Editorial


Par MELHEM KARAM 

IL N’EST PAS VRAI QU’ISRAËL ORIENTE L’AMÉRIQUE

COMMENT INSTITUER UNE NOUVELLE DROITE ÉQUILIBRÉE?

Avant les élections israéliennes, nous avons écrit que ces élections anticipées visaient un objectif d’Israël et du monde, à savoir: répondre à la question suivante: Israël, qui a été influencé par le “vote juif” aux élections de 1995, lequel a amené Benjamin Netanyahu, l’Israël sioniste, israélien et juif dans ces trois qualités, est-il capable de se modérer?
Barak est l’élève de Rabin et tous deux ont fait partie du clan des officiers. La plupart de ceux qui ont gouverné Israël étaient des civils, si nous excluons leurs contributions à “Stern” et à la “Hagana”. Ils sont, depuis 1948 jusqu’à ce jour: Ben Gourion, Lévy Eshkol, Golda Meir, Menahem Begin, Yitzhak Shamir, Moshé Sharet et Shimon Pérès. Il n’y a parmi eux que trois militaires de carrière: Moshé Arens, Yitzhak Rabin et Ehud Barak.
Rabin a chargé Barak de négocier avec les Palestiniens. Il a compris certaines de ces choses, mais les limites de son extrémisme ne sont pas connues, ni ses formes. Cependant, sa venue satisfait l’opinion publique palestinienne de l’intérieur et l’opinion publique américaine de l’extérieur.
Les Arabes peuvent-ils se rassurer avec Barak quant au retrait du Liban, du Golan et à la création de l’Etat palestinien?
Les juifs doivent savoir ce qu’est l’Etat palestinien. Le jour où ils ont proclamé leur Etat, leur situation n’était pas meilleure que celle des Palestiniens, aujourd’hui. Les Israéliens savent que l’Etat palestinien sera créé et en retardent la proclamation par les colonies de peuplement qui, ils le savent aussi, portent préjudice à la paix. Ils savent, également, que l’ajournement de la proclamation de cet Etat a été la conséquence de démarches de la part de forces occidentales et des Américains d’une façon spéciale. Cette situation négative est un indice du positivisme de la reconnaissance négative de l’Etat palestinien, prélude à sa reconnaissance positive.
Deux faits ont favorisé la victoire de Barak: d’abord, il a su gagner des catégories rebelles, traditionnellement. Ensuite, il a tiré profit d’une inimitié non déclarée entre Netanyahu et Clinton. Netanyahu n’étant plus admis pour des comportements irresponsables, ce qui a assuré la victoire de Barak.
La question est, aujourd’hui, la suivante: Barak est-il capable de persévérer dans cette voie et de rétablir la sérénité dans les rapports avec l’Amérique, la société européenne et le Proche-Orient? D’autant que les juifs ont la certitude que ce n’est pas l’entité israélienne qui guide l’Amérique, comme ils le propageaient. Cette allégation s’est dissipée d’une manière relative, naturellement. Le sujet qui reste est qu’Israël est orienté par l’Amérique et non le contraire. Il est orienté par elle avec quelque complaisance et il l’oriente, aussi, de la même façon. La cause de cette attitude est la présence juive en Amérique qui a été et reste efficace, au point que nul ne peut nier son influence sur la politique américaine, mais son acuité s’est atténuée.
Puis, la logique visant à jeter l’entité israélienne dans la mer n’existe plus. L’entité israélienne n’est plus menacée. C’est pourquoi, la peur et la sollicitude, même juives, envers Israël ont faibli.
Oslo, Wadi Araba, l’accord du Caire; puis, la Maison-Blanche, tout cela au moins a éliminé la prétention selon laquelle l’Etat hébreu pourrait être jeté à la mer. La question est devenue une question de paix, non d’une entité pouvant être ou ne pas être! S’il le voulait, Barak pourrait former son Cabinet sans les partis religieux et même sans le Likoud. Et ce, en coopération avec les partis laïcs, de la gauche et du centre, tout en étant soutenu de l’intérieur par les partis arabes.
Il peut, maintenant, réactiver le processus de paix avec les Syriens et les Palestiniens, sans tenir compte des appels de l’opposition extrémiste de droite. Mais tout en affirmant et en réitérant vouloir poursuivre la trace de Rabin, Barak se préoccupe d’affirmer qu’il veut bénéficier de l’appui d’une vaste frange à multiples affiliations et à rassembler le plus de formations politiques. Cependant, il ne peut se trouver dans la même position que Rabin, celui-ci ayant gouverné contre la moitié des nationalistes et des religieux.
Fait à signaler: Barak a obtenu 12 pour cent des voix des colons en Cisjordanie et à Gaza et 50 pour cent des voix du Golan. Il veut réactiver le processus de paix et changer les priorités intérieures: pas de crédits aux écoles publiques, ni à l’infrastructure, aux congrès religieux, ni aux colons juifs. Et avec cela, il évite de provoquer une brèche dans l’entité israélienne.
C’est pourquoi, il tente de panacher sa majorité gouvernementale par un parti religieux, tel le Likoud. Barak préfère coopérer avec ce dernier, parce que le Likoud devient, sans Netanyahu, une partie acceptable, plus que le “Shass” dont le président est Ariel Déri, accusé de malversations et condamné à quatre ans de prison. Il a renoncé à la présidence du parti après sa condamnation pour corruption et a dix-sept députés à la Knesset. Ou le Mesdal, le parti religieux extrémiste ayant six députés au parlement; il dirige les colons juifs et refuse toute concession aux Palestiniens en ce qui concerne la terre.
Ici on doit signaler un fait: les religieux et les fondamentalistes, groupe de “Eretz Israël biblique” ont été battus, de même que le parti de Beni Begin, fils de Menahem Begin qui ne compte que trois députés. Et le parti national religieux, partisan du “Grand Israël”, dont le nombre des députés a baissé de 9 à 5. Le parti national extrémiste “Tsomet”, dirigé par Raoul Eytan qui avait fait élire huit députés en 1992 et était représenté au Cabinet Netanyahu. Il a disparu de la scène politique et l’idée du Grand Israël a fait faillite.
Tout cela facilite la tâche du Premier ministre et les jours à venir nous diront si Barak dispose d’une tactique politique intelligente dans les négociations et la politique, autant qu’il s’est montré adroit dans sa bataille électorale.

***

L’admission de la chute de la droite et de l’extrémisme est générale en Israël.
Le premier à l’admettre fut le président du conseil de l’intégration juive, Benihas Walershtein qui a démissionné et proclamé la responsabilité des colons dans l’échec de Netanyahu.
Telle fut, aussi, la position du fils de Begin qui a dit: “Nul en Israël ne partage plus nos positions politiques”. La faute dans la chute de la droite est due à l’image hideuse de l’entêtement, du raidissement et de l’arrogance que Netanyahu a donnée de cette droite.
Si nous ajoutons à cela le regret exprimé par l’ancien ministre de la Justice, Zahi Mangebi, qui a demandé pardon à Ehud Barak pour lui avoir porté outrage. L’image s’est accomplie par le repentir et l’effondrement de la droite.
Il est clair qu’après l’assassinat de Yitzhak Rabin, les relations israélo-israéliennes se sont détériorées. Le feu de la rancune fut attisé par Benjamin Netanyahu. Et c’est ce dont profite Ehud Barak dans son action visant à consolider l’unité nationale interne, dans l’espoir de favoriser l’émergence d’une nouvelle droite israélienne équilibrée, paisible et apte à assumer le rôle qui lui incombe.
Photo Melhem Karam

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