Sans l’attaque déclenchée, dimanche dernier, contre le
Pouvoir par M. Walid Joumblatt, leader du Parti socialiste progressiste,
qui n’a pas épargné la magistrature “dans laquelle je n’ai
pas confiance”, a-t-il déclaré, faisant état des “fantômes”
qu’on trouve partout aux douanes, dans l’administration et au palais de
Justice, les fêtes se seraient passées sans aucun accroc.
Mais l’offensive joumblattiste a envenimé l’atmosphère
et perturbé le climat politique, l’empêchant de jouir de la
“trêve des confiseurs”.
Les propos du chef du PSP étaient, en fait, une riposte à
l’ANI (Agence nationale d’information). Celle-ci a attribué à
des “milieux politiques” des réflexions particulièrement
violentes, disant que les attaques de M. Joumblatt avaient provoqué
bien des points d’interrogation d’autant qu’il a laissé entendre
qu’il pourrait appliquer la justice du PSP à l’encontre de ceux
qui ont souillé la retraite de Kamal Joumblatt et réclamé
des excuses de la part du chef du gouvernement pour ce qu’il prétend
être des injures...
L’ANI reproduit d’autres réflexions de la part des mêmes
milieux: “M. Joumblatt semble oublier qu’il n’est pas dans une position
lui permettant de juger qui que ce soit, ni par le biais de la justice
de son parti ni par celui de sa justice personnelle, le temps étant
révolu, sans espoir de retour, où sa justice faisait la loi.
“Il n’a qu’à essayer pour constater qu’il n’échapperait
pas à la sanction du droit, pas plus d’ailleurs que tous ceux qui
se considèrent plus forts que l’Etat et au-dessus des lois... Il
existe une catégorie d’hommes politiques, du calibre de M. Joumblatt
qui considèrent que les lois devraient être appliquées
aux seuls criminels et bandits de second ordre, les grands bandits devant
y échapper.
...“Quelque puissant que soit l’Etat, il est tenu de présenter
des excuses quand il se trompe, mais il n’a pas à s’excuser d’un
criminel ou d’un bandit, du simple fait que ce dernier se croit plus grand
et plus fort que l’Etat”...
Le conseil directorial du PSP devait tenir, le lendemain, sous la présidence
de M. Douraid Yaghi, le NÞ2 du parti, une réunion extraordinaire,
à l’issue de laquelle il a diffusé un communiqué prenant
violemment à partie l’ANI, disant que cette dernière reçoit
des instructions “de la part des fantômes”, ce qui laisse craindre
pour les libertés publiques.
“Et le PSP de se demander: “De quel droit, l’Agence nationale d’information
rend-elle les arrêts et condamne-t-elle les gens, au nom de son prétendu
rédacteur politique et qui en est responsable? Qui donc manque de
courage pour s’adresser directement à l’opinion publique, au point
de se cacher sous l’ombre des fantômes et de sources dont on ignore
la véritable identité? Dans ce cas, que reste-t-il de la
qualité nationale de l’agence?”
Le PSP estime que “la manière d’agir de l’ANI constitue un précédent
dangereux, porte atteinte à la dignité de l’opinion publique
et se réserve le droit d’adresser au gouvernement une question écrite
sur ce sujet précis et d’engager des poursuites judiciaires contre
l’ANI.
Par la suite, le PSP annonçait qu’il avait identifié
l’auteur de la profanation de la retraite de Kamal Joumblatt dont il a
communiqué le nom au directeur général de la Sûreté,
en formulant l’espoir que les autorités infligeront au malfaiteur
le châtiment qu’il mérite.
Etant donné la tension persistante, certains hommes politiques,
le président Nabih Berri en tête, se sont rendus à
Damas - où M. Joumblatt a suivi le chef du Législatif et
a conféré avec lui en présence de M. Abdel-Halim Khaddam,
vice-président de la République - vraisemblablement dans
une tentative de convaincre les responsables syriens d’intervenir à
l’effet de rasséréner l’atmosphère.
Mais Damas refuse de s’immiscer dans les affaires relevant de la Justice
libanaise et, aussi, d’interférer dans les enquêtes en cours
sur les dossiers chauds... Ceci explique le fait pour le leader du PSP
d’avoir atténué de ses critiques, d’autant que certaines
de ses déclarations, par lesquelles il a pris à partie la
magistrature, pourraient lui valoir des poursuites personnelles.
A son retour des bords du Barada, le président Berri a gagné
le palais de Baabda pour informer le chef de l’Etat de la teneur de ses
entretiens avec les responsables syriens. Le président Hafez Assad
avait pris contact, au préalable, avec le président Emile
Lahoud pour lui présenter les vœux d’usage à l’occasion de
la fête de Pâques.
Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes, consignant maintes
infractions et irrégularités par rapport aux dépenses
publiques, dans lesquelles sont impliqués M. Rafic Hariri et trois
de ses ministres: MM. Fouad Sanioura, Bassem Sabeh et Hagop Demerdjian
- les deux derniers en leur qualité d’anciens ministres des Affaires
rurales et municipales - ce rapport fait couler beaucoup d’encre, surtout
après la décision prise par le gouvernement de le transmettre
au Parquet.
Ce dernier pourrait convoquer les anciens ministres pour un premier
interrogatoire, en qualité de témoins, après qu’il
aurait demandé et obtenu la levée de l’immunité parlementaire
qui les couvre...
A ce propos, on prête au Conseil des ministres l’intention d’examiner
les contrats conclus avec “Sukleen” et “Sokomi”, les deux sociétés
chargées de procéder au nettoyage de la capitale et de ses
faubourgs. C’est, justement, à elles que plusieurs millions de livres
initialement destinées aux municipalités, ont été
remises, ce qui a constitué l’un des dossiers les plus explosifs.
D’ores et déjà, plusieurs personnes dont les noms figurent
dans le rapport de la Cour des comptes, seraient convoquées par
le magistrat instructeur chargé de tirer au clair l’affaire “des
fonds municipaux volatilisés”. Le procureur général
près la Cour de cassation a reçu une copie dudit rapport
de quatre cents pages, le Parquet devant entrer en branle dès l’achèvement
de l’étude des faits et chiffres consignés dans ce document.
Cette affaire suscite d’autant plus d’inquiétude dans les milieux
politiques et parlementaires proches du président Hariri, que le
président Lahoud revenant à la charge, à réaffirmé
la détermination du Pouvoir à poursuivre jusqu’au bout tout
dossier, alors que le président Hoss a qualifié le rapport
mentionné de “technique”, en ajoutant que le gouvernement n’avait
d’autre choix que de le transmettre au Parquet.
Fait à signaler: le président Hariri n’a pas encore réagi,
en ce sens qu’il n’a fait jusqu’ici aucun commentaire à ce sujet.
Mais on présume qu’il s’est contenté de ce qu’a dit M. Bassem
Sabeh, ex-ministre des Affaires rurales et municipales, au cours d’une
conférence de presse, qualifiant le rapport de la Cour des comptes
de “grand mensonge” ou de “poisson d’avril”...
Quoi qu’il en soit, il faut attendre l’arrêt du Parquet pour
être fixé sur le sort qui sera donné au rapport en
question. On saura, alors, si le palais de Justice s’en saisira ou si ce
dossier sera transmis à la Chambre des députés, les
prévenus étant d’anciens ministres ou des membres de l’Assemblée
et, de ce fait, doivent rendre compte de leur gestion de la chose publique
au Législatif ou même devant la Haute Cour habilitée
à juger les présidents et les ministres.
Dans l’entourage du président Berri, on assure que le chef du
Législatif accorde la priorité au projet de budget 99, partant
du fait que la ratification de la loi de finances contribuera à
dynamiser l’économie nationale, réactivera les secteurs productifs
et, partant, atténuera l’acuité du marasme qui sévit
sur le plan local.