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BARAK OU NETANYAHU?

Il ne faut se faire aucune illusion sur les résultats des élections israéliennes. Si M. Ehud Barak, le travailliste, a paru un moment plus souple que son adversaire, M. Netanyahu, cela ne veut pas dire qu’il cèdera sur ce qui demeure essentiel pour les religieux et les colons qui dominent la scène politique israélienne. Pour ceux-là, l’essentiel c’est la conservation des territoires occupés. Faute de restitution des territoires, il n’y a pas de paix. Or, cette fraction dominante de l’électorat juif, quoique minoritaire en nombre, n’est pas intéressé par la paix.
Et c’est elle que M. Ehud Barak a flattée durant sa campagne électorale. Pour battre M. Netanyahu, il a fait de la surenchère sur les thèmes qui avaient fait le succès de son adversaire. On a dit qu’assuré du vote des partis de gauche, il a voulu ainsi gagner les partis de droite. C’est, peut-être, une bonne tactique. Mais, alors, que valent les engagements de M. Barak?

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Pour les Arabes, de quelque côté qu’ils se retournent, ils se trouvent devant une impasse.
Pour n’avoir pas à proclamer la création de l’Etat palestinien promis pour le 4 mai dernier, M. Arafat a parcouru le monde à la recherche d’appuis et d’assurances. De toute cette collection de documents, on peut soutenir que le plus important à ses yeux est, certainement, le papier signé Clinton. M. Arafat ne peut compter que sur l’Amérique; mais l’Amérique ne s’engage jamais d’une manière nette et ferme sur des sujets où sa position pourrait être en contradiction avec celle d’Israël.
M. Arafat a pu obtenir le maximum de l’Union européenne. L’Europe reconnaît déjà le principe d’un Etat palestinien indépendant et souverain avec Jérusalem-Est pour capitale. Cela est conforme aux résolutions de l’ONU qui n’a jamais reconnu l’annexion de la Ville Sainte par Israël et aux décisions de la conférence de Madrid qui posaient comme principe fondamental des négociations de paix, la restitution des territoires.
Mais il ne coûte rien à l’Union européenne d’adopter une position claire conforme aux principes proclamés par la communauté internationale. Washington ne croit pas pouvoir aller jusque-là. Se considérant comme seuls responsables du processus de paix, les Etats-Unis veulent se présenter comme à égale distance des deux parties. Ils estiment que prendre position, c’est compromettre leur rôle d’arbitre ou d’honnête courtier.
Mais, de ce fait, ils trahissent les bases de la négociation: les résolutions de l’ONU et Madrid. Jusqu’ici, cette attitude n’a fait que servir les tactiques dilatoires du négociateur israélien.
En réalité, il n’y a plus ni négociation, ni processus de paix. Israël, avec Netanyahu et peut-être demain avec Barak, fait ce qu’il veut. Il a les mains libres. Et le rôle des Etats-Unis se limite à atténuer les conséquences, à tapoter sur le dos des Arabes en les invitant à la patience et à la “retenue”.

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Bien qu’à l’égard de la paix, les résultats des élections israéliennes puissent sembler indifférents, il n’en serait pas de même sur le plan interne. La société israélienne est en crise. Les maladresses et les brutalités de M. Netanyahu n’avaient fait que l’exacerber. Qu’en serait-il avec Ehud Barak?
Que connaît-on de cet homme? Sa carrière militaire ne lui confère pas nécessairement autorité et lucidité en politique. A la tête du parti travailliste depuis l’assassinat de Rabin, il est toujours apparu comme un personnage falot. Une fois élu, s’il est élu, revêtira-t-il l’habit d’un véritable chef, d’un rassembleur pour une société profondément divisée, qui aspire à la paix, mais n’entend pas en payer le prix?
Or, il y a un prix à payer. Et si M. Barak s’avérait incapable à le faire accepter par son peuple, il y aurait un grand risque de bouleversements internes en Israël même; et cela irait plus loin qu’une simple crise ministérielle ou des élections législatives.
C’est dans cette perspective seulement que la patience des Arabes pourrait être payante. Mais c’est un pari difficile à prendre. C’est là, en revanche, que le poids de l’Amérique pourrait s’exercer utilement. La diplomatie américaine, qui avance à tout bout de champ l’argument de ses “intérêts nationaux” pourrait s’apercevoir maintenant que ces intérêts nationaux sont, désormais, fonction de la paix interne en Israël même. Sans quoi, il n’y aurait jamais de paix dans la région.
C’est souligner, du même coup, à quel point l’alliance israélo-américaine est devenue organique; et que dans la négociation avec les Arabes, les Etats-Unis ne peuvent plus se prétendre neutres.


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