JEZZINE:

LA JOIE, L’INQUIÉTUDE ET L’ESPOIR



Deux écueils majeurs à surmonter: la sécurité et le cas des miliciens de
l’ALS demeurés dans la région

Avec la joie de voir Jezzine et sa région retrouver leur liberté, loin de toute tutelle et mainmise; voir le drapeau libanais flotter dans ces bourgs et villages; entendre les vœux d’espoir formulés par la population restée sur place, on ne peut quand même s’empêcher de poser des questions cruciales pour l’avenir de ce caza. En premier lieu, qui va combler le vide sécuritaire laissé par le départ de l’ALS? Le président Emile Lahoud a donné lui-même des garanties sur l’état de la sécurité dans le secteur, mais la procédure demeure évasive, alors que les habitants aimeraient être fixés au plus vite sur leur avenir. Sinon, il n’y aurait pas de véritable reprise de la vie et des activités dans la région. La deuxième question est celle du sort qui va être réservé aux deux cents miliciens de l’ALS ayant choisi de rester à Jezzine plutôt que de rejoindre le général Antoine Lahd dans la “zone de sécurité” israélienne. Pourront-ils être amnistiés ou, du moins, jugés équitablement par la justice libanaise? Echapperont-ils à des actes de vengeance? Il faut l’espérer et le souhaiter.
Reste, aussi, plusieurs inconnues: le rôle de la Syrie, l’attitude du “Hezbollah” vis-à-vis d’un secteur désormais libre, le jeu d’Israël, le tout placé dans le contexte d’un nouveau gouvernement travailliste présidé par Ehud Barak et les efforts menés par les Etats-Unis pour relancer le processus de paix.
A Jezzine, il y a de la joie mêlée d’inquiétude et d’espoir. La balle est dans le camp du Pouvoir libanais qui, par sa présence active et efficace, peut faire revivre pleinement cette région qui n’a que trop souffert.

Le coup d’envoi du retrait de l’ALS de Jezzine a été donné le lundi 31 mai autour de 22 heures 30. “Les opérations d’évacuations prendront dix à quinze jours”, devait annoncer le général Lahd, au cours d’une conférence de presse tenue à Marjeyoun. “Nous avons décidé de nous replier, unilatéralement, pour éviter à cette ville, une mort lente”, affirme-t-il, en indiquant que les autorités libanaises ont été informées de ce retrait, par l’intermédiaire de l’ambassadeur des Etats-Unis au Liban.
Lahd met surtout en garde, contre “le déploiement ou l’infiltration de la Résistance dans la région de Jezzine, sinon l’armée israélienne proche serait contrainte de la bombarder, provoquant un exode définitif de la population”.
Il place l’Etat libanais devant ses responsabilités: “Nous espérons qu’il sauvegardera la sécurité et la dignité des habitants.” Sceptique, il ajoute: “Mais l’Etat libanais ne veut pas étendre son autorité à Jezzine, car il lie cette décision à l’application de la résolution 425 du Conseil de Sécurité de l’ONU et à la libération du Golan syrien.”

L’ÉVACUATION, RAPIDE
Dans les jours qui suivent, le processus se poursuit rapidement. Pour la seule journée du mardi 1er juin, les miliciens de l’ALS avaient déjà évacué plus de dix-sept villages du caza où flotte, à présent, le drapeau libanais. Dès l’aube du 1er juin, le point de passage de Roum est libre et la population exprime sa joie de revenir dans le giron de la légalité.
“L’ambiance est calme et détendue”, affirme un citoyen et nous espérons que ce climat se perpétuera grâce à l’appui du président de la République et avec l’aide de Dieu.
“Les espoirs sont fondés sur la légalité et le chef de l’Etat, en particulier, qui a affirmé que l’occupation était la cause du drame et non son retrait”, ajoute une autre personne.
D’autres affirment: “Durant quinze ans, nul ne s’est préoccupé de la région de Jezzine ou cherché à connaître ses problèmes et besoins. Les responsables se contentaient de dire “nous déplorons” la situation sans jamais rien faire.”
Un même souhait revient sans cesse: “Que l’Etat envoie l’armée et les FSI pour rassurer la population et veiller à la sécurité.”
 

Dans une conférence de presse tenue à son Q.G. 
à Marjeyoun, le général Antoine Lahd annonce le retrait 
de l’ALS de Jezzine et sa région.

PROBLÈME MAJEUR:
LA SÉCURITÉ DE LA RÉGION
Le problème de la sécurité se pose donc dans toute son acuité: qui comblera le vide laissé par l’armée du Liban-Sud? L’Etat se veut rassurant, mais demeure évasif, affirmant ne pas vouloir déployer l’armée libanaise pour ne pas faire le jeu d’Israël et se cramponne à la “425”, au retrait total et inconditionnel du Liban-Sud et du Golan.
Mais n’est-ce pas mettre en péril la sécurité d’une région libérée de toute mainmise et tutelle et qui n’a qu’un désir: entrer dans le giron de la légalité?
Qu’adviendrait-il si le “Hezbollah” installait des positions militaires fortifiées dans la région et la transformait en bastion de la résistance face à Israël? D’autant que la résistance considère que c’est grâce à son action que le général Lahd a dû évacuer Jezzine et sa région.
La question de la sécurité de cette région qui couvre une cinquantaine de Km2, groupant près de trente-cinq villages, doit être réglée au plus vite. Ce ne sont pas les deux cents soldats et les cent gendarmes présents à Jezzine depuis 1976 qui pourront assumer cette tâche. Mais le Premier ministre, Salim Hoss, a déjà réitéré le refus du gouvernement de déployer l’armée “afin d’empêcher qu’elle se transforme en force-tampon entre la Résistance et l’ennemi”.
Jezzine n’est-elle donc pas pareille à toute autre région du pays? L’armée libanaise n’est-elle pas présente à Saïda, à Tyr, au Chouf? Pourquoi pas à Jezzine qui n’aspire qu’à vivre en paix?
 

A l’aube du premier juin, les miliciens avaient déjà évacué leurs positions fortifiées de la localité de Roum.

Elle exprime sa joie brandissant
tout haut le drapeau libanais.

QUE VA-T-IL ADVENIR DES ÉLÉMENTS
DE L’ALS RESTÉS À JEZZINE?
Le second grand problème nécessitant une solution rapide et adéquate, est celui des deux cents jeunes gens qui faisaient partie de l’ALS et ont choisi de rester dans la région plutôt que de partir avec Lahd vers la “zone de sécurité”. Quel sort leur sera réservé? Il y a quelque temps, les députés du “Hezbollah” avaient proposé l’adoption d’une loi d’amnistie en faveur des miliciens qui quitteraient l’ALS. L’idée pourrait être reprise et adoptée, car on ne peut condamner des jeunes qui étaient devant un état de fait accompli.
S’adressant aux représentants des médias à l’entrée de Jezzine, le député Nadim Salem est explicite: “Les jeunes gens qui dépendaient des “forces de facto” sont désireux de retourner à la légalité, d’en être jugé s’il y a lieu d’un procès. Il doit être bien clair: nul n’a le droit de juger un Libanais autre que la légalité libanaise.”
C’est ce que confirme pour sa part, aussi, l’ex-député Edmond Rizk, considérant que “nul n’a à donner des leçons de libanisme aux fils de Jezzine.”
Dans ce même contexte, une délégation de notables jezziniotes ayant à sa tête Pierre Farid Serhal, Philippe Khoury et Georges Najm, a rendu visite au secrétaire général du “Hezbollah”, Sayed Hassan Nasrallah, afin d’obtenir des garanties qu’il n’y aurait pas d’actes de vengeance contre ces éléments de l’ALS prêts à être jugés par les autorités libanaises.
Nasrallah considère qu’il est dans l’intérêt de Jezzine de livrer ces éléments à la Justice libanaise, de crainte qu’il n’y ait parmi eux des agents à la solde de Lahd ou des services de renseignement israéliens.
 

Les miliciens de l’ALS regroupent leur matériel de guerre pour l’évacuer vers la zone de sécurité.

NOUS AVONS LE DEVOIR DE LES PROTÉGER
Ces miliciens ont trouvé refuge au couvent historique de Machmouché, dont le supérieur, le R.P. Boulos Khawand a rendu visite à Nasrallah et affirmé en réponse aux questions des journalistes: “Ces jeunes gens ne sont pas des “collabo”; ce sont nos fils et nous avons le devoir de les protéger, afin qu’ils retournent dans le giron de la légalité. J’ai l’honneur d’ouvrir les portes du couvent, après avoir ouvert mon cœur pour y accueillir les jeunes et les familles, car la peur et la crainte sont plus fortes que tout de nos jours.”
Le R.P. Khawand affirme qu’il a mis l’abbé Jalkh au courant de sa décision et ajoute: “Nous ne protégeons pas ces jeunes de l’Etat, de la loi ou de la Justice, mais voulons dissiper leur crainte. Nous les encourageons à rester dans la région et à se livrer à la justice.”
Dans le cadre du retrait de l’ALS de Jezzine, il est certain que la Syrie a son mot à dire. Le chef de la diplomatie syrienne, Farouk el-Chareh  était à Beyrouth mardi, où il a remis un message personnel du président Hafez Assad au président Emile Lahoud, affirmant qu’il “était parfaitement rassuré concernant la situation à Jezzine qui a longtemps subi l’oppression de la collaboration”. Il réitère l’appui de la Syrie à la Résistance, “à son rôle positif dans la libération du Sud” et affirme que “la coopération entre la Syrie et le Liban est profonde et suivie”.
Le rôle de la Syrie dans l’affaire de Jezzine est relevé par le ministre israélien de la Défense, Moshé Arens: “L’évacuation de Jezzine par l’ALS, dit-il, sera un test pour les intentions de paix de la Syrie. Tout dépend de ce qu’elle décidera, car le Liban n’est pas un pays indépendant.”
Par ailleurs, le retrait de l’ALS s’est accompagné, dans sa première phase, d’une escalade militaire israélienne au Sud et dans la Békaa-Ouest. De son côté, le “Hezbollah” a mené plusieurs opérations contre l’ALS, alors qu’elle évacuait la région, faisant deux tués parmi les “lahdistes”, plusieurs blessés et détruisant du matériel militaire.
L’épreuve qu’a vécue Jezzine depuis quinze ans, va-t-elle prendre fin avec son retour à la légalité, elle qui a trop souffert et payé depuis 1976?
 

A l’entrée de Jezzine, le député Nadim Salem 
et l’ex-député Edmond Rizk 
répondant aux questions des journalistes.

Sayed Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, recevant une délégation de notables de Jezzine.

AUTREFOIS: LA JOIE DE VIVRE
Située au flanc de la montagne à 1050 mètres d’altitude, à 32 km de Saïda et à 71 km de Beyrouth, Jezzine est une ville pleine de charme où il a toujours fait bon de vivre. Ses maisons d’architecture libanaise, en pierres de taille et toits en tuiles rouges, son site, ses hôtels, ses cafés et restaurants lui confèrent un cachet particulier. Elle jouit d’un merveilleux climat et d’une grande richesse agricole. Sa coutellerie est célèbre de par le monde.
Jezzine et sa région qui s’étend de Kfarfalous à Kfarhouné, englobant plus de 35 villages et une population de 150.000 habitants, ont toujours été un foyer de vie culturelle et intellectuelle donnant au pays des médecins, des avocats, des magistrats, des hommes politiques et de lettres, des historiens... Sa position géographique privilégiée en a fait un important centre de villégiature et un exemple de vie intercommunautaire, son caza étant d’ailleurs multiconfessionnel.

PLUSIEURS SITUATIONS POLITICO-MILITAIRES
Situées à la croisée des chemins entre le Chouf, la Békaa-Ouest et la partie méridionale du pays, Jezzine et sa région ne pouvaient, hélas! échapper à l’engrenage meurtrier des années de guerre, en subir les stigmates et les retombées à tous les niveaux.
Plusieurs situations politico-militaires s’y succèdent, imposées par la conjoncture interne et régionale.
De 1976 à 1982, l’armée syrienne s’y déploie pour soi-disant y préserver la sécurité face aux visées des Palestiniens et de leurs acolytes.
En juin 1982, avec l’opération “paix pour la Galilée”, la région passe sous le contrôle de “Tsahal” jusqu’en 1985, date du retrait de l’armée israélienne du Awali vers “la zone de sécurité”. Au moment du retrait, les villages chrétiens à l’est de Saïda sont pris d’assaut par des hordes armées et fanatisées, Palestiniens en tête. Chassées de leur foyer, des milliers de personnes se réfugient à Jezzine, y recevant aide, secours et visites de diplomates. Le monde s’émeut pour un laps de temps.  Le Vatican dépêche une mission pontificale que dirigera le père Buhigas, durant huit ans.
Avec la chute d’Iklim el-Kharroub aux mains des druzo-Palestiniens et l’exode forcé des habitants de l’est de Saïda, le général Lahd, dont les positions les plus avancées étaient à Kfarfalous, déploie aussitôt sa milice sur l’ensemble de la région.

ENTRE L’ENCLUME ET LE MARTEAU
Au plan militaire, Jezzine va se retrouver dans une situation ambiguë dès 1985. En se retirant du Awali, les Israéliens avaient évacué, en même temps, la localité qui, pour eux, ne fait pas partie du “cordon de sécurité” et ne rentre pas dans le cadre de la 425.
L’Etat libanais qui avait, à ce moment, la chance d’étendre sa souveraineté jusqu’à Jezzine, ne saisit pas cette opportunité et laisse, ainsi, le champ libre à l’ALS.
Placée entre l’enclume et le marteau, dans une situation de porte à faux vis-à-vis aussi bien de la légalité libanaise que de l’occupation israélienne, Jezzine et sa région vont dès les années 90, dépérir et se vider, progressivement, de leur population, face à l’indifférence générale. Mais, alors que le calme s’instaurait au Nord du pays avec la “légalité taéfienne”, Jezzine continuait à vivre son martyre, prise malgré elle dans un engrenage de violence, d’attaques meurtrières qui faisaient sans cesse des victimes innocentes.
Isolé du reste du pays, vivant dans une situation dramatique, le caza va se vider de sa population. En temps normal et au cours de la saison d’été, la région comptait 100 à 125 mille personnes. L’hiver, une bonne majorité de la population demeurait sur place, s’adonnant à de multiples activités agricole, artisanale, commerciale, culturelle et éducative, le tout favorisé par la présence des écoles et de centres hospitaliers.
Aujourd’hui, la région ne compte pas plus de cinq à six mille habitants demeurés sur place; une véritable léthargie enveloppe un secteur autrefois si prospère et actif.
Le retrait de l’ALS, les assurances sécuritaires fournies par l’Etat, par le président Emile Lahoud, en personne, un réglement équitable du sort des miliciens vont-ils, enfin, permettre à la région de retrouver sa vitalité d’antan, sa joie de vivre et le retour en force de ses fils?
Le test est à l’épreuve des jours et des semaines à venir; il exige un effort conjugué et suivi de tous et à tous les niveaux, afin que Jezzine et sa région retrouvent la paix et la liberté auxquelles ils aspirent depuis si longtemps. 


par  NELLY  HELOU

JEZZINE - POINTS DE VUE

MM. Samir Azar, député de Jezzine et Edmond Rizk, ancien ministre et parlementaire originaire de cette circonscription, mettent l’Etat libanais en garde contre l’abandon de cette localité à son sort après le retrait des “forces du fait accompli” ou ce qu’on appelle l’Armée du Liban-Sud. Car cela donnerait l’occasion aux “agents” de fomenter des  troubles parmi les habitants et, ce qui serait pire, de susciter des dissensions inter-communautaires.
Ils ont donc demandé le déploiement immédiat de l’armée libanaise dès le départ des “Lahdistes”.

SAMIR AZAR: “L’ÉTAT DEVRAIT DÉPLOYER L’ARMÉE DÈS LE RETRAIT DE L’ALS”

MM. Azar et Rizk jugent sérieuse l’opération du retrait, car ces forces sont incapables d’assurer leur propre sécurité; que serait-ce de celle des habitants de Jezzine?
Puis, ajoutent-ils, le Hezbollah et le mouvement “Amal” se sont engagés à ne pas pénétrer dans cette agglomération, leur mission se limitant à la libération du territoire.

PAS DE BATAILLES SANGLANTES
“En cas de retrait de l’ALS, déclare M. Azar, je ne m’attends pas à des batailles sanglantes entre la population de Jezzine et la Résistance nationale. Dans le passé, les effectifs de l’ALS avaient été redéployés sans incident à Bisri, Saïdoun et d’autres villages. Mais si cette fois, Israël devait susciter un mouvement séditieux parmi notre peuple au Sud, nous mettrions nos compatriotes en garde contre tout acte de nature à menacer la patrie et les citoyens.”
Et d’ajouter: “L’histoire du retrait n’est pas récente, elle avait été évoquée précédemment par l’ALS, sans se concrétiser, probablement, à cause du refus d’Israël. Je souhaite que ce sujet soit envisagé, sérieusement, pour permettre aux habitants de Jezzine de vivre en paix et, à ceux parmi eux qui ont pris le chemin de l’exode, de réintégrer leur village natal. De vingt mille, avant les affrontements entre la Résistance et l’ennemi israélien, ils ne sont plus que près de trois mille, aujourd’hui.”

COORDINATION AVEC LES USA
En réponse à une question relative au retrait de l’ALS sans accroc, le président de la commission parlementaire des Travaux publics déclare: “En tant que députés de la circonscription, nous coordonnons notre action avec les responsables.
“Le président Nabih Berri que j’ai contacté plus d’une fois, m’a informé qu’il avait conféré à ce propos avec M. David Satterfield, ambassadeur des Etats-Unis. Celui-ci doit me rendre visite, incessamment, dans mon bureau, pour un échange de vues sur le retrait des forces du fait accompli.
“Quant aux députés du Hezbollah, ils ont assuré maintes fois qu’ils ne sont pas concernés par la sécurité de Jezzine qui relève de l’Etat. Ils ne se laisseront pas entraîner par quelque opération provocatrice dans la région. Des contacts sont effectués avec le commandement de l’Armée libanaise pour obtenir le déploiement de ses effectifs dès l’évacuation de la localité par l’ALS.”

LE “HEZBOLLAH”
ET “AMAL” ONT PROMIS
DE NE PAS PÉNÉTRER DANS LA LOCALITÉ

LE PROBLÈME EST AVEC ISRAËL
M. Azar soutient que le problème n’oppose pas les Libanais entre eux, mais les Libanais aux Israéliens. “C’est pourqui, ajoute-t-il, nous devons être très vigilants dans cette étape particulièrement délicate et sensible, pour prévenir toute réaction préjudiciable à notre pays.
“Nous souhaitons que Washington exerce les pressions voulues sur l’Etat hébreu, afin que tout se déroule dans les meilleures conditions. Au cours des douloureux événements, les Libanais se sont exposés à des drames et des malheurs fomentés par Israël et ses agents, pour servir l’intérêt de notre voisin du Sud. Notre peuple réalise que ce dernier ne veut que le mal à notre patrie et à notre peuple.
M. Azar est persuadé que le général Lahd est déterminé à évacuer Jezzine et la région, mais attend le feu vert de Tel-Aviv qui lui fournit les armes, finance son “armée” et entraîne ses effectifs.
“Je ne crois pas que l’ALS soit en mesure de persévérer dans ses opérations, d’autant qu’elle n’est plus capable d’assurer sa propre défense.”


EDMOND RIZK:  “LA SITUATION DE JEZZINE EST SPÉCIALE
CAR ELLE SE TROUVE EN DEHORS DU CORDON FRONTALIER”

De son côté, M. Edmond Rizk observe que la situation de Jezzine est spéciale, “car elle se trouve géographiquement en dehors du cordon frontalier. Aussi, la localité n’est-elle pas concernée par la résolution 425 du Conseil de Sécurité.
“La région était sous la garde des forces syriennes entre 1976 et 1982. De plus, une brigade de l’armée libanaise formée de quatre-cents soldats y stationne, ainsi qu’une escouade des Forces de sécurité intérieure ayant deux postes à Sfaray et Rihane, en même temps que l’ALS.
“La Sûreté libanaise y fait acte de présence et s’acquitte des charges qui lui incombent. Le caïmacam s’acquitte, également, de ses obligations officielles, de même que la plupart des services gouvernementaux. Mais l’ALS a établi des barrages aux entrées de la ville rendant les déplacements difficiles”.
M. Rizk précise que la Résistance a pris l’ALS pour cible, ce qui a causé des tués et des blessés parmi la population.
“Naturellement, l’Etat hébreu ne se préoccupe pas du sort des habitants et depuis près de quinze ans, nous demandons aux responsables de donner l’ordre aux effectifs de l’armée qui y stationnent, de prendre en charge les missions sécuritaires. Après le retrait de l’ALS, les forces de la légalité libanaise devraient, normalement, s’y déployer en force.”

DANS L’ATTENTE
DE LA DÉCISION POLITIQUE
A la question: “Pourquoi l’Armée n’est-elle pas chargée de s’acquitter de cette mission?”, M. Rizk répond: “Parce qu’il n’existe pas de décision politique. J’avais interrogé à ce sujet le général Emile Lahoud, au temps où il était commandant en chef de la Grande Muette, il m’avait dit: Nous avons besoin d’une décision politique pour agir.
“Maintenant qu’il a accédé à la magistrature suprême, nous espérons qu’il prendra l’initiative qui s’impose. Le retrait de la localité n’exige pas de négociations, ni une dissociation des volets libanais et syrien. L’Etat est donc en mesure d’agir pour étendre son autorité dans l’espace que l’ALS évacuera”.

PAS DE CONFRONTATION AVEC LA RÉSISTANCE
M. Rizk affirme que les fils de Jezzine ne veulent pas une confrontation avec le “Hezbollah” et la Résistance, mais refusent toute occupation et réclament l’instauration de l’autorité de l’Etat. “Jezzine étant une localité soumise à la loi, ses habitants payent leurs impôts et s’enrôlent dans l’armée à l’instar de la Békaa, du Akkar et du Sud.”
A la question de savoir s’il y aurait une confrontation avec les forces israéliennes, au cas où l’Etat s’établirait à Jezzine, M. Rizk répond par la négative.
“L’Etat est appelé, dit-il, à prendre la décision d’étendre son autorité à la ville, dès le retrait de l’ALS.
“Nous refusons toute confrontation entre l’Armée libanaise et l’ennemi israélien ou l’ALS protégée par Israël.”

DÉMARCHES DIPLOMATIQUES
M. Rizk insiste sur les démarches diplomatiques entreprises en ce sens. “J’ai contacté le président Hoss, affirme-t-il, afin qu’il déclare la disponibilité de l’Etat à reprendre Jezzine dès le retrait des forces lahdistes. De même, le président Berri se montre coopératif dans ce domaine.”
M. Rizk ajoute, que Sayed Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, a plus d’une fois, déclaré que son but est la libération du territoire et refuse l’hégémonie de son parti sur n’importe quelle région, le rétablissement de la sécurité de tout territoire libéré relevant de l’Etat libanais.
“Cette attitude courageuse et stratégique du parti, sert l’intérêt national. Jezzine n’a connu aucun conflit confessionnel, malgré l’existence de plusieurs communautés: maronite, chiite, druze et autres.”

L’ÉTAT, RESPONSABLE
A la question: Si Israël provoquait des massacres après l’évacuation de Jezzine par l’ALS? M. Rizk répond: “L’Etat doit établir son autorité sur la ville, dès le retrait des milices de Lahd, afin de ne pas donner l’occasion à Israël de provoquer des massacres, comme ce fut le cas à la montagne et à l’est de Saïda. Si l’Etat tardait à prendre en main la situation, il serait responsable des problèmes qui surgiraient et dont on ne peut connaître l’ampleur.”
Et d’ajouter: “Le président de la Chambre a demandé à  l’ambassadeur US M. David Satterfield, de vérifier la véracité du retrait de l’ALS de Jezzine qui, contrairement à ceux qui considèrent cela comme émanant d’une décision israélienne, est une décision personnelle d’Antoine Lahd.

APPEL AUX “LAHDISTES”
M. Rizk appelle les éléments qui ont été contraints de rallier l’ALS, à ne pas fuir et à rester à Jezzine après le retrait, afin que l’Etat les considère comme de bons citoyens respectueux de la loi.
Nous ne voulons aucun comportement irresponsable, ni différend communautaire, abstraction faite de mon opposition ou mon allégeance politique. La structure actuelle n’est pas convaincante et nous avons besoin d’institutions nationales représentant toutes les catégories du peuple.

Propos recueillis par
NADIM ABOU-GHANNAM



Home
Home