisins de la Yougoslavie
et de la troïka européenne se réuniront, incessamment,
pour coordonner l’aide aux réfugiés et aux pays qui les accueillent.
Emma Bonido assistera à cette conférence - elle vient de
passer par l’Albanie et la Macédoine - touchées de plein
fouet par cet afflux de réfugiés. Par exemple, au centre
de Tirana, le Palais des Sports est transformé en centre d’hébergement
où chacun raconte à sa façon, sa fuite, le calvaire
de son périple et apaise sa faim avec un bol de soupe ou une assiette
de riz.
En attendant, aucun changement dans la stratégie de Washington,
toujours opposé à l’envoi de troupes au Kosovo. De surcroît,
il n’y a pas eu de trêve pendant le week-end pascal - malgré
l’appel du Saint-Père - et les raids, au contraire se sont intensifiés.
Javier Solana, du reste, a affirmé que l’offensive aérienne
pourra durer encore plusieurs semaines!
Diplomatiquement, pourtant, la porte n’est pas totalement fermée
après l’échec de Primakov. Refusant de jeter le manche après
la cognée, le président Boris Eltsine vient de déclarer
dans une émission télévisée “qu’il vient d’appeler
à une réunion urgente des ministres des Affaires étrangères
du G7 + 1, les pays les plus industrialisés, afin de trouver une
solution des plus rapides au Kosovo...
Dans ce salmigondis tragique, tous les pays de l’Europe ne semblent
pas parler le même langage. A part les réticences de l’Espagne
et de l’Italie, la Grèce a fait entendre une voix plus discordante
désapprouvant les raids de l’OTAN. “L’action militaire n’apportera
aucune solution”, a déclaré le Premier ministre Sémitis.
Quant au président du parlement grec, il estime que “les droits
de l’homme ne doivent pas servir de prétexte pour intervenir dans
les affaires intérieures d’un pays. Dans son ensemble, mon peuple
soutient les Serbes et la dignité de ce peuple qui a dit non aux
U.S.A., tout en reconnaissant les particularismes grecs.
A ne pas oublier dans ce cadre, que la Grèce a un vieux compte
à régler avec les Etats-Unis après l’affaire chypriote,
considérant qu’il y a une contradiction dans le comportement de
l’OTAN ayant à sa tête les U.S.A., quand il ne s’agit pas
d’Israël et de la Turquie; et puis... cette affinité orthodoxe
et balkanique! Et maintenant?... On est dans l’attente des résultats
de la médiation vaticane, qualifiée par le président
italien “de médiation de très grande envergure.”
Et cela pendant que la marée humaine des réfugiés
déferle au nord de l’Albanie et en Macédoine, comme au Montenegro
et que se dessine le spectre de l’intervention terrestre, - malgré
toutes les affirmations contraires!!!
Dernière heure:
L’aviation de l’OTAN frappe au cœur de Belgrade: les bâtiments
des ministères de l’Intérieur serbe et de la République
fédérale yougoslave détruits par des missiles de croisière.
La marée des réfugiés atteint des proportions
dantesques, aussi les demandes au FMI, à la Banque Mondiale et à
l’U.E. se font pressantes; d’autant plus que ce ne sont pas des “réfugiés”
mais des citoyens d’un pays, déportés hors de leurs frontières,
expulsés par la soldatesque serbe qui les embarque sur des trains
ou des fourgons sous la menace et par la force des armes.
D’autre part, on apprend qu’Ibrahim Rugova, leader modéré
albanais, à la TV serbe, l’a montré échangeant une
poignée de mains avec S. Milosevic. Le premier est-il manipulé
ou libre de ses mouvements? Des doutes sérieux pèsent à
ce sujet! Aussi, les Européens l’invitent-ils à Bonn pour
des explications de vive voix!
Sur le plan des réfugiés, on vient d’apprendre que certains
pays de l’OTAN ont décidé d’en recevoir 100.000 et les Etats
Unis, quelque 20.000; une intervention terrestre ne semble pas envisagée
du moins pour le moment.
Mais les événements se précipitent et la situation
évolue d’heure en heure. Ainsi, sous le déluge de fer et
de feu qui s’abat sur son pays, le président Milosevic vient de
décréter une trêve unilatérale pour ouvrir la
voie à une solution pacifique du conflit. Mais, l’OTAN est demeuré
inflexible et la trêve, lettre morte!
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