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L’ONU EST MORTE? VIVE L’OTAN! | ||
Le plus remarquable dans cette réunion de Washington pour le cinquantenaire de l’OTAN, c’est la tentative de la diplomatie américaine d’officialiser et de faire approuver, contractuellement, par ses partenaires sa volonté de marginaliser définitivement l’ONU. On sait que le Traité de l’Atlantique Nord institue une organisation de défense collective. Il s’agissait, alors, de se protéger contre une éventuelle agression du Bloc soviétique. Depuis la dislocation de ce bloc, l’OTAN est devenue sans objet. L’Amérique cherche à lui en fixer un conforme aux données de la situation présente en Europe. Elle propose d’adopter le principe d’une sorte de droit d’ingérence, sans passer par une autorisation du Conseil de Sécurité. Pour M. Clinton, il s’agit clairement de faire de l’OTAN le gardien de la paix internationale en lieu et place de l’Organisation des Nations Unies. Un texte avait été préparé pour amender le traité dans ce sens. Il a été adopté. La diplomatie française a réussi à faire ajouter une clause pour rappeler que le Conseil de Sécurité est le gardien de la paix. Le texte de l’amendement français tel que transmis par les dépêches est assez vague pour laisser une très grande marge d’interprétation. Il n’y est pas dit, formellement, que toute intervention pour le maintien de la paix doit être autorisée par le Conseil de Sécurité; mais seulement que celui-ci est le gardien de la paix. Ce n’est qu’un rappel de pure forme que M. Chirac qualifie de “victoire diplomatique”. Il s’agirait, dit-on, d’un compromis. Jusqu’à quel point cela suffira-t-il à sauver l’ONU? C’est ce qu’il reste à évaluer. En attendant, on bombarde... En Irak, déjà, l’action militaire américano-britannique est considérée comme dépassant le mandat donné par l’ONU à une coalition de puissances, désormais, dissoute. En Yougoslavie, l’intervention de l’OTAN se poursuit sans aucun mandat du Conseil de Sécurité. S’agissant d’Israël et de ses voisins, les vetos américains ont, depuis de nombreuses années, paralysé les Nations Unies. Et si dans ce Proche-Orient, l’OTAN en tant que tel n’est pas en scène, les Etats-Unis seuls se sont réservés l’exclusivité d’un “processus de paix” toujours en panne. La suprématie militaire de l’Amérique au sein de l’OTAN, a rendu vaines les gesticulations de l’Europe en faveur d’une politique équilibrée de paix arabo-israélienne, aussi bien que d’une diplomatie efficace dans les Balkans. M. Milosevic, qui annonçait que le Kosovo sera le tombeau de l’OTAN, devrait se demander maintenant si, dans cette tragédie, ce n’est pas l’ONU qu’on est en train d’enterrer. Mais ce n’est pas son souci. *** La relation de l’Amérique avec la recherche des conditions d’une
paix internationale a toujours fait problème.
*** On ne saurait prétendre être exhaustif dans ce cadre limité.
En indiquant quelques axes de réflexion, on veut seulement souligner
ce qui semble être un tournant de l’Histoire. Un tournant extrêmement
dangereux: celui de l’abandon d’une politique fondée sur une éthique
des relations internationales qui s’est avérée finalement
hypocrite ou irréaliste, pour en arriver à l’organisation
de ces mêmes relations sur la base d’une volonté cynique de
puissance parfaitement aventureuse.
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