SAMI KHATIB:
“LE CABINET AURAIT DÛ ÊTRE PLUS
FORT POUR FAIRE FACE À SES DÉTRACTEURS”
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Président
de la commission parlementaire de la Défense, M. Sami Khatib réaffirme
la concomitance des volets libanais et syrien au niveau du processus de
paix et réfute l’opinion de ceux qui considèrent le groupe
de contrôle de la trêve (issu de l’arrangement d’avril 96)
comme une instance appelée à supplanter le Conseil de Sécurité.
En ce qui concerne le “Cabinet des 16”, le député de la Békaa-ouest juge “qu’il aurait gagné à être plus fort, pour pouvoir faire face aux cabales de ses détracteurs. Aussi, prévoit-il un remaniement ministériel en automne prochain. Quant à la réforme administrative qui a subi un coup d’arrêt, il estime qu’elle aurait dû être entreprise sur la base d’un plan préétabli. |
AUTOUR DU COMMUNIQUÉ
DU “GROUPE DE CONTRÔLE”...
Invité à émettre son avis à propos du communiqué
diffusé, dernièrement, par le groupe de contrôle de
la trêve (issu de l’arrangement d’avril 96), le général
Khatib ne manque pas d’en critiquer les termes, surtout s’il vise à
favoriser des pourparlers directs entre Libanais et Israéliens à
l’effet de neutraliser la Résistance nationale au Liban-Sud.
“La Résistance, dit-il, est ce que cette nation a engendré
de plus noble. C’est pourquoi, nous ne tolérons aucune critique,
ni aucun grief qui serait formulé à son encontre. Puis, nous
ne pouvons admettre la séparation des volets libanais et syrien,
même si l’arrangement d’avril devait être compromis, car l’unité
du destin nous unit avec la Syrie sœur.
“Nous savons qu’Israël a utilisé jusqu’ici le Sud comme
une carte électorale, aux fins de servir ses desseins stratégiques.
Les analystes établissent un rapport entre les élections
israéliennes et la ré-occupation d’Arnoun par “Tsahal”. Qu’en
pensez-vous?
Le retour des Israéliens à ce village a pour but de rendre
la balle aux Libanais qui l’avaient libéré quelques semaines
plus tôt. Puis, l’Etat hébreu veut nous adresser un message
à travers Arnoun et d’autres localités sudistes occupées,
à savoir: qu’il ne procèdera pas à un retrait unilatéral
et tient toujours à des arrangements de sécurité comme
prix de son évacuation des portions de notre territoire que ses
troupes occupent illégalement.
Cela dit, j’estime que le groupe de contrôle de la trêve
et le secrétaire général des Nations Unies devraient
œuvrer afin de rétablir le statu quo dans la zone frontalière,
car un changement s’est produit au niveau d’Arnoun qui n’est nullement
inclu dans le cordon frontalier.
La présence des forces israéliennes dans cette agglomération,
constitue une violation flagrante de l’arrangement d’avril 96. Nous insistons
donc pour qu’Arnoun soit placé de nouveau sous la souveraineté
libanaise.
Enfin, Israël a investi ce village dans un double but: relever
le moral de sa population et accroître les chances de succès
de Netanyahu aux élections de mai prochain. Nous n’acceptons pas
d’être une urne, ni des slogans dont tirerait profit telle partie
ou telle autre en Israël. Tous sont nos ennemis et leur élection
ne nous concerne ni de près ni de loin, car n’importe lequel des
candidats en lice qui accèderait au pouvoir, serait identique à
ses concurrents.
... ET DE SON RÔLE
Comment évaluez-vous l’action du groupe de contrôle
de la trêve?
Il ne s’agit pas d’une autorité exécutive, mais d’un
organisme représentant de grandes puissances capables, s’ils le
voulaient, d’exercer des pressions sur l’Etat hébreu pour l’amener
à souscrire à ses décisions et, partant, assurer la
sécurité de part et d’autre de la frontière séparant
le Liban de la Palestine occupée.
Le groupe de contrôle observe la situation sur le terrain et
adresse des rapports destinés aux gouvernements dont ses membres
portent la nationalité et aux Nations Unies. Sur base de ces rapports,
la communauté internationale peut prendre des initiatives de nature
à condamner la partie qui viole la trêve.
Le groupe joue donc, en principe, le rôle de soupape de sécurité
que l’ONU utilise pour empêcher Israël d’étendre la zone
de son occupation et arrêter ses agressions contre le Liban et sa
population civile.
Le groupe de contrôle ne doit donc pas supplanter le Conseil
de Sécurité, ce dernier restant l’instance de recours, apte
à prendre les résolutions, pareilles à celles qui
sont appliquées au Kosovo et, avant lui, en Irak.
Revenons au plan interne: bien des critiques sont adressées
au gouvernement Hoss pour sa mauvaise gestion de la chose publique; les
approuvez-vous?
Ce Cabinet est injustement critiqué. On ne peut lui faire supporter
toutes les erreurs des précédents gouvernements. Il compte
d’excellents éléments, mais il lui manque le poids politique,
au niveau du pays, dans tous les secteurs et les domaines.
PAS DE REMANIEMENT MINISTÉRIEL
DANS L’IMMÉDIAT
L’équipe gouvernementale serait-elle élargie?
Justement, elle devrait être plus représentative, spécialement
à la base, du point de vue de la représentation au niveau
populaire, car la succession de Rafic Hariri au pouvoir n’est pas aisée.
Etant donné qu’il existe, aujourd’hui, à la tête du
gouvernement, une personne parmi les plus nobles, connue pour son patriotisme,
sa probité et sa spécialisation. Cependant, le président
Hoss a besoin d’être mieux soutenu, politiquement. Ainsi, il détient
un important portefeuille en plus de la présidence du Conseil -
celui des Affaires étrangères - et il ne lui est pas possible
de se consacrer entièrement à ses deux charges officielles,
l’une étant plus lourde que l’autre.
Certaines rumeurs laissent prévoir un éventuel élargissement
du Cabinet dans un temps prévisible que vous situez même à
l’automne...
Ces rumeurs persistent, mais je pense qu’il n’est pas dans l’intérêt
du Cabinet, ni du régime qu’un remaniement ministériel soit
effectué dans l’immédiat.
Pourquoi?
Cela serait une reconnaissance de l’erreur à avoir formé
le gouvernement dans sa forme actuelle. Le remaniement ministériel
serait plus indiqué en automne, comme je le prédis.
Il se peut, aussi, que le Premier ministre démissionne et soit
chargé de mettre sur pied un nouveau gouvernement. J’ignore quelles
sont, actuellement, les orientations et j’exprime, à ce sujet, mon
opinion personnelle. Quoi qu’il en soit, le changement ministériel
ne se pose pas pour le moment, ainsi que me l’ont confié les présidents
Lahoud et Hoss.
RÉFORME ADMINISTRATIVE
On dit que le ministre Georges Corm ne retournerait pas aux Finances.
Quel est votre avis?
Le Dr Corm est une instance économique et financière
importante. Le portefeuille des Finances qui lui a été attribué
est une tâche difficile. D’autant que le règlement de la situation
financière et la réduction de l’endettement de l’Etat sont
des questions fondamentales, liées à la vie économique
qui souffre d’un marasme. Ni M. Corm, ni le président Hoss, ne sont
responsables de cette situation due à la guerre. Chaque responsable
est concerné par le gonflement de la dette publique, selon la période
de son mandat.
On constate un ralentissement du processus de la réforme
administrative. Comment expliquez-vous cela et que pensez-vous des dossiers
administratifs?
Le gouvernement a agi, précipitamment, dans le domaine de la
réforme. Mais nous approuvons l’ouverture de tous les dossiers et
le châtiment des coupables. La réforme administrative est
une opération continue et doit être entreprise selon un plan
global, afin d’éviter les erreurs.
POLITIQUE FISCALE ÉQUITABLE
Jugez-vous adéquate la politique fiscale à laquelle
certains s’opposent?
Je préconise l’adoption d’une politique fiscale globale et durable,
élaborée par des experts en la matière. La justice
sociale ne peut être appliquée qu’à travers cette politique.
Aussi, faut-il prendre en considération l’impact social de ces mesures.
J’admets l’imposition de taxes sur les produits de luxe qui concernent
la classe aisée, tout en désapprouvant la CGTL, en ce qui
concerne la question de l’essence. La restitution des fonds du Trésor
est un droit et un devoir de l’Etat. Mais cela n’est pas suffisant pour
réactiver l’économie. Il existe d’autres sources de recettes
pour le Trésor, tels le cellulaire, les propriétés
maritimes, l’impôt sur le revenu et d’autres encore.
Le ministre de l’Intérieur parle de la décentralisation
et du découpage administratifs. Comment concevez-vous la loi électorale
et le découpage administratif?
A partir de constantes, on peut dire que la loi électorale peut
assurer deux fonctions essentielles: une fonction sociale et une autre
de représentativité politique. L’important est, à
travers la loi électorale, de former un bon citoyen et de consacrer
l’appartenance nationale. Cela se fait, lorsque l’électeur n’élit
pas sur une base confessionnelle ou communautaire.
La deuxième fonction de la loi électorale consiste en
la représentativité du député, de sorte que
les électeurs connaissent les candidats. Ces derniers se présentant
sur base de leurs personnes et non de leurs programmes, puisqu’il n’y a
pas au Liban une vie partisane à haut niveau. A titre d’exemple,
des électeurs au Hermel ont élu des députés
de la Békaa-ouest sans les connaître.
POUR LA PETITE CIRCONSCRIPTION
Cela veut-il dire que vous êtes favorable à l’adoption
du caza en tant que circonscription électorale?
Oui, à condition d’assurer l’intégration nationale. Cependant,
nous pourrions rencontrer des difficultés dans certains mohafazats,
puisqu’il y a des cazas homogènes ce qui favorise les extrémismes.