MINISTRE DE LA RÉFORME ADMINISTRATIVE

HASSAN CHALAK:

“LA RÉFORME ADMINISTRATIVE
SE POURSUIVRA, MÊME SI UNE OPPOSITION POLITIQUE
EST DE NOUVEAU DÉCLENCHÉE”



 
En dépit des difficultés qui entravent l’action  du “Cabinet des 16”, M. Hassan Chalak, ministre de la Réforme administrative, reste optimiste  en ce qui concerne l’assainissement des services étatiques, dont il est le principal planificateur,  en sa qualité d’ancien responsable du Conseil  de la Fonction publique.
Passant outre aux critiques des détracteurs du Pouvoir, il justifie le retard à réaliser la réforme par la priorité que le gouvernement devait donner à la loi de finances, tout en reconnaissant l’existence de circonstances socio-politiques auxquelles l’opération se trouve en butte.
M. Chalak considère la dette publique comme plus dangereuse que la guerre “qui s’est terminée par les accolades entre les parties antagonistes”.
Aussi, s’interroge-t-il sur les moyens de se débarrasser d’une dette s’élevant à 18 milliards de dollars, dont les intérêts couvrent à eux seuls 40 pour cent du budget de l’Etat.
 

LA RÉFORME N’EST NI GELÉE NI AJOURNÉE
A la question: “La réforme administrative qui avait démarré en force, paraît gelée ou, tout au moins, ajournée; pourquoi?”, il répond: “Elle n’est ni gelée ni ajournée, mais se poursuit au ralenti, il est vrai, parce que le gouvernement était occupé à élaborer le projet de budget 99 au cours des deux derniers mois, lequel constitue la plus importante réforme devant figurer en tête des priorités. Car il freine les dépenses et les rationalise.
Dans tous les pays, la loi de finances nécessite plusieurs mois de préparation, alors que chez nous elle a été élaborée en deux mois et le ministre des Finances qui a vécu durant tout ce temps sous la pression, a eu un problème de santé. Le gouvernement devait s’atteler à l’élaboration du projet de budget en mai 98 et il ne s’est acquitté de cette tâche qu’à partir de janvier, le précédent Cabinet n’ayant pas pris la peine de le faire”.
Pourquoi n’avoir pas mené de front la réforme et la mise au point du projet de budget?
Cela n’était pas possible, pour la simple raison que le projet de budget a accaparé notre temps.
Puis, le Conseil des ministres n’avait pratiquement pas la possibilité d’examiner les rapports établis par les organismes de contrôle. De toute manière, la réforme est une opération permanente. Entre-temps, les organismes de contrôle ont rédigé les rapports requis sur base desquels il sera procédé au pourvoi aux postes vacants dans l’administration officielle et à la rotation au niveau des fonctions parmi leurs titulaires”.

DES ENTRAVES SOCIO-POLITIQUES
Tout gouvernement depuis l’avènement de l’indépendance a fait face à des difficultés ayant retardé la réforme et même certaines d’entre elles l’ont fait échouer... Il semble que le Cabinet Hoss n’échappe pas à la règle...
Toute réforme rencontre des entraves qui ne peuvent la compromettre, surtout quand des décisions fermes sont prises. Le discours d’investiture du président de la République était révolutionnaire, en ce sens qu’il a mis l’accent sur la nécessité d’opérer le changement à tous les niveaux et à édifier l’Etat des institutions.
Dites-moi, quel acte quelle qu’en soit la nature, ne suscite pas des difficultés?
Quelle est la nature des obstacles auxquels vous avez fait face jusqu’ici et sont-ils d’ordre politique?
Il existe des circonstances sociales et politiques, mais elles ne peuvent ni ne doivent bloquer la réforme, d’autant que la décision présidentielle à ce sujet est ferme. Quoi qu’il en soit, les difficultés d’ordre politique peuvent être surmontées.
Il ne faut pas perdre de vue les ennuis suscités par les fonctionnaires mis à la disposition de la présidence du Conseil. Certains d’entre eux se sont plaints auprès du Conseil d’Etat et ont été poursuivis pour des infractions ou quelque abus ayant entraîné leur incarcération. Je cite, à titre d’exemple, le cas de Nicolas Nasr, ancien directeur général du ministère du Pétrole.
Le cas des fonctionnaires mis à la disposition de la présidence du Conseil sera-t-il tranché dans un bref délai?
“Naturellement. Nous examinerons, incessamment, le dossier de chacun d’eux et ceux qui ne font l’objet d’aucun arrêt pour fraude, négligence ou autre chef d’accusation, seront affectés à un poste répondant à leurs qualifications et compétence; les autres seront déférés devant la juridiction qualifiée.
Parmi ceux qui ont été mis à la disposition de la présidence du Conseil, il en est qui sont poursuivis actuellement, tels Mouhib Itani et Nabil Jisr.
Ne croyez-vous pas qu’il existe des innocents parmi les fonctionnaires relevés de leurs fonctions?
Innocents à cent pour cent, je ne le crois pas. Certains fonctionnaires ne sont pas coupables d’infractions, d’exactions financières ou administratives, mais sont poursuivis pour négligence; autrement dit, pour n’avoir pas fait face à la volonté politique, celle-ci ayant agi souvent en violation des lois et règlements en vigueur.
Selon le décret-loi NÞ111, le ministre ne peut approuver une formalité, si le directeur général du département dont il détient le portefeuille n’y appose pas sa signature ou son paraphe. Dans ce cas, il doit, si la formalité lui paraît douteuse ou irrecevable, formuler sa réserve et émettre ses observations.
En général, les directeurs généraux laissaient les formalités passer, sans qu’ils s’y opposent, estimant ne pouvoir pas nager à contre-courant, surtout si le représentant du Pouvoir politique donnait son feu vert. Ils ne s’acquittaient donc pas de leur devoir. C’est de la pure négligence de leur part.
Lorsque des formalités nous parvenaient au Conseil de la Fonction publique, nous la retournions au directeur général quand il n’y apposait pas sa signature.

• IL N’EXISTE PAS D’INNOCENTS PARMI LES
FONCTIONNAIRES RELEVÉS DE LEURS FONCTIONS

• LE DOSSIER DE LA RÉFORME N’A PAS ÉTÉ
TRANSFÉRÉ AUX ORGANISMES
DE CONTRÔLE; ET C’EST MOI QUI LE SUIS

• LE PAYS A PÂTI DES CABINETS POLITIQUES

On constate que la cabale déclenchée par l’opposition contre le dossier de la réforme administrative s’est apaisée, après que le projet de budget a été transmis à la Chambre. Comment expliquez-vous cela et cette trêve peut-elle favoriser la relance en force de la réforme?
Nous ne pouvons porter, à l’avance, un jugement sur l’attitude qu’adoptera l’opposition après le vote du budget. Ce que je peux dire, c’est que la réforme administrative se poursuivra, même si une opposition politique était de nouveau déclenchée contre le gouvernement. Vous pouvez être tranquille à ce sujet.
L’opposition a accusé le Pouvoir d’entreprendre l’assainissement de l’administration étatique par esprit de vengeance et vous soupçonne, personnellement, de chercher à vous venger du président Hariri...
Que Dieu leur pardonne, c’est tout ce que je peux dire, car je ne voue aucune haine ni rancune à qui que ce soit.
Les technocrates prévalent au sein de l’actuel Cabinet, ce qui porte certains à soutenir que le gouvernement manque de représentation ou de poids politique.
Dans tous les gouvernements du monde, on a recours aux technocrates et ce n’est pas la première fois que ceux-ci font partie du Cabinet au Liban. Le premier gouvernement du président Camille Chamoun était formé de technocrates; je cite entre autres Khaled Chéhab et Salim Haïdar. Il en fut de même avec le premier Cabinet du président Sleiman Frangié qui fut appelé le “gouvernement des jeunes” dont faisaient partie Khalil Abouhamad, Elias Saba et le Dr Emile Bitar.
Le président Amine Gemayel a nommé des technocrates dans sa première équipe ministérielle. Le “Cabinet des quatre” composé en 1952, était formé de technocrates et il a entrepris une réforme durant la même année... Puis, les Cabinets constitués par le président Hariri n’ont pas manqué de technocrates; je cite parmi ses ministres: Fouad Sanioura, Bahije Tabbara et d’autres.
Nous avons expérimenté les Cabinets politiques et avons obtenu les résultats que chacun connaît. Depuis 1992, un seul chef de gouvernement a occupé la présidence du Conseil et sous son mandat nous avons totalisé une dette publique considérable, plus dangereuse que la guerre, laquelle s’est terminée par les accolades et la réconciliation.
La question qu’on se pose maintenant est la suivante: Comment nous débarrasser d’une dette publique qui se monte à 18 milliards de dollars, les intérêts représentant à eux seuls 40 pour cent du budget?

• JE NE CHERCHE PAS À ME VENGER DU
PRÉSIDENT HARIRI... QUE
DIEU LEUR PARDONNE!

• LA DETTE PUBLIQUE EST PLUS DANGEREUSE
QUE LA GUERRE, LAQUELLE S’EST
TERMINÉE PAR DES ACCOLADES

• LA PRIVATISATION DU PORT
RAPPORTERA UN REVENU
SUBSTANTIEL À L’ETAT

Etes-vous pessimiste?
Je ne le suis pas, tant que la réforme se poursuit. Le budget actuel a abaissé des chiffres qui s’arrondissaient auparavant d’une façon arbitraire. Aujourd’hui, nous assistons à la rationalisation des dépenses. De même, la privatisation de certaines institutions, le port notamment, rapportera un revenu substantiel à l’Etat.

QUID DE LA PRIVATISATION?
Peut-on considérer que la dernière attitude du président Berri relative à la privatisation se situe dans le cadre d’un jeu politique?
L’article 89 de la Constitution stipule, littéralement, que tout engagement n’est accordé que selon une loi. Il y a une différence entre les expressions “est accordé par une loi” et “n’est accordé que selon une loi”.
Que peut-on attendre du gouvernement? Présentera-t-il un projet de loi propre à toute institution ou tout secteur qu’il compte privatiser?
C’est ce qu’il doit faire. La question sera étudiée prochainement en Conseil des ministres.
Quels secteurs seront-ils privatisés?
Le port de Beyrouth. Un comité spécial, dont je ne fais pas partie, étudie ce dossier.
La privatisation rapportera-t-elle à l’Etat un revenu important?
Elle peut contribuer au règlement des problèmes financiers. Adoptée dans les plus grands pays du monde, elle a donné de bons résultats.
Pourquoi y a-t-il eu opposition à la privatisation sous le Cabinet Hariri?
Qui allait procéder, à l’époque, à la privatisation, l’Assemblée nationale ou le Conseil des ministres? La Poste a été privatisée en vertu d’un décret et non d’une loi. Mais la situation sera différente lorsque l’Assemblée nationale donnera son feu vert.

LE LÉGISLATIF, PREMIER CONTRÔLEUR DE L’EXÉCUTIF
D’aucuns considèrent la déclaration du président Berri comme un retour aux tractations entre les Pouvoirs exécutif et législatif. Qu’en dites-vous?
Je n’y crois pas. Dans tous les pays du monde, le pouvoir législatif est le premier et dernier contrôleur de l’action gouvernementale.
Votre différend avec M. Sleiman Frangié fait-il suite à un désaccord politico-technocratique?
Ce différend ne s’est pas prolongé au-delà d’une semaine et n’a pas laissé des séquelles.
On dit que la participation des organismes de contrôle à l’élaboration du dossier de la réforme administrative et son suivi a mis fin au désaccord.
Cela n’a rien à voir avec la question.
Comment expliquez-vous le transfert du dossier de la réforme que vous déteniez, aux organismes de contrôle?
Cela n’est pas vrai. Je suis, quotidiennement, l’affaire de la réforme. Les organismes de contrôle jouent leur rôle. Dès le début, j’ai demandé la réactivation de ce rôle et nous ne voulons pas accaparer le travail de ces organismes.

RÉACTIVATION DES ORGANISMES DE CONTRÔLE
Avez-vous un plan pour réactiver les organismes de contrôle?
Le plan est connu et il est demandé d’appliquer les lois et règlements y relatifs. La réforme administrative effectuée durant le mandat du président Fouad Chéhab a constitué les organismes de contrôle dont il ne faut pas entraver le rôle.
Les organismes de contrôle n’ont-ils pas besoin d’être réformés?
Rien n’empêche cela. Nous pouvons commencer en procédant au pourvoi des postes vacants. D’ailleurs, nous entreprenons, aujourd’hui, la réorganisation de l’administration financière.
Ces mêmes organismes existaient dans le passé mais n’ont pas accompli leur rôle; pourquoi?
Ils en étaient empêchés. J’étais, à l’époque, président du conseil de la fonction publique et je sais exactement comment les choses se passaient. J’étais empêché de me rendre au parlement et au Conseil des ministres.
Le gouvernement actuel est-il appelé à durer?
Cela dépasse mes connaissances.
Qu’en est-il de la nouvelle loi électorale?
Je la souhaite moderne et répondant aux aspirations des Libanais.
Avez-vous l’intention de poser votre candidature aux prochaines législatives?
Non. Si j’en avais l’intention, je me serais porté candidat dans les années cinquante.

Propos recueillis par
HODA CHÉDID

 
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