Bloc - Notes

Par ALINE LAHOUD

JEZZINE EST DE RETOUR

Jezzine est de retour après une longue, bien longue, absence. Mais il n’y aura pas de veau gras pour Jezzine. Son retour s’effectue dans une telle atmosphère de morosité, qu’on croirait assister plutôt à une lourde perte qu’à la récupération d’un territoire sans lequel il aurait toujours manqué de précieuses pulsations au cœur de chaque Libanais.
Serions-nous devenus des adeptes du malheur? Serions-nous si habitués à n’enregistrer que des catastrophes que le moindre signe de joie nous plonge dans le désarroi le plus total? Devrions-nous nous accrocher aux basques de Netanyahu pour le supplier de reprendre son cadeau empoisonné?!...
A quoi est due cette tremblote qui fait zigzaguer nos autorités de la tête jusqu’aux pieds? Qu’est-ce qui inspire à l’Etat cette peur larvée, cet abattement, un peu comme ces greffés du cœur qui attendent dans l’angoisse l’apparition du phénomène de rejet? A moins que nos autorités craignent d’être contaminées par un virus particulièrement virulent ne poussent la prévention jusqu’à n’entrer à Jezzine que le nez et la bouche protégés par des masques chirurgicaux?
Qu’a donc fait Jezzine pour que le pays l’ait laissé prendre en otage, sans pouvoir le défendre et se fasse aujourd’hui tirer l’oreille pour accepter de le récupérer?
Quand le vocabulaire officiel déborde de grandiloquence pour qualifier les “héroïques habitants du Sud” qui sont demeurés sur place, sous l’occupation israélienne, “pour mieux résister à l’ennemi”, pourquoi n’y inclut-on jamais Jezzine? L’Etat est muet comme une carpe à ce sujet et un peu honteux, comme la femme qui tente de faire le silence sur l’existence d’un enfant adultérin.
Frileusement abrité sous le parapluie de la 425, le gouvernement refuse - dit-il - de donner des assurances à Israël. Fort bien. Mais Jezzine n’est pas  Israël et Moshé Arens ne se cache pas derrière chacun de ses habitants. Jezzine a toujours servi de rempart au Liban, cela mérite-t-il qu’à l’heure du choix, le Liban se dérobe au devoir d’offrir le rempart de la légalité à Jezzine?
On explique qu’on se refuse au sérail à envoyer des militaires, afin que l’armée ne puisse servir de tampon entre la résistance et Israël. Et pourquoi servirait-elle de tampon si l’Etat se met d’accord avec la résistance sur certaines lignes rouges? Faute donc d’être maître chez lui, l’Etat envoie au casse-pipe et presque à la sauvette, 200 gendarmes dont seul l’uniforme rappelle le semblant d’autorité dont ils sont investis.
Pendant ce temps, la résistance aiguise ses couteaux. Les déclarations du Hezbollah, ainsi que ceux d’Amal tendent à rassurer une population traumatisée qui craint de se retrouver jetée sur le chemin de l’exode.
Cette appréhension est relativement justifiée quand on entend Sayed Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, promettre “les pires châtiments” à ceux qui auraient collaboré avec l’ALS. Cela veut dire, tout simplement, que ce ne sont pas les gendarmes de M. Hoss qui vont empêcher le Hezb de régler son compte à qui semblera suspect. En langage plus clair, cela signifie que c’est bien la résistance qui contrôlera la région et non les 200 pandores destinés à faire de la figuration.
Mais comment sans délation et sans soumettre le tri à certains intérêts (pour ne pas dire à des intérêts certains), comment reconnaître les “collaborateurs”, de ceux qui ont subi en silence le joug et les exactions des occupants?
Les collaborateurs - s’il y en a à Jezzine - doivent être arrêtés par les autorités légales et traduits devant les juridictions compétentes, au cours de procès réguliers et publics, non à travers une justice sommaire, voire une parodie de justice.
Jezzine est une victime, victime de sa situation géographique, victime des appétits monstrueux des hordes sionistes, victime de la faiblesse congénitale, du laxisme, de la négligence et, aujourd’hui, de la peur morbide d’un Etat qui n’ose faire un pas sans qu’on lui tienne la main.
Il est inutile qu’on y ajoute l’auréole du martyre. 

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