Les traces du sang sur le sol. |
La salle de tribunal, scène du massacre. |
Israéliens? Palestiniens? Mafieux? Il est, peut-être, encore
trop tôt pour se prononcer. Néanmoins, aucune piste n’est
négligée et les moindres détails ou témoignages
sont pris en considération. Partant de ces données, les enquêteurs
se sont lancés dans diverses pistes, en attendant de s’engager sur
celle qui les conduira aux exécutants; puis, aux commanditaires:
- La première piste va dans le sens d’un ou de plusieurs groupes
mafieux qui chercheraient à terroriser le corps judiciaire statuant
sur des crimes de droit commun et de corruption. Même si cette hypothèse
est retenue, elle reste la moins plausible. En effet, aucun des huit prévenus
qui se trouvaient dans la salle du tribunal, n’a profité de la panique
qui a suivi la fusillade pour prendre la fuite. D’autre part, il aurait
été plus simple pour les assassins d’intimider, individuellement,
les magistrats, au lieu de les abattre en pleine audience, cette opération
nécessitant une planification et une exécution minutieuses.
- La deuxième piste mène aux camps palestiniens du Sud
(notamment celui d’Aïn el-Héloué) qui se sont transformés
en véritables forteresses, que les forces légales libanaises
encerclent mais où elles ne pénètrent pas. Aussi,
cette hypothèse est-elle étayée par le fait qu’une
des mitraillettes abandonnées sur les lieux du crime, porte le nom
d’une organisation palestinienne. Mais cette curieuse “négligence”
pourrait, également, être intentionnelle pour brouiller les
pistes et pousser l’Etat à sévir contre les camps qui abritent
les criminels de tout acabit et dont le moindre est l’illustre Abou Mahjan.
- La troisième accusation vise l’Armée du Liban-Sud.
En effet, cette tuerie intervient après son retrait de Jezzine et
au moment où ses hommes originaires de la ville se soient rendus
à l’Etat. Ainsi, certains estiment que cet acte terroriste est un
message clair au pouvoir judiciaire chargé de statuer sur leur sort,
pour l’empêcher de les condamner. Ajouter à ceux-là
les recrues de l’ALS vivant dans le cordon de sécurité et
qui craignent pour leur vie, après le retrait israélien du
Sud, prévu à plus ou moins brève échéance.
- La dernière hypothèse: Israël cherche à
saper les fondements d’un pays en voie de rétablissement, ou à
exercer des pressions pour amener l’Etat libanais à négocier
des arrangements de sécurité, d’autant que l’Etat hébreu
a échoué jusqu’ici dans la conclusion de tels arrangements.
Israël aurait, également, été surpris par le
retour de Jezzine dans le giron de l’Etat libanais, sans problème
ni effusion de sang; il voudrait, par conséquent, affaiblir le Liban
avant toute négociation.
Quoi qu’il en soit, le massacre de Saïda est l’œuvre de professionnels
et la réaction officielle libanaise illustre clairement la portée
politique de cet acte ignoble
- Le magistrat Hassan Osman: Originaire de Zaarourieh; était
âgé de 63 ans. Marié à Bahija Solh et père
de Karim et de trois filles Mona, Rima et Roula.
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LES FAITS
La fusillade s’est produite mardi vers 12h10, au moment où le
juge Hassan Osman présidait une audience de la Cour criminelle du
Liban-Sud. Il était entouré de ses assesseurs Walid Harmouche
et Imad Chéhab, ainsi que du procureur général du
Sud, Assem Bou-Daher. Selon les témoignages, les tirs sont dirigés
à partir de la fenêtre située derrière leurs
sièges, la salle du tribunal se trouvant au rez-de-chaussée
du palais de Justice. Les magistrats sont tués sur le coup. Un greffier,
un avocat, deux policiers et deux civils sont blessés.
La panique suit l’horreur. L’armée et les FSI bouclent le secteur.
Mais il est déjà trop tard. Après la fusillade qui
dure moins d’une minute, les assaillants au nombre de deux s’enfuient en
direction de la rue Riad el-Solh, laissant derrière eux leurs armes.
Certains témoins ajoutent que deux ou trois autres complices faisaient
le guet dans le parking situé du côté de la mer.
Le cortège funèbre du juge Osman. |
Mesures de sécurité exceptionnelles. |
Fermeture complète des commerçes.
LES RÉACTIONS ET LES MESURES
Aussitôt après le massacre, des mesures de sécurité
draconiennes sont prises à Saïda et aux abords du camp d’Aïn
el-Héloué. Les réunions des services de sécurité
et de renseignements se succèdent. Le ministre de l’Intérieur,
Michel Murr, réunit d’urgence le Conseil de sécurité
régional. Des dizaines de personnes, ainsi que plusieurs gardiens
du palais de Justice de Saïda sont arrêtés. Le Conseil
supérieur de la magistrature décrète un deuil de trois
jours et suspend les audiences dans tous les tribunaux du pays.
Mercredi soir, le Conseil des ministres décide, à la
demande du président Emile Lahoud, de déférer l’affaire
devant la Cour de Justice. L’armée est chargée d’aider les
FSI à maintenir l’ordre à Saïda et autour des camps
palestiniens.
Jeudi et à l’heure de mettre sous-presse, le Liban était
encore bouleversé, voire même révolté, alors
que le silence des morts régnait dans les palais de Justice.