L’OPÉRATION-ASSAINISSEMENT SERA POURSUIVIE JUSQU’AU BOUT

DÉFILÉ D’ANCIENS MINISTRES AU PALAIS DE JUSTICE

LAHOUD: “LE LIBAN SERA PAREIL À LA SUISSE”


Le régime est déterminé à poursuivre les dossiers jusqu’à leur terme, quel qu’en soit le prix, partant du discours d’investiture du président Lahoud, dans lequel il a dit en substance, peu de temps avant son élection, “qu’il n’avait pas beaucoup à donner, mais que les espoirs étaient grands”.
De là, le chantier de la réforme qui a été entamé sans prendre fin encore; suivi du chantier judiciaire qui se perpétue et prend de l’ampleur, la corruption ayant pris de larges proportions dans la république au cours des dernières années. Quand l’heure de la vérité sonnera, tout apparaîtra au grand jour et les corrompus, en plus des corrupteurs, recevront le châtiment à la mesure de leurs forfaits.

Cette semaine n’a pas enregistré, à son début, de développements politiques. Au cours de leur rencontre de mardi soir, la veille de la séance du Conseil des ministres, les chefs de l’Etat et du gouvernement ont passé en revue les points figurant à l’ordre du jour de la réunion ministérielle hebdomadaire et ceux qui pourraient être examinés sans qu’il y soit fait mention dans l’agenda.
Les présidents Lahoud et Hoss ont évoqué le projet relatif à la privatisation dont M. Nasser Saïdi, ministre de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie, propose l’étude à titre prioritaire, en raison des avantages que son adoption vaudra au Trésor, avançant en tout premier lieu les raffineries de Tripoli et de Zahrani.
En ce qui concerne la réforme administrative, les milieux informés écartent, pour le moment, de nouvelles nominations dans les services étatiques, celles-ci devant être reportées jusqu’après le vote du projet de budget. Et ce, afin de donner aux organismes qualifiés le temps de mettre au point les dossiers.
Au plan judiciaire, une attention particulière est accordée aux dossiers dont l’examen se traduira par l’apport de recettes au Trésor, pour la raison que cela permettra de récupérer les fonds publics ayant été dilapidés ou fait l’objet de malversations.
A ce sujet, le président Lahoud a déclaré: “L’Etat de droit sera instauré et cinq mois après l’avènement du nouveau régime, la subtilisation des fonds du Trésor s’avère difficile, voire impossible.” Les propos tenus par le Général-Président, la semaine dernière, en recevant M. Melhem Karam, président de l’Ordre des journalistes et les membres du Conseil exécutif, abondaient dans le même sens. De plus, il a mis l’accent sur les principes, les règles et les lois qui doivent régir les rapports entre l’Etat et les citoyens, tout en déterminant les droits des deux parties et leurs obligations.
Parlant de la réforme administrative, le président Lahoud a affirmé: “Nous irons jusqu’au bout de tout dossier que nous ouvrirons... Quant aux nominations, elles seront décidées dans les limites des cadres officiels et tout fonctionnaire coupable de négligence ou d’abus  recevra son châtiment.”

“LA PRÉSIDENCE POUR TOUT LE LIBAN”
Le président Lahoud a ajouté: “La présidence de la République est à tout le Liban. Quiconque lui porte atteinte n’a pas de place parmi nous.” Il faisait allusion, ainsi, à M. Walid Joumblatt qui s’en prend depuis quelque temps à la magistrature suprême; puis, s’empresse de la dissocier du gouvernement.
“D’aucuns, a-t-il enchaîné, s’emploient à séparer la Présidence du Cabinet, mais ceci n’est pas possible et j’ai dit à tout le monde, l’opposition en premier, que le président est avec le gouvernement. Que serait-ce s’il s’agit d’un gouvernement comme celui-ci, dont le chef partage mes vues?”
Le chef de l’Etat a démenti les rumeurs faisant état d’une tendance à un remaniement ou même à un changement ministériel, assurant que M. Georges Corm, ministre des Finances, rentrera, incessam-ment, de Paris où il prenait du repos. (M. Corm est rentré, effectivement, dimanche soir et a repris ses activités lundi matin aux Finances).
De la situation économique, le président Lahoud a reconnu qu’elle n’est pas saine. “Mais, observe-t-il, elle remonte à plusieurs mois et on ne peut en faire assumer la responsabilité à une partie déterminée. Il faut redresser la situation, mais que nul ne s’attende à un miracle dans ce domaine... Il n’est pas vrai de dire que le Liban ne compte que des voleurs. J’assure que notre pays redeviendra la Suisse de l’Orient et même meilleur que la Suisse.”
 

Bassem Sabeh.

Fouad Sanioura.

LE DOSSIER DES DÉPLACÉS
A propos du dossier des personnes déplacées, le président de la République a reconnu que beaucoup d’argent avait été affecté à cette affaire sans parvenir à la résoudre. Toujours est-il qu’il a promis de lui accorder l’intérêt voulu et de la régler, mais non dans un délai rapproché, “pas en un an, tout au moins”. Il a révélé que maints Etats se sont engagés à avancer des crédits, à cette fin, dès que l’Etat entreprendra de trancher ce problème.
A propos de la réforme électorale, le président Lahoud a rappelé sa position, basée sur des constantes, la nouvelle loi devant traiter tous les citoyens sur le même pied d’égalité pour atteindre un double objectif: une représentation saine et l’intégration nationale.
 

Hagop Demerdjian.

Mohamed Souhail Yammout.

LE DROIT DU LIBAN
À LA RÉSISTANCE
Evoquant la conjoncture régionale, le chef de l’Etat a réaffirmé le droit du Liban à résister à l’occupant jusqu’à ce que ce dernier évacue notre territoire. “Nous nous trouvons dans la même tranchée avec la Syrie et luttons ensemble en vue de récupérer notre sol.”
Les observateurs ont déduit des paroles présidentielles, qu’elles définissent le cadre dans lequel le projet de budget 99 sera étudié à la Chambre, partant du fait que toute critique et toute opposition sont tolérées, tant qu’elles ne dérogent pas à la règle.
Le Conseil des ministres avait donné le coup d’envoi du compte à rebours par rapport au délai dans lequel doit être élaborée la nouvelle loi électorale, celle-ci devant être mise au point un an avant la date des prochaines législatives, en l’an 2000. Le président Hoss avait rappelé que le délai imparti aux partis politiques, aux blocs parlementaires, aux groupes et associations qualifiés  pour présenter leurs suggestions au sujet de la réforme électorale, ce délai avait expiré fin avril.
Ceci étant, on s’attend que le projet de loi électorale soit prêt avant fin juin. Il sera soumis, pour étude, au Conseil des ministres; puis, communiqué à l’Assemblée pour qu’elle le ratifie au cours de sa session d’octobre.
La commission ministérielle chargée de prendre connaissance des suggestions relatives à la réforme électorale, tiendra compte de toutes les propositions et, en premier, de celles concernant le découpage des circonscriptions, dans l’idée de faire évoluer la vie politique et démocratique, tout en favorisant l’intégration nationale et en assurant l’égalité entre les citoyens.

AU PLAN JUDICIAIRE
Cela dit, il y a lieu de signaler que de nouveaux développements se sont produits au plan judiciaire. En effet, trois anciens ministres: MM. Sanioura, Sabeh et Demerdjian ont été entendus par le représentant du Parquet en qualité de témoins, dans l’affaire des fonds municipaux, à la lumière du rapport établi par la Cour des comptes faisant état d’infractions à la loi, par l’organisation d’adjudications de gré à gré et l’engagement de crédits sans assurer, au préalable, les sources de financement, les fonds se chiffrant par des milliards ayant été prélevés sur la Caisse municipale autonome.
Les ministres mentionnés ont comparu devant M. Amine Abou-Nassar, avocat général près la Cour de cassation, lundi dernier. M. Adnan Addoum, procureur général, a fait savoir que ces trois témoins pourront être interrogés une fois de plus, après qu’aura été recueillie la déposition de M. Nabil Jisr, ancien président du Conseil du développement et de la reconstruction.

DANS L’ATTENTE DE YAMMOUT
Dans cette même affaire, il y a lieu de signaler le fait pour M. Mohamed Souhail Yammout, ancien administrateur du Mont-Liban, impliqué dans les fonds municipaux, de n’avoir pas encore répondu à la convocation du Parquet. Ayant pris un congé de deux semaines - bien qu’il ait été mis à la disposition de la présidence du Conseil - M. Yammout devait s’absenter deux semaines, tout au plus. Or, ce temps s’est écoulé et il n’est pas encore rentré. Selon des milieux renseignés, M. Yammout aurait invoqué des “raisons de maladie” et promis de revenir dès que sa santé le lui permettrait...
Mais le Parquet général a opposé une fin de non-recevoir à cette excuse et émis un “mandat de recherche” à son encontre.
Pour en revenir aux trois anciens ministres, leur interrogatoire a duré un peu plus de deux heures, ceux-ci ayant quitté le palais de Justice par une porte latérale, pour éviter de faire des déclarations aux reporters de presse. Il nous revient que tous trois se sont excusés de ne pouvoir répondre à certaines questions posées par le magistrat instructeur.
Dans ce même ordre d’idées, on apprend que les noms de 75 ingénieurs avaient été relevés dans le rapport de la Cour des comptes, censés avoir perçu des honoraires pour des adjudications et des travaux dont ils n’ont pas eu connaissance.
Les trois anciens ministres ont assuré avoir agi conformément à des décisions prises en Conseil des ministres - en ce qui concerne l’engagement de dépenses - mais il est apparu que les crédits étaient accordés par l’intermédiaire du ministre pour les Affaires rurales et municipales, en dépit d’avis défavorables émis par les contrôleurs des comptes.

L’ENQUÊTE
SUR LES DOMAINES MARITIMES
Dans le même temps, Mme Rabiha Ammache, en charge des domaines maritimes, a entamé ses investigations, en interrogeant M. Hanna Sleiman, chef du service du transport naval au ministère des Transports.
L’enquête se poursuit, également, à propos des irrégularités découvertes au port de Beyrouth et dans lesquelles Mouhib Itani est impliqué; de même qu’en ce qui concerne le dossier du gaz et du ministère de l’Environnement.
Un nouveau dossier a été ouvert, dernièrement, celui relatif à des adjudications de travaux qui n’ont pas été exécutés à l’Université Libanaise.
Il y a lieu de signaler que l’unique prévenu (Abdel-Kader Itani), maintenu en état d’arrestation en vertu de charges consignées dans le rapport de la Cour des comptes, fait l’objet d’une enquête de la part du procureur financier, M. Ahmed Takieddine.
Enfin, il importe de mentionner qu’un premier montant de fonds subtilisés des caisses de l’Etat a été récupéré: il s’agit de 3 milliards de livres que Wafa Sleiman, veuve de Raafat Sleiman, ancien responsable de la Caisse centrale de timbres fiscaux au ministère des Finances, a restitués à ce département, après qu’il eut été bloqué depuis 1996 sur l’ordre de M. Zahi Kanaan, magistrat de la Chambre des mises en accusation de Beyrouth. Cette somme, rappelons-le, représente le produit de la vente de timbres que Sleiman, avec la complicité d’autres fonctionnaires, avait placée dans les banques à son propre compte...

HARIRI CHEZ HRAOUI
Pendant que les trois anciens ministres (du Cabinet Hariri) se trouvaient au palais de Justice, l’ancien chef du gouvernement rendait visite au président Elias Hraoui en sa résidence à Yarzé, “pour un échange de vues sur les questions de l’heure”.
Les milieux proches de M. Hariri lui attribuent des réflexions dont il ressort qu’il était rassuré quant aux résultats des investigations en cours, bien qu’il manifeste ces temps-ci certaine nervosité. M. Hariri a répondu par la négative quand des reporters de presse lui ont demandé s’il comptait quitter le pays dans les circonstances présentes.
D’aucuns n’écartent pas que M. Hariri soit amené à faire une déposition, pour la raison que certaines décisions concernant l’engagement de crédits prélevés sur la Caisse municipale autonome portent sa signature en tant que ministre des Finances.
L’ancien Premier ministre a même retardé de quelques semaines le lancement d’une publication (“Al-Moustakbal”) en attendant de connaître l’issue des affaires en instance devant la Justice. Peut-être serait-il amené à y renoncer...
Enfin, une autre affaire ayant trait à des irrégularités au niveau ministériel, a émergé cette semaine, dans laquelle est impliqué M. Mohamed Bassam Mourtada, ancien ministre des Travaux publics (dans le premier Cabinet Hariri) en 1992, portant sur des adjudications de gré à gré. Des dossiers similaires pourraient, dit-on, être ouverts, touchant les ministères de l’Agriculture, de l’Habitat, des Ressources hydrauliques et électriques et le CDR.

NADIM El-HACHEM

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