YOUGOSLAVIE V/S OTAN

LE CONFLIT ENTRE DANS SA 5ÈME SEMAINE


LE POINT
A la 26ème nuit de frappe, les bombardements de l’OTAN n’accordent pas de répit aux Yougoslaves.

L’alliance entend poursuivre sa stratégie aérienne. Et l’exode des Albanais du Kosovo se poursuit: plus de 30.000 Kosovars ont rejoint l’Albanie le dernier week-end. Ils auraient atteint depuis le conflit, le nombre de 900.000. L’inquiétude s’empare, de plus en plus, des organisations sanitaires et du HCR (Haut Commissariat de l’ONU pour les Réfugiés). Tout au long de ces dernières journées et rien n’indique que cela devrait changer bientôt, des dizaines de milliers d’Albanais ont quitté le Kosovo pour rejoindre l’Albanie et la Macédoine - mais le flot s’est brusquement interrompu dans la nuit. Officiellement, la Yougoslavie n’a pas fermé ses frontières; toutefois, il semble que les Serbes empêchent les bus et les trains de franchir la frontière. “Nous sommes très préoccupés. Nous n’exerçons aucune influence dans la partie serbe de la frontière”, a déclaré le porte-parole du HCR.
Or, les derniers chiffres fournis par celui-ci, depuis  le début des frappes le 24 mars, plus de 600.000 Kosovars ont quitté la province. La plupart se trouvent en Albanie, environ 400.000. Mais, aussi, la Macédoine en a accueilli plusieurs dizaines de milliers, plus de 150.000. C’est énorme pour un petit pays. Cet afflux de réfugiés inquiète de plus en plus les Macédoniens. A Skopje, l’envoyé spécial de la CNN relate que pour une bonne majorité de Macédoniens, la limite du tolérable est dépassée! “L’arrivée de ce nombre élevé de réfugiés dans un pays de 2.000.000 d’habitants, va compromettre les rapports communautaires”, prédit un étudiant, pris au hasard. “Nous risquons l’implosion à notre tour, renchérit un autre habitant, d’âge mûr. Car si la guerre en Yougoslavie n’a pas encore créé de fractures politiques, ici, entre Slaves-macédoniens et Albanais, un long conflit ou de nouvelles brutalités contre des Albanais, à l’instar de l’horreur du camp de Blace risquent de miner ce fragile équilibre. “Mais, les autorités de Skopje refusent d’ouvrir de nouveaux camps car, “le HCR et l’OTAN n’ont pas évacué assez de réfugiés en Europe”, affirme dans la presse locale le ministre de la Défense. En visite à Skopje, son homologue français, Alain Richard, s’est voulu rassurant. “Il faut tenir compte du besoin de stabilité de la Macédoine, menacée, potentiellement, par les Yougoslaves et par des mouvements de guérillas, a-t-il dit en substance; mais faut-il aussi traiter humainement les réfugiés”.
Ceux-ci pourraient être redéployés dans la région - par exemple vers l’Albanie et ainsi alléger la pression sur la Macédoine, pièce-clé du dispositif des Occidentaux qu’il s’agit visiblement de ménager. Ceci, d’une part. De l’autre, sur le plan militaire, l’OTAN poursuit son action: “Nous poursuivons la même stratégie: celle d’une campagne aérienne tous azimuts”. Propos tenus par le secrétaire de l’Alliance atlantique, Javier  Solana.
 

La résidence de Milosevic 
détruite par un raid de l’OTAN.

Le métropolite D. Mitrophan conduisant
une marche de protestation serbe face
à la Maison-Blanche.

Pas question donc pour le moment d’engager une action terrestre. Les bombardements se poursuivent et après trente nuits de frappes, l’OTAN peut affirmer avoir réduit à néant les défenses antiaériennes yougoslaves. La semaine dernière, les initiatives diplomatiques s’étaient multipliées. L’ONU, l’Allemagne, les Etats-Unis, la France chacun a évoqué les différentes façons de trouver une issue à la crise. Mais cette dynamique semble être retombée: Slobodan Milosevic reste toujours intransigeant. Il rejette en bloc toutes les propositions occidentales. A noter les propos de Boris Eltsine qui affirme que Moscou ne permettra pas à l’OTAN de transformer la Yougoslavie en protectorat! Quant à Washington, il n’est pas  question de remettre en cause l’opération “Force alliée”. Toutefois, tous les choix de l’Alliance atlantique ne font pas l’unanimité. De plus en plus, des voix discordantes se font entendre.

A chaque jour de bombardement, les Etats-Unis s’interrogent non seulement sur la finalité mais, aussi, sur la genèse de ces bombardements. Le N.Y. Times, suivi du Washington Post ont réalisé une enquête-fleuve sur les mois qui ont précédé le déclenchement de cette crise. Ce qui n’est certainement pas une coïncidence, mais le reflet de certains états d’âme des acteurs. On y décrit un processus de décision tâtonnant entravé par des facteurs extérieurs: 1998 a été une année électorale et le président a été accaparé jusqu’en 1999 par l’impeachment, pendant plusieurs mois, l’affaire du Kosovo étant reléguée à l’arrière-plan des préoccupations nationales. Aujourd’hui, elle est omniprésente et les sondages prouvant que l’opinion publique est prête à toutes les éventualités, à condition que cela conduise à la sortie. Une sortie que nul n’entrevoit aujourd’hui, le président Clinton continuant à exclure l’utilisation des forces terrestres, trop sensibles et devant solliciter les prochains jours au Congrès le financement des opérations. Ses adversaires républicains eux-mêmes se trouvent dans la plus grande confusion, sur la suite à donner à la campagne!
Et l’ONU continue à figurer parmi les abonnés absents!

DILEMME ET CACOPHONIE

Jacques Chirac s’est bien gardé d’évoquer l’envoi éventuel de troupes au sol, au Kosovo, en s’adressant à la presse jeudi soir. Il n’a fait aucune allusion à une intervention terrestre et le lendemain, l’Elysée a confirmé qu’il fallait mener jusqu’à son terme, la stratégie de l’OTAN - à savoir l’option aérienne. Du reste, il avait précisé la veille que les frappes allaient s’intensifier. Tout le monde ne semble pas de son avis. Tony Blair, pour sa part, indiquait, quelques heures avant, que seule une intervention terrestre serait décisive, même Javier Solana, secrétaire de l’Alliance, n’exclut pas cette hypothèse. Dans le Washington Post, il affirme avoir invité le commandement allié à réviser ses plans”. Il faut montrer à Belgrade que toutes les options sont sur la table.”


Le président Jacques Chirac.

La question, en tout cas, était au centre des discussions du sommet de l’Alliance durant le week-end à Washington. Toujours est-il que le président Clinton demeure très prudent sur la question: “L’envoi de militaires sur le terrain ne s’improvise pas. Plusieurs options se cachent derrière le vocable option terrestre.” Le terme générique d’option peut recouvrir beaucoup de choses, jusqu’à une reconquête pied à pied du terrain; il y a, aussi, un moyen terme qui est la création d’un corridor humanitaire sur une portion limitée du terrain. Pour l’instant, seule la première option est envisagée par les Etats Unis et les autres ne se posent pas. Pourquoi? Eh bien! parce que l’on a beaucoup reproché à Bill Clinton d’avoir fixé d’emblée “jusqu’où il n’irait pas”. Parce que dans un conflit, il faut être prêt à toutes les éventualités et il est normal d’en étudier la faisabilité, ce que réclame, d’ailleurs, une partie du Congrès.
Pour l’instant, on sait qu’il faudrait des semaines, voire des mois, pour constituer et rendre opérationnelle une force terrestre offensive. Il suffit de réaliser quels efforts de décision et de logistique a nécessité le déploiement des hélicoptères du type “Apache”. Et à la veille du sommet de l’OTAN, il est tout à fait normal que les Etats-Unis soient prêts à discuter entre autres l’opportunité d’utiliser des troupes terrestres.
Pour l’heure, les Alliés se contentent des bombardements. Ainsi, la nuit du jeudi, la résidence du Premier yougoslave a été détruite. Slobodan Milosevic ne s’y trouvait pas - mais c’est une cible hautement symbolique: des murs entiers ont été réduits en ruine et la TV serbe a montré les images du bâtiment, une grande villa sur les hauteurs de Belgrade datant des années 30 qui avait été auparavant la résidence du maréchal Josip Tito. Ce bombardement est survenu quelques heures avant l’arrivée à Belgrade de Victor Tchernomyrdine, représentant spécial du président russe, pour la Yougoslavie. “Nous sommes venus, a-t-il affirmé, avec des propositions spécifiques pour arrêter cette stratégie.” Il a rencontré tout de suite, après son arrivée, Slobodan Milosevic et il s’est fait l’écho d’un rapport distribué à la presse par le ministère des Affaires étrangères yougoslave: un bilan depuis le début des frappes de l’OTAN, 500 civils auraient été tués, selon Belgrade.
 
 
LES ALLIÉS À LA RECHERCHE DE NOUVELLES TACTIQUES

Pour faire plier les genoux à Belgrade, à part l’intensification de la campagne médiatique et la possibilité d’un embargo pétrolier, l’Alliance est fièvreusement à la recherche de nouvelles tactiques dans le système des bombardements. Ainsi accentuer ceux-ci dans les prochaines semaines en particulier au Kosovo, qui est à l’origine des expulsions! Sinon, envisager la levée du tabou sur l’intervention directe de troupes, ce qui nécessiterait du temps - malgré les scénarios prévus - de l’argent et 200.000 hommes. Cette option est basée sur la certitude que les Serbes, face à une offensive terrestre fuiraient, mourir pour le Kosovo ne leur souriant guère!

Pour finir, ironie du sort, c’est le 23 que l’OTAN célèbre son jubilé avec pour toile de fond, le conflit balkanique. C’eût été l’occasion de se réjouir mutuellement, d’avoir gagné la guerre froide et d’avoir étendu l’OTAN aux pays de l’Est. Mais l’affaire du Kosovo met un bémol aux réjouissances!
Et pendant qu’à Belgrade le patriarche Alexis de toutes les Russies exhorte les Serbes à la prière, ceux-ci s’adressent à un ciel qui leur tombe sur la tête, pendant que M. Slobodan Milosevic, leur président, nargue l’opinion internationale en présentant des propositions de solution, “les énièmes” du genre, genre où il est particulièrement habile à en fabriquer pour gagner du temps... mais   pas la guerre malheureusement pour son peuple! 


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