![]() Le pont de Novi Sad sur le Danube bombardé. |
![]() Cliché d’un F16C américain, pris de nuit, lors d’une opération de remplissage de carburant en plein vol.
|
La TV serbe a néanmoins poursuivi ses programmes. On sait qu’elle
avait conclu un accord avec cinq chaînes privées qui diffuseront
ses bulletins d’information. Le vice-premier ministre Vuc Draskovic avait
affirmé que c’est l’armée qui a ordonné aux cinq chaînes
de relayer les “journaux” de la télévision nationale - ordre
qu’il a entériné. Puis, mauvais point pour l’image de marque
de l’OTAN: un hélicoptère “apache” l’un de ces fameux tueurs
de chars”, s’est écrasé au cours d’une mission d’entraînement
non loin de Tirana. Les deux pilotes sont sains et saufs, mais il n’y a
rien à récupérer de l’appareil. Vingt-trois hélicoptères
“apaches” sont arrivés en Albanie, mais ne sont pas encore entrés
en service.
Le Kosovo est presque totalement vidé de sa population: les
derniers réfugiés ont bien du mal à atteindre la frontière.
Selon le HCR, 30.000 Kosovars se dirigeraient vers la Macédoine,
actuellement.
Dans le nord de l’Albanie, un camp de réfugiés kosovars,
verrait un transfert progressif vers le sud du pays. Malgré l’autorisation
finalement accordée aux réfugiés de Kukes, de quitter
le nord à bord de leurs tracteurs, au moins pour ceux en bon état,
pour convaincre ceux encore réticents à s’éloigner
de la frontière et à enterrer en même temps l’espoir
de revenir au Kosovo, le HCR propose des visites d’évaluation: concrètement
des délégations de Kosovars s’envoleront en hélicoptères
de Kukes vers des camps situés plus au sud: Objectif du point de
vue HCR: que les réfugiés en apprécient le confort
et la sécurité et retournent en convaincre leurs compagnons
d’infortune. Pour le HCR, il y a désormais urgence: une course contre
la montre s’engage vis-à-vis des autorités albanaises bien
décidées, elles aussi, à désengorger le nord
du pays et dont les méthodes pourraient s’avérer moins diplomatiques!
Le comité international de la Croix-Rouge va peut-être
pouvoir enfin entrer au Kosovo. le président du C.I.C.R. a rencontré
Slobodan Milosevic et obtenu l’autorisation d’intervenir sur tout le territoire
yougoslave, y compris le Kosovo, pour aider les réfugiés
et les personnes déplacées. Sur la même place, nombre
de celles-ci, arrivées en Albanie, ont accusé les forces
serbes d’avoir massacré 200 villageois dans la région de
Djakovica.
![]() Les ministres des A.E. grec, Georgious Papandriou, canadien Lloyd Axworthy et russe Igor Ivanov pressant la main de Koffi Annan à la suite de leur rencontre à Moscou. |
![]() Les débris d’un des deux F16 tombés, dimanche, 120 Km à l’ouest de Belgrade. |
CRAQUEMENTS PARMI LES ANCIENS ALLIÉS
DE MOSCOU ET... MÊME EN YOUGOSLAVIE
Pendant que l’OTAN poursuit son matraquage aérien systématique
semant la mort, la fuite, la famine et la destruction, compte tenu de sa
nouvelle bavure à Surdulica qui a tué vingt civils, pour
forcer Milosevic à jeter l’éponge - et que les rescapés
traquent chiens et chats dans les ruines pour s’en nourrir alors que l’exode
s’accentue - on discerne dans les pays environnants des atermoiements de
plus en plus fréquents, voire en Hongrie voisine, au Monténégro,
en Macédoine jusqu’au cœur même de la Yougoslavie, à
Belgrade.
La Hongrie, elle, est partagée entre sa loyauté à
l’OTAN et son intérêt à ménager son ancienne
appartenance au Pacte de Varsovie. Elle craint le piège de la déchirure.
Le blocage par Budapest pendant trois jours d’un convoi d’aide humanitaire
russe et biélorusse destiné à la Yougoslavie, avait
déjà indisposé Moscou: il lui faut redoubler de prudence.
A cela s’ajoutent des craintes sur la minorité de souche hongroise,
vivant dans la province serbe de Voïvodine, 350.000, pratiquement
“otages” de Slobodan Milosevic.
Pas question non plus de laisser décoller des avions dans le
but de bombarder l’ennemi: la base de Taszar, administrée par l’OTAN,
à une centaine de kms de la frontière yougoslave, ne joue
qu’un rôle logistique. Car à trop se montrer, l’alliée
de l’OTAN, Budapest ne risque-t-elle pas ultérieurement une “revanche”
russe? Quand les troupes de l’Alliance auront quitté la région
et que les Hongrois resteront voisins de la Yougoslavie, qu’en sera-t-il
de leurs relations bilatérales?
D’autre part, le Monténégro va-t-il s’embraser à
son tour? Afin de reprendre en main cette petite république de 700.000
habitants dirigée par des réformateurs hostiles à
Milosevic et pro-occidentaux, l’armée yougoslave a intensifié
ses pressions et même ses tentatives de déstabilisation. Les
militaires ont, également, exigé la subordination de la police
monténégrine, mais le ministre de l’Intérieur monténégrin
aurait refusé d’obtempérer, comme aussi à l’intention
yougoslave d’instaurer des tribunaux militaires, pendant que le président
Djukanovic dénonce aussi une mobilisation forcée de jeunes
Monténégrins dans l’armée fédérale.
La tension, selon la rumeur qui court, est à son comble, car le
pouvoir soupçonne l’armée yougoslave de vouloir entraîner
la petite république dans la guerre, ou alors dans la diversion
d’une guerre civile!
A Belgrade, alors, le vice-premier ministre Vuc Draskovic s’est démarqué
d’une façon spectaculaire de la politique officielle du régime
de Slobodan Milosevic. “La vérité c’est que nous sommes seuls,
a-t-il souligné. L’OTAN est loin de s’effondrer, la Russie n’aidera
pas militairement la Yougoslavie et l’opinion internationale est liguée
contre nous!” Cette prise de position met, pour la première fois
en plein jour, une indéniable cassure au sein de la coalition au
pouvoir. Non seulement, mais M. Draskovic s’est prononcé pour le
déploiement d’une force de l’ONU au Kosovo, option jusqu’à
présent refusée par Milosevic.
|
DE LA LIBÉRATION DES TROIS MILITAIRES
AMÉRICAINS, AUX TRACTATIONS,
AUX ANTICIPATIONS, AUTRES ÉCHECS ET
ESPOIRS!
Les trois
soldats américains capturés il y a un mois ont été
libérés.
Le président Milosevic a tenu parole. Cette libération
a été obtenue par le pasteur américain Jackson. Ils
ont franchi la frontière croate à pied, en se tenant par
la main. Après avoir rejoint Zagreb, ils se sont envolés
pour une base américaine en Allemagne.
Cette libération a été accueillie avec un grand
soulagement par les familles des soldats.
Il paraît que le pasteur Jackson serait porteur d’une proposition
de paix du président Milosevic sous forme de lettre au président
Clinton, comportant quatre thèmes: le retour des réfugiés
kosovars, le déploiement d’une force internationale du maintien
de la paix au Kosovo, la fin des violences de toutes les parties et un
règlement politique négocié pour la province serbe.
De son côté, une délégation du congrès
américain a annoncé avoir négocié les conditions
du règlement du conflit avec une équipe de députés
russes et un conseiller de Milosevic.
![]() Le pasteur Jesse Jackson entourant de ses bras les trois GI’s libérés.
|
![]() Le sergent Christopher Stone appelant sa famille d’un portable. |
La situation humanitaire est toujours aussi préoccupante. “Médecins
sans frontières” a rendu public, aujourd’hui son rapport sur l’audition
de centaines de réfugiés; rapport accablant et pour le moins
très explicite: “Histoire d’une déportation”, qui souligne
le caractère systématique des déportations de Kosovars.
L’arrivée des réfugiés a repris dans le nord -
est de l’Albanie où plus de 13.000 nouveaux réfugiés
ont traversé le poste de Morina au cours des dernières vingt-quatre
heures. Les réfugiés sont arrivés à bord de
plusieurs milliers de véhicules, des tracteurs qui ont des remorques
bâchées de plastique transportent des paysans, des voitures
ployant sous le poids des bagages bondés de familles citadines.
Selon le HCR, la principale ville du Kosovo est en train d’être vidée
de ses habitants par les Serbes.
La rencontre du Premier ministre français,
Lionel Jospin et du président
macédonien Kiko Gligorov.
Le Premier ministre français est arrivé à Tirana,
la capitale albanaise. Au cours de sa visite de deux jours, comprenant
la Macédoine, le chef du gouvernement français a eu des entretiens
avec les dirigeants des deux pays et visité les camps de réfugiés
et rencontré les forces militaires françaises sur place.
Lionel Jospin s’est rendu au siège du gouvernement macédonien
pour signer un protocole d’aide urgente: une aide économique et
humanitaire de deux-cent millions de francs au total. Hier déjà,
il avait annoncé que la France avait débloqué cent
soixante-dix millions de francs pour l’Albanie. Le Premier ministre s’apprête
à quitter la Macédoine pour le Caire - où il doit
effectuer une visite de 24 heures. Sur le plan militaire, le pilonnage
continue de plus belle en multipliant les frappes - et aussi les bavures!
Un missile aurait ainsi dévié de sa trajectoire sur un poste
de police, non loin de l’hôpital de Pancevo, une ville industrielle
à 20 kms de Belgrade où se trouve une raffinerie de pétrole.
L’alliance a admis six bavures meurtrières en cinq semaines de frappes
et d’autres menus incidents où les bombes auraient raté leurs
cibles. Les risques de métier, quoi!
De son côté, M. Tchernomyrdine, arrivé à
Belgrade en est reparti, après ses rencontres à Bonn et à
Rome pour tenter de faire progresser la recherche d’une issue diplomatique
au conflit, dans la communauté internationale. Selon lui, il reste
une petite chance de trouver une issue diplomatique dans les Balkans. L’émissaire
russe est rentré à Moscou. L’OTAN venait de refuser un proposition
de Milosevic qui s’était déclaré prêt à
recevoir une mission “non armée” des Nations Unies.
Le ministre français des Affaires étrangères Hubert
Védrine sur les antennes, réfléchissait sérieusement
à l’après-guerre: “S’agissant du Kosovo, l’idée se
précise d’accorder à la province séparatiste une autonomie
substantielle au sein de la Fédération yougoslave, avec une
tutelle internationale et des administrations transitoires, que la France
souhaite voir confier à l’Union européenne le moment venu.”
Les voisins de la Serbie ne sont pas oubliés: dessiner à
l’Albanie et à la Macédoine une perspective politique sérieuse
permettant de les arrimer de plus en plus à l’Europe. C’est dans
la droite ligne de ce que la réunion élargie des ministres
des Affaires étrangères, avait décidé le 14
avril dernier, à savoir: l’organisation d’une grande conférence
sur les Balkans, en principe le 27 mai. C’est plutôt prématuré
de savoir ce qui pourrait s’y décider, mais il y a, actuellement,
une quinzaine de propositions allant de la simple charte au pacte de stabilité.
Il y a, aussi, des propositions financières pour venir en aide à
ces deux pays, ainsi qu’à d’autres pays voisins: Roumanie, Croatie,
voire Bulgarie. Mais dès aujourd’hui, le Premier ministre Lionel
Jospin devrait annoncer un moratoire sur les dettes albanaise et macédonienne.
Quant à l’embargo pétrolier contre la Yougoslavie, il
est entré en vigueur, le 29 avril. Un embargo mis au point par la
Commission européenne qui prévoit l’interdiction de la vente
de pétrole à la République fédérale
y compris la Monténegro - malgré l’opposition russe! Entretemps
une série de destitutions est venue alourdir encore le climat! Sans
revenir sur celle concernant le vice-Premier ministre yougoslave Vuc Draskovic,
accusé par Milosevic, d’avoir exprimé des opinions non conformes
à celles du régime - il y a celle de Vadim Goustov, - encore
un vice-Premier ministre, russe, cette fois - le bras droit d’Evguéni
Primakov et décidée par Boris Eltsine et son remplacement
par Sergueï Stepachine ex-ministre de l’Intérieur. Autant d’indices
à l’Est que tout ne tourne pas rond. Surtout l’apparition sur les
écrans des deux télévisions respectives - mais moralement
alliées - le visage glacial d’Evguéni Primakov en guerre
feutrée contre Boris Eltsine, qui le recevait et celle de Vuc Draskovic,
méconnaissable après son éviction et effondré,
qui pour compléter le tableau a cru bon devoir se blanchir en s’aplatissant
encore plus: “Ne nous croyez pas divisés, non! Nous sommes tous
unis contre l’OTAN agresseur!” A quelles gesticulations nous conduit la
peur du bâton!
Le HCR considère ou plutôt estime même que le seuil
“d’émeute” a été atteint dans les camps de réfugiés
de Macédoine, en raison de la surpopulation. Puis, pour la première
fois, le HCR décide de rendre publics les témoignages des
réfugiés sur un massacre qui aurait été commis
par les forces serbes non loin de Djakovica, au Kosovo - concrètement
cela signifie que le siège de Genève veut donner de
la crédibilité à ces témoignages authentiques
- malgré les cyniques démentis yougoslaves, en raison de
leur multiplication et de la similitude des versions recueillies, selon
un porte-parole du HCR. Il faut dire que, depuis un certain temps, les
témoignages sur les exactions serbes deviennent de plus en plus
précis. En Albanie, par exemple, les réfugiés expliquent
que les familles s’entassent dans les tracteurs, que les hommes sont arrêtés
et les maisons incendiées... La plupart arrivent en tracteurs, tassés
par familles entières dans les remorques. Un homme raconte que,
dans son village, “seuls les conducteurs des tracteurs n’ont pas été
arrêtés par la police serbe, à l’inverse de tous les
autres. Cette femme, par exemple, venue du village près de Djakof,
a laissé son fils malade derrière elle. “Ils m’ont mis un
pistolet automatique sur la gorge et ils m’ont dit: Sors avec toute ta
famille. Je n’ai rien pu emporter avec moi, vêtements ou linge...
Et pendant que nous attendions dehors, ils ont mis le feu à ma maison.
Je l’ai vue brûler sans pouvoir en sauver quoi que ce soit! Et maintenant,
on n’a plus rien... L’Albanie est devenue pour nous un rêve! On ne
sait plus quoi faire...”
On voit, aussi, beaucoup de réfugiés franchir la frontière
en carrioles, tirées par des mules.
D’autres, des milliers de personnes écroulées sur le
bord des routes en état de choc, les pieds en sang à force
d’avoir marché... ne sachant plus où aller!
Le calvaire du Kosovo en combien de stations? C’est pourquoi, le HCR
a décidé dans le cadre de ses attributions, de hausser le
ton pour alerter l’opinion internationale.