MEMBRE DU “BLOC DE LA DÉCISION NATIONALE”

HUSSEIN YATIM:

“LA NOUVELLE LOI ÉLECTORALE, VOIE DE PASSAGE À LA RÉFORME POLITIQUE”


Député de Beyrouth, il se dit proche du chef du Législatif et s’honore de son amitié, sans prendre position envers les loyalistes et les opposants, tout en continuant à faire partie du “Bloc de la décision nationale” (haririen).
“S’ils ne se distinguent pas par le sens politique, dit-il, le loyalisme et l’opposition deviennent aveugle ou muette.”
En ce qui concerne le “Cabinet des 16”, il considère que le faux pas survenu dans la réforme administrative a eu pour conséquence de ternir l’image du gouvernement Hoss. D’ailleurs, il explique que le fait de ne lui avoir pas accordé la confiance, est dû à la façon dont la déclaration ministérielle a évoqué les réalisations du président Hariri.

M. Hussein Yatim estime que l’action d’Israël vise, principalement, à séparer les volets libanais et syrien scellés depuis la conférence de Madrid. “Aussi, l’Etat hébreu a-t-il tenté d’isoler Arnoun, afin de porter le Liban à engager des négociations en vue de l’application de la résolution 425 du Conseil de Sécurité, laquelle exige un retrait inconditionnel de “Tsahal” des portions de notre territoire que ses troupes occupent illégalement.”
De cette façon, ajoute-t-il, l’Etat hébreu croyait pouvoir imposer ses conditions au Liban, pareilles à celles qu’il a dictées à l’Egypte dans le cadre de l’accord de camp David; aux Palestiniens dans l’accord d’Oslo et à la Jordanie à Wadi Araba, après celles consignées auparavant dans l’accord du 17 mai.
Israël avait essayé, précédemment, de pousser le Liban à des pourparlers, en proposant des formules telles “Liban, d’abord” ou “Jezzine d’abord”, dans l’espoir de se débarrasser de la Résistance et d’obtenir des acquis au plan des eaux et de la normalisation.

• LE LOYALISME ET L’OPPOSITION
DOIVENT SE SIGNALER PAR LE SENS POLITIQUE


 
• JE SUIS FIER DE MON AMITIÉ
AVEC LE PRÉSIDENT BERRI


Mais les jeunes Libanais ont mis en échec les plans d’Israël, en enlevant la barrière en fils barbelés que l’ennemi israélien avait installée autour du village d’Arnoun.
Comment jugez-vous le fait pour le groupe de contrôle de la trêve issu de l’arrangement d’avril, de n’avoir pas réagi à l’isolement de ce village?
Israël planifiait l’annexion d’Arnoun et le groupe de contrôle, on le savait, était incapable de parvenir à un accord autour de cette affaire.
Tel-Aviv visait par là à engager un dialogue avec le Liban, ce que le gouvernement rejette, car il réalise la gravité de ce piège que lui tend de temps à autre notre voisin du Sud.
Puis, le gouvernement a conscience du fait que l’annexion d’Arnoun revêtait deux aspects: civil, relevant du groupe de contrôle de la trêve et politico-militaire dépassant l’attribution dudit groupe et dépendant du Conseil de Sécurité. Aussi, le Liban s’est-il adressé au comité de contrôle et se proposait-il de s’adresser au Conseil de Sécurité si Arnoun n’avait pas été libéré par les universitaires.
Qu’auriez-vous à dire à propos des polémiques entre fractions politiques? Et pourquoi Walid Joumblatt a-t-il renoncé à son dialogue avec le Pouvoir?
Ces polémiques ont excédé les normes, ceux qui y ont pris part s’étant fourvoyés dans des considérations personnelles et sectaires étriquées. Ceci a indisposé le peuple libanais qui s’est remémoré le discours en vogue durant les douloureux événements.
A mon avis, si notre loyalisme et notre opposition ne se distinguent pas par un sens politique sain et ne visent pas l’intérêt supérieur de la nation, ils deviennent aveugle ou muette. Seule la raison et non l’impulsivité peut être bénéfique. Il faut placer l’intérêt de la patrie au-dessus de toutes les considérations.
Si l’opposition est un moyen démocratique pour accéder au Pouvoir, que le gouvernement et les ministres soient l’objectif final, car le chef de l’Etat demeure l’arbitre et se maintient à égale distance de toutes les fractions politiques, quelle que soit leur position.
A la seconde partie de la question, je dirai ceci: M. Joumblatt a arrêté son dialogue avec le Pouvoir, parce qu’il s’est heurté à maintes vérités qui l’ont incité à revenir à son patrimoine national et familial. Il a réalisé que le président Lahoud a la fermeté d’un militaire courageux, nullement disposé à se soumettre aux menaces, comme l’avaient fait d’anciens présidents.
Puis, le peuple qui a accordé son appui total au président Lahoud, ne permettra à personne de mettre des bâtons dans les roues de ce régime qui bénéficie, comme on sait, du soutien total de la Syrie sœur.
Si nous prenons conscience des appréhensions de M. Joumblatt en ce qui concerne la réforme électorale, nous ne pouvons admettre qu’il soit porté atteinte au Général-Président, ni à l’institution militaire devenue le symbole d’espérance quant à la libération du territoire national. Nous souhaitons voir Walid bey se hisser au niveau de sa maison politique, en suivant l’exemple de son regretté père.
Où en êtes-vous, aujourd’hui, du “Bloc de la décision nationale” qui n’a pas accordé la confiance au “Cabinet des 16”, alors que vous avez été l’un des candidats du président Berri à Beyrouth?
Ma position reste la même aux côtés du Bloc de la décision nationale, celle du président Rafic Hariri dont je m’honore de faire partie. Je n’ai pas accordé la confiance au gouvernement Hoss, parce qu’il a tenu au sujet des réalisations de M. Hariri, des propos teintés d’injustice.
Tout en m’honorant, également, d’avoir été un candidat du président Berri à Beyrouth et de compter parmi ses amis, je me trouve dans la même situation que Mme Bahia Hariri qui fait partie du “Bloc de la libération et du changement” (de M. Berri) et se conforme à ses décisions.
Je profite de l’occasion pour vanter les réalisations accomplies par le président Hariri auquel le président Berri avait apporté son soutien.
On détecte une certaine prostration dans la rue beyrouthine; qu’en pensez-vous en tant que député de la capitale? Croyez-vous que cet état de choses affecte le chef du gouvernement qui est également beyrouthin?
Le terme prostration a été utilisé après la fin des douloureux événements et s’est appliqué à la fraction chrétienne, plus particulièrement aux maronites. C’est une terminologie factice ayant pour but d’attiser les sentiments sectaires et confessionnels.
Les chrétiens et les maronites n’ont à aucun moment pâti d’un tel sentiment de prostration. C’est, d’ailleurs, ce qu’ont confirmé les chefs spirituels et les “sages” des communautés chrétiennes.
Ce terme est utilisé en parlant des musulmans, en général et, plus particulièrement, des sunnites. Ceci est rejeté par les “sages” de notre communauté, parce que le terme ne s’applique nullement à la situation présente, ainsi que l’ont proclamé sans ambages cheikh Kabbani, mufti de la République, les présidents Hoss et Hariri.
Il va sans dire que le retrait du président Hariri du Pouvoir, de la manière dont il s’est produit, a suscité une surprise désagréable parmi les Libanais et les non-Libanais. Martin Indyck, sous-secrétaire d’Etat US, a dit qu’un trio marque l’ère politique actuellement au Liban; les présidents Emile Lahoud, Nabih Berri et Rafic Hariri.
Le retrait du président Hariri a suscité une déception au sein de l’opinion publique et il y a une différence entre la déception et la prostration.
En tout cas, nous souhaitons que le président Hoss parvienne à œuvrer dans l’intérêt de la patrie au triple plan local, régional et international. Nous espérons que cette déception à l’échelle populaire n’ait aucune répercussion négative sur le “Cabinet des 16” dont nous respectons le chef, de même que la volonté du régime et ses objectifs.

RÉFORME ET LOI ÉLECTORALE
Le gouvernement s’acquitte-t-il comme il se doit de son rôle ou bien les erreurs commises dans la réforme administrative ont-elles entravé son action, surtout à la suite de la forte opposition à laquelle il fait face?
Le Cabinet a trébuché au début de la réforme, bien qu’il se soit présenté comme le “gouvernement du changement et du sauvetage”. Et ce, par la faute de certains ministres qui ont fait des déclarations intempestives et se sont signalés par des attitudes peu sages et réalistes. Ceci les a fait tomber dans des erreurs dues à leur manque d’expérience dans la manière d’assumer la responsabilité officielle.
Puis, la mise de fonctionnaires à la disposition de la présidence du Conseil et la nomination d’autres semblent avoir été opérées selon le principe du partage, c’est ce que rejettent autant le chef de l’Etat que les citoyens. Le président Hoss lui-même a reconnu ces erreurs et s’est engagé à les réparer.
Comment concevez-vous la réforme électorale, en prévision des prochaines législatives qui pourraient avoir lieu prématurément?
La nouvelle loi électorale doit être une grande voie de passage à la réforme politique, c’est pourquoi elle doit être juste et équilibrée, de manière à assurer une meilleure représentation nationale au niveau des communautés et des citoyens.
Certains préconisent l’adoption de la petite circonscription qui, à mon sens, consacre le sectarisme dans une patrie comme la nôtre. J’estime que la grande circonscription au niveau de la patrie permet d’édifier un Etat moderne.
Quoi qu’il en soit, il importe d’établir un dialogue intensif entre les partis et les institutions de la société civile, pour dégager une formule acceptable par toutes les parties, une loi électorale équilibrée, juste et foncièrement nationale.

•  JE N’AI PAS ACCORDÉ LA
CONFIANCE  AU CABINET
POUR AVOIR MAL JUGÉ
LES RÉALISATIONS DE HARIRI


 
• LA RUE BEYROUTHINE
EST DÉÇUE  ET NON PROSTRÉE


POUR L’OUVERTURE DE TOUS LES DOSSIERS
Qu’auriez-vous à dire à propos de l’ouverture du dossier des résidus pétroliers ayant entraîné l’arrestation de l’ancien ministre du Pétrole et plusieurs hauts fonctionnaires?
Cela ne paraît pas étrange sous ce régime qui s’est prononcé en faveur de l’Etat de droit et des institutions, le président Lahoud s’étant placé lui-même sous la loi. Mais ce qui l’est, c’est que l’opération a produit un choc au Liban, car c’est la première fois que le Pouvoir politique prend l’initiative d’ouvrir des dossiers aussi chauds, provoquant l’arrestation par le Parquet d’un ancien ministre et de hauts fonctionnaires, sous l’inculpation de crimes qu’ils auraient commis.
Un tel choc a compensé les erreurs perpétrées dans la réforme administrative et redonné espoir aux gens quant à l’édification de l’Etat de la loi et des institutions, effectivement et non en parole.
Le peuple souhaite l’ouverture des autres dossiers de la corruption qui a défiguré le visage de l’Etat et dilapidé les fonds publics aux dépens des citoyens et de leur bien-être.
Que pensez-vous de l’arrestation d’Abdallah Ocalan, chef du PKK?
A l’instar de Che Guevara ou d’autres chefs révolutionnaires de l’Histoire ayant lutté pour la libération de la terre et des peuples, Ocalan incarne la cause kurde: son territoire, sa culture, sa langue et son peuple.
Après une longue lutte, il est du droit des Kurdes d’avoir une patrie et une culture. Il est intolérable que des Etats agissent au détriment de la cause kurde, comme ce fut le cas pour la cause arménienne. La lutte ne doit pas être considérée comme du terrorisme. En arrêtant Ocalan, la Turquie n’a pas pu annihiler la cause kurde qui a pris de l’ampleur au point d’atteindre toutes les consciences. L’alliance turco-israélo-américano-grecque qui combat cette cause, est une sorte de terrorisme international.
En tant que membre de la commission parlementaire de l’Education, que pensez-vous des nouveaux programmes pédagogiques?
Elaborés en fonction des impératifs du siècle, ils s’avèrent inapplicables, d’autant que le corps enseignant, à qui incombe la tâche de les concrétiser, n’a pas été recyclé à cette fin.
Contrairement à ce que prétendait le précédent Cabinet, il ne s’agit pas d’un exploit et ces programmes devraient être remaniés de façon à les rendre plus accessibles, tant aux élèves qu’aux instituteurs.
Comment évaluez-vous l’action du nouveau ministre de l’Education, en ce qui concerne l’application de la clause de l’accord de Taëf relative à la gratuité de l’enseignement dans le cycle primaire?
M. Beydoun est un politicien qualifié et un grand pédagogue, puisqu’il préside l’Association “Al-Amiliyah” dont je fais partie en tant qu’éducateur. Il est donc à la hauteur des charges qui lui incombent.
Cependant et suite à la politique d’austérité instaurée par le Pouvoir, les prévisions budgétaires du ministère de l’Education ont été réduites dans une proportion de trente pour cent. Ceci étant, comment est-il possible de réactiver l’enseignement dans ses différents secteurs, construire de nouvelles écoles et recycler les enseignants?
La loi instituant la gratuité de l’enseignement obligatoire dans le cycle primaire ne saurait être appliquée, puisque les écoles officielles sont incapables d’admettre des élèves qui ne peuvent payer leurs scolarités dans les écoles privées. Ainsi, ces projets dont on parle ne sont que de la pure propagande. 


Propos recueillis par
HALA HUSSEINI

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