DOSSIER
LA TOXICOMANIE AU LIBAN
 DEPUIS UN AN, LE NOMBRE DE JEUNES DROGUÉS NE CESSE D’AUGMENTER...




L’usage de la drogue est un problème à dimension internationale. Certes, ce fléau est aussi vieux que le monde, mais cela ne semblait pas faire partie de nos préoccupations libanaises. Il était peu fréquent d’aborder, ouvertement, ce sujet épineux, celui-ci étant truffé de tabous et d’interdits. La société se voilait, pudiquement, la face sous prétexte que cela existait ailleurs et que nous étions très peu concernés.
Non malheureusement! Cela se passe ici et aucun milieu social ne peut se bercer de l’illusion sécuritaire d’en être à l’abri.

Notre pays en a beaucoup enduré, les séquelles sont profondes et vingt années de guerre n’ont fait qu’accroître le nombre de toxicomanes. Nos enfants et nos amis pourraient y être confrontés un jour et nous nous trouvons face à une réalité qu’il est impossible d’ignorer. Le nombre des jeunes drogués augmente de jour en jour et dénoncer cette situation, c’est déjà agir en quelque sorte. Etant donné la gravité et l’importance du sujet, il est impératif de l’aborder aujourd’hui, car mieux vaut prévenir que guérir. Spécialisé pour le traitement des maladies de la dépendance, nous avons rencontré à l’hôpital Saint Charles à Hazmieh le Dr Antoine Boustany qui a bien voulu répondre à nos questions.
D’après votre expérience, où, comment et dans quelles circonstances les jeunes touchent-ils à la drogue au Liban?
Les circonstances sont nombreuses. Le coup de fouet a été donné avec la guerre. Avant 1975, il n’existait pas un vrai phénomène de drogue, les cas étant, alors, restreints. Avec la guerre, la toxicomanie ne cesse d’augmenter, les miliciens et les civils ayant eu recours à l’alcool et aux tranquillisants. Avec la fin de la guerre et, surtout, après que l’Etat ait décidé de mettre fin à la culture de ces substances, le recours à la drogue a cessé et les jeunes se sont tournés vers l’alcool. Malheureusement, depuis bientôt un an, il y a un regain chez les très jeunes universitaires et les élèves du cycle secondaire, dont la moyenne d’âge varie entre 15 et 20 ans.

Serait-ce un phénomène de mode?
Pour simplifier les choses, je dirais que c’est un phénomène de mode. Mais, en réalité, les raisons sont beaucoup plus profondes que cela. C’est un phénomène de mode d’éducation, de manque d’autorité, un phénomène de perte de valeurs certainement dû au laxisme. Ceci ressemble un peu à ce qui se passe en Occident. Depuis un an, le nombre des drogués augmente chez les très jeunes Libanais.
Quels sont les différents centres de désintoxication au Liban?
En parlant de centre de désintoxication au vrai sens du terme, c’est-à-dire désintoxiquer et faire un bon suivi; puis, investiguer le malade, le centre Saint Charles est spécialisé dans ce domaine. Il existe, également, des centres de réhabilitation, tel celui de “Oum el-Nour”. Sinon, il est possible de désintoxiquer chimiquement dans n’importe quel hôpital; mais à mon avis, ce traitement n’est pas réellement efficace.

Quel est le nombre des drogués au Liban? Le pourcentage est-il inférieur ici en comparaison aux autres pays?
Il est impossible de connaître le nombre exact des drogués, d’autant qu’il s’agit d’un phénomène clandestin difficile à cerner. On avance un chiffre du nombre de sidéens, mais ceci ne correspond pas à la réalité. Comme il n’est pas obligatoire de déclarer les drogués au ministère de la Santé, on ne dispose pas de chiffres exacts.
Combien coûte une cure de désintoxication?
Tout dépend de la durée qui est de deux semaines, en général et de la classe (1ère, 2ème ou 3ème). L’essentiel est de se faire soigner et nous avons une section sociale qui se charge de couvrir presque aux 2/3 le coût du sevrage du patient. Je ne peux pas avancer de chiffre concernant les tarifs.
Comment peut-on convaincre un toxicomane d’arrêter de se droguer? Quelles sont les premières démarches à faire?
C’est un travail de longue haleine. D’abord, il devrait être lui-même convaincu d’arrêter. Si tel n’est pas le cas, on essaye de rechercher les raisons de sa démotivation, de les mettre en évidence, de savoir pourquoi ce jeune ne veut pas arrêter la drogue; il faut lui parler. S’il refuse complètement d’aller voir un médecin, il faudrait qu’il réalise qu’il est en train de transgresser la loi et risque d’avoir des problèmes avec la justice. Sinon on ne peut pas forcer quelqu’un à se faire soigner.
Quels symptômes doivent alerter l’entourage d’un jeune drogué?
Ce sont, surtout, des symptômes de changement de comportement. Sa conduite doit alerter l’entourage; il n’existe pas de conduite générale, chacun change à sa façon; par exemple: pourquoi s’enferme-t-il seul pendant de longues heures? Pourquoi a-t-il changé de groupe d’amis et pourquoi reçoit-il des coups de téléphone en cachette ou pourquoi régresse-t-il à l’école et évite-t-il ses parents? L’essentiel est de garder le dialogue avec l’enfant.
Quelles sont les premières règles de prévention?
Elles se font au niveau de la famille et de l’école, sont basées, en bonne partie, sur l’éducation, le milieu social, le sens des valeurs et les fréquentations.
Au Liban, quels sont les milieux les plus touchés?
Ce phénomène commence, surtout, dans les boîtes de nuit aussi bien à Beyrouth qu’en montagne et, actuellement, cela commence, malheureusement, dans les écoles.
Essayez-vous de prévenir les écoles les plus touchées ou de donner des conférences de prévention?
Malheureusement, la plupart des écoles essayent de camoufler cette situation, puisque la réputation de leur établissement en dépend. Ce sont les écoles huppées qui sont le plus touchées.
Comment se comporter face à un toxicomane?
Avant tout, il ne faudrait pas dramatiser les choses, afin d’éviter de perturber les relations. Il faut que le jeune prenne conscience de ce qu’il est en train de faire; ensuite, avoir recours à des spécialistes.
Suite à une cure de désintoxication, quel est le pourcentage de rechute et quelles en sont les principales raisons?
Tout dépend du suivi thérapeutique; on étudie cas par cas. Si le patient suit le traitement indiqué, les risques de rechute diminuent énormément; s’il ne veut pas les suivre, les risques augmentent. Il faudrait, également, faire très attention à la fréquentation et éviter que le jeune revienne dans un milieu malsain ou revoir des amis avec lesquels il se droguait. Dans ce cas, quoi qu’on fasse, la rechute est inévitable. Les relations parents-enfants sont, également, très importantes.
L’ecstasy ou “pilule de l’amour” semble, malheureusement, devenir un phénomène de mode au Liban; de quoi s’agit-il exactement?
Ce sont des comprimés hallucinogènes. C’est un phénomène de mode et cette drogue très perturbatrice risque de provoquer des dommages mentaux si elle est utilisée régulièrement.
Qu’attendez-vous de l’Etat libanais?
Qu’il soit, d’abord, conscient de la réelle présence du problème et de sa gravité. Il faudrait qu’il prenne en charge une partie de ces drogués; que les ministères de la Justice et de l’Intérieur soient très vigilants; que le ministère de la Santé les prenne en charge, financièrement.
Un toxicomane qui a suivi une cure de désintoxication redevient-il normal à 100% ou risque-t-il de garder des séquelles?
Il risque de garder des séquelles pendant un an; sur le plan physique, durant 3 à 4 mois et, sur le plan psychologique, durant 9 à 12 mois; ensuite, en principe il devient plus solide et moins vulnérable.
 

LE GROUPEMENT “MÈRE DE LUMIÈRE”(“OUM EL-NOUR”)
Créé en 1989 en vue d’entreprendre diverses activités sociales, enregistré auprès du ministère de l’Intérieur, le groupement “Oum el-Nour” est, actuel-lement, la seule organisation s’occu-pant de la réhabi-litation des person-nes toxicomanes  au Liban. Il dispose de quatre centres dont un pour femmes. L’accès  y est gratuit; pour être accueilli, le drogué doit être en âge adulte (18 ans minimum), motivé et convaincu de rompre avec la drogue. Etant l’un des fondateurs  de “Mère de lumière”, vice-prési-dent de ce groupement, M. Gabriel Debbané a bien voulu nous donner les renseignements essentiels concernant le projet thérapeutique, en insistant sur le fait que, depuis un an, le nombre de jeunes drogués ne cesse d’augmenter. “Oum el-Nour”, dit-il, a été fondé suite à l’idée d’un groupe de jeunes qui voulaient sauver un de leurs amis frisant l’”overdose” et était dépressif, pour qui la vie n’avait aucun sens et qui essayait d’oublier la réalité  par la drogue.
Tel est le cas de chaque drogué actuellement. Ce sont des jeunes qui tombent dans la drogue, soit par curiosité, soit sous l’influence de leur entourage ou pour être soi-disant branchés. Par la suite, ils y prennent plaisir sans se rendre compte de l’énorme danger que ceci représente.”
Le bureau d’accueil est situé à Zouk où les jeunes sont reçus par une psychothérapeute et une assistante sociale. Répartis sur quatre centres (Feytroun, Achkout, Séhaylé et Ammik), entourés d’accompagnateurs, les pensionnaires sont, avant tout, des jeunes ayant décidé de s’en sortir et ne peuvent le faire que dans un cadre assurant le soutien humain et technique. Les équipes suivent des stages de formation à l’étranger et intègrent la thérapie à la réalité sociale libanaise. Dans un milieu de vie communautaire, les drogués apprennent à reprendre goût à la vie. Sans produits de substitution, mais avec de grandes doses de soutiens affectifs, la psychothérapie de “Oum el-Nour” respecte le rythme de chacun. Elle se divise en quatre étapes:
1- Arrêt de la drogue et reconstruction physique.
2- Développement du potentiel psychologique et retour à la force physique.
3- Initiation à la responsabilité et apprentissage professionnel.
4- Réinsertion sociale basée sur les entretiens de groupe, le sport, la culture et les loisirs. “Oum el-Nour” est présidé par Mgr Guy-Paul Noujaim, archevêque maronite de Sarba; le centre d’accueil administratif se trouve à Zouk-Mikaël: n’importe quel jeune drogué peut venir sans rendez-vous les mardis et jeudis. Il est, également, possible de téléphoner au 09-210285. Le toxicomane devrait, surtout, être convaincu d’arrêter de se droguer. Il doit faire un sevrage à l’hôpital qui dure à peu près quinze jours; il est préférable que le futur résident aille voir un psychiatre auparavant, parce que très souvent le médecin peut déceler certains problèmes et faciliter, ainsi, la thérapie. Quelqu’un qui se drogue depuis cinq ans n’est pas comparable à quelqu’un qui le fait depuis quinze ans. Le nombre des toxicomanes est énorme. Nous sommes face à un fléau qui augmente tous les jours: il y a 10 ans la moyenne d’âge était de 35 ans; l’année passée, les statistiques révélaient qu’elle était de 25 ans et, actuellement, elle est de 18 ans. Nous avons même reçu des jeunes de 12 ans, précise M. Debbané. La plupart de nos universités sont lourdement touchées et les responsables ne le réalisent pas. Certaines écoles sont impliquées, mais refusent de voir la réalité en face. Très peu de parents en sont conscients, d’où la gravité du fléau. La toxicomanie détruit des enfants qui sont, aussi, les nôtres. Si le gouvernement libanais s’occupe de la répression, il n’a malheureusement pas encore les moyens de réhabiliter les drogués, d’où la nécessité de redonner espoir. Nous avions 60 à 65 résidents. Actuellement, leur nombre a été réduit à 35 pour des raisons financières. Un drogué coûte 700 dollars par mois, ce qui revient à 13.000 dollars pour une cure de 18 mois. Tout ce qu’il reçoit à “Oum El-Nour” est gratuit. Chaque jour, les requêtes des familles et des toxicomanes se font plus nombreuses et malgré l’expansion de nos activités, nous sommes dans l’impossibilité de répondre à la demande. Toutefois, la taille que nous avons atteint nécessite, désormais, des soutiens et des donateurs plus permanents. Les ministères des Affaires sociales et de la Santé nous aident, mais leurs subventions sont minimes par rapport à nos besoins; nous ne voulons surtout pas diminuer la qualité du service et pour cette raison, nous avons réduit le nombre de résidents dans nos centres.

“Nous essayons d’aménager un centre d’accueil de jour et de nuit, permettant aux jeunes de continuer à étudier ou de travailler, tout en suivant des sessions thérapeutiques. Cependant, ce programme ne pourrait pas s’appliquer à tout le monde, si le toxicomane est lourdement atteint il devrait séjourner au centre.A la fin de la thérapie, il faudra de nouveau réintégrer le résident dans sa famille et la responsabiliser, en quelque sorte. Un psychologue s’occupe du suivi des anciens, en gardant le contact avec eux afin d’éviter les rechutes. Une cure de désintoxication au Liban est plus bénéfique qu’une cure à l’étranger, nous connaissons la mentalité libanaise et œuvrons dans ce sens. Un jeune que nous avons reçu récemment, avait fait 18 cures de désintoxication de par le monde, étant issu d’une famille très riche, ses parents ont frappé à la porte des centres les plus connus. Il est arrivé au Liban et a été sauvé à “Oum El-Nour”. La lutte contre la drogue passe, d’abord, par une réflexion profonde sur ses causes. C’est l’avenir du pays et il est d’autant plus grave de l’ignorer, la prévention est très délicate, il faudrait sensibiliser les gens et essayer d’élaborer un programme national à ce sujet. M. Debbané conclut l’entretien en ces termes: “Ces jeunes sont nos futurs délinquants ou nos futurs dirigeants.”
Etant directeur général du groupement “Mère de lumière”, le général Adib Saad nous a accompagnés au centre de Achkout où les anciens drogués séjournent dans une ancienne maison appartenant à l’archevêché maronite. Le cadre est calme et serein. Ici, les jeunes réapprennent à vivre d’une façon saine, équilibrée et semblent en paix avec eux-mêmes. L’un d’eux a bien voulu nous faire un témoignage et semble inquiet quant à l’avenir des jeunes Libanais.

JE CROYAIS QUE LA DROGUE ALLAIT M’AIDER  À AFFRONTER LES PROBLÈMES QUOTIDIENS
Bassam, 25 ans, confie: “J’ai commencé à me droguer à l’école à l’âge de 17 ans, j’avais des problèmes avec mes amis et pour fuir cette ambiance, le haschich a été mon refuge. C’était une curiosité et je ne réalisais pas les conséquences humiliantes qui m’attendaient. Au début, mes parents n’ont rien remarqué; ce n’est que cinq ans plus tard, lorsque j’ai commencé à consommer de l’opium ou de l’héroïne et que j’ai considérablement maigri qu’ils s’en sont doutés. Ils ont essayé, en vain, de m’aider et de me soutenir. J’étais devenu violent et très nerveux. Je battais ma mère pour la moindre remarque, manquais d’argent et j’ai été obligé de vendre ma voiture et mes affaires. Je volais à l’étalage et n’hésitais pas à piquer les cellulaires et les sacs à mains traînant sur les tables dans les boîtes de nuit. Il était facile de se procurer toutes sortes de stupéfiants; une soirée avec une amie (5 à 6g de cocaïne + drinks) me revenait à 500 dollars. J’ai vécu un enfer.
 
LES PRINCIPALES DROGUES CONSOMMÉES AU LIBAN
 
Symptômes
Dangers
Haschich:
(pâte de couleur verdâtre ou brune qui se mélange au tabac).
- Palpitations.
- Dessèchement de la bouche.
- Peur intense.
- Tremblement.
- Rougeur des yeux
- Troubles de la mémoire.
- Dépendance.
- Déséquilibre.
- Affaiblissement immunitaire.
- Troubles respiratoires.
Cocaïne:
(poudre blanche).
- Excitation.
- Peur et insomnies.
- Perte de l’appétit suivie d’une déprime.
- Dépendance.
- Peur intense.
- Risque de suicide.
- Troubles de la personnalité
- Risque d’overdose.
Héroïne:
(sorte de poudre blanche utilisée en général par injection.
- Nausée.
- Troubles respiratoires.
- Insomnies.
- Démangeaisons.
- Dépendance énorme.
- Indifférence totale.
- Toxicité générale forte.
- Dangerosité sociale très forte.
- Risque de contraction du virus du Sida.

De temps en temps, les gendarmes arrivaient pour inspecter les lieux, mais tout était jeté par terre et ils repartaient aussitôt. Des arrestations ont eu lieu, mais les jeunes ont été rapidement libérés. J’ai suivi plusieurs cures de désintoxication, mais je récidivais, souvent le jour même de ma sortie de l’hôpital. J’ignorais l’existence de “Oum El-Nour”. Je suis ici depuis 11 mois et je me sens, enfin, bien dans ma peau. Comme je suis en troisième phase du programme thérapeutique, je sors et je suis effrayé de voir que mes amis qui essayaient de me convaincre d’arrêter la drogue, ont aujourd’hui, sombré dans le monde des paradis artificiels. Il faut être très méfiant!”

“MES PARENTS M’ONT DÉNONCÉ À LA POLICE”
Danny a, aujourd’hui, 34 ans. Un soir, alors qu’il n’en avait que 19, comme tant d’autres jeunes de son âge, il est entraîné par un copain. Ainsi, il fumera son premier joint. Nul ne peut se douter qu’il sera un jour drogué. Ce mot est lourd de conséquences et fait peur; on commence par curiosité ou pour échapper à une réalité qu’on voudrait éviter et on est, malheureusement, entraîné à subir l’humiliation. Ses parents et son entourage essayent par tous les moyens de l’arrêter. D’après lui, la rechute est inévitable. Il en est arrivé à fumer 50 cigarettes par jour et a, également, essayé la cocaïne. Il affirme qu’il est très facile de s’en procurer. Quatre cures de désintoxication et de nombreuses consultations psychiatriques ont abouti à quelques mois d’abstinence. Malheureusement, il récidive. Danny est arrêté par la police, suite à la volonté de ses parents qui l’ont dénoncé...
Plusieurs associations œuvrent pour la lutte contre la toxicomanie: citons, à titre d’exemple, le SIDC, présidé par M. Elie Aaraj (Tél.: 01-482428), la J.C.P. à Jounieh (Tél.: 09-932549). L’association “Drogués libérés” s’occupe d’aider les toxicomanes et leurs familles. Ces personnes bénévoles jouent un rôle important entre les drogués et les centres de désintoxication. Il est possible de les contacter en appelant Mme Arbid au 03-359935 ou Mme Abi-Nader au 05-450451.
 
L’ECSTASY OU LA “PILULE DE L’AMOUR”
C’est une drogue de synthèse qui devient à la mode au Liban: un comprimé blanc, un taureau gravé sur une de ses faces, le petit plus pour une soirée branchée avec quelques amis. Cette amphétamine est un poison pour les neurones; le péril menace les jeunes. Constituée de mélanges obscurs de produits à la toxicité déroutante, l’ecstasy est popularisée sous d’innombrables dénominations. Toutes sont évocatrices de ce que les usagers espèrent y puiser: amour, sensations physiques développées, sexualité débridée, surpuissance; des noms multiples pour une drogue qui est à cette image. Vendu à 50 $, ce comprimé blanc occupe, depuis la fin des années 80, une place sans cesse croissante sur le marché des substances illicites. Le développement de ces produits s’appuie sur des raisons économiques et sociales. La “pilule du bonheur” engendre une affection spontanée pour autrui; cependant, la dépendance est rapide et elle peut devenir, effectivement, périlleuse. Une surdose peut donner de l’hypertension, des spasmes et une transpiration abondante avec déshydratation. Offerte parfois dans des boîtes de nuit, cette drogue aurait causé la mort de plusieurs personnes.


Au centre de réhabilitation de Achkout, plusieurs
activités sont proposées afin d’aider les résidents
à retrouver un rythme de vie sain et équilibré.

QUE PRÉVOIT LA LOI LIBANAISE?
A ce sujet, nous avons interrogé Me Nayla Obeid, docteur en droit, professeur à l’Université Libanaise et à l’USEK et le Dr Philomène Nasr, également professeur à l’UL et à l’USEK, auteur d’une thèse traitant de la toxicomanie. La loi sur les stupéfiants a été modifiée par la loi nÞ44/88 du 27/6/1988, mais n’a rien apporté de nouveau sur le plan de l’usage. Toute personne droguée qui ne demande pas à être traitée, est passible de poursuites judiciaires et devra purger une peine de prison. Les usagers risquent les peines du délit, alors que les trafiquants trouvent leur peines considérablement aggravées. Pour la loi libanaise, l’usage des stupéfiants ne peut être toléré. Le toxicomane, considéré par les tribunaux libanais comme pénalement responsable, n’est pas un malade dont les facultés physiques et mentales interdisent le libre choix. Sa maladie est due à son acte délictuel. Par sévérité toujours, la loi exclut le bénéfice des circonstances atténuantes et condamne tout usager, même s’il n’est qu’à son premier essai. Aucune compréhension ni indulgence. Pour le législateur libanais, il ne s’agit pas d’un délit comme les autres. L’usage est un délit qu’il faut réprimer avec la plus grande rigueur. La loi fixe à un an d’emprisonnement (peine minimum), mais il serait possible de la réduire à six mois.
 

Par NADINA FAYAD COMAIR

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