MINISTRE DE LA SANTÉ

DR KARAM KARAM:

“NOUS ŒUVRONS POUR UNE RÉFORME SANITAIRE GLOBALE AU LIBAN”


Il se distingue par son calme, la sérénité de sa pensée et la transparence de son discours politique. A la tête du ministère de la Santé, le Dr Karam Karam attaque de front les problèmes et les obstacles auxquels il se trouve en butte, n’ayant de cesse jusqu’à les régler ou les aplanir.
Natif de Khiyam, localité sudiste actuellement occupée, où son père a été victime du devoir puisqu’il y a été tué par les Israéliens au moment où il s’acquittait d’une mission humanitaire, que souhaite-t-il pour son village natal, après la libération de Jezzine? “Mon plus cher souhait, dit-il, est que le cordon frontalier et le Liban tout entier recouvrent la liberté et jouissent du bien-être après leur dure épreuve. J’attends avec impatience le jour où Khiyam et toutes les agglomérations sudistes placées sous l’occupation, retrouveront leur liberté et communiqueront, sans entrave, avec toutes les régions libanaises.”

NOUVELLE POLITIQUE SANITAIRE
Plus d’un dossier à problèmes se posent au ministère de la Santé, ceux des hôpitaux privés, de la sécurité sociale et des compagnies d’assurances. Disposez-vous d’un plan déterminé en vue d’une politique sanitaire répondant aux impératifs de l’heure?
Certainement. Vous savez que le système sanitaire au Liban est sectionné et réparti entre divers domaines, d’une part et entre les secteurs public et privé, d’autre part.
Puis, le ministère est responsable d’une large frange de citoyens privés de toute couverture médicale, la Caisse nationale de sécurité sociale s’occupant des seuls citoyens qui y sont inscrits. Il existe d’autres institutions limitant leur action à des catégories déterminées: la Mutuelle des fonctionnaires, le Fonds de soutien aux forces de sécurité intérieure et de l’armée. Mon département étant responsable, en définitive, de la santé de tous les citoyens, nous nous soucions de les placer tous sous la même ombrelle.
Partant de là, j’ai soumis un projet de réforme sanitaire au Conseil des ministres qui l’a approuvé et nous avons constitué un organisme de réforme sanitaire sous la présidence du chef du gouvernement, comprenant des ministres qualifiés. Un comité technique sera, également formé, représentatif des syndicats et des secteurs en rapport avec la santé.
Cet organisme est tenu de présenter dans un délai de douze mois, des propositions pratiques en vertu desquelles nous pourrons assurer l’hospitalisation au plus grand nombre de Libanais. Ainsi, il nous sera possible de garantir une prévention sanitaire, à travers la réactivation des institutions internationales qualifiées. De plus, il sera procédé à la réorganisation des professions de médecin, de pharmacien et de chirurgien-dentiste, tout en assurant les médicaments à des prix abordables.

PAS DE MÉDICAMENTS PÉRIMÉS
On parle beaucoup de produits pharmaceutiques périmés importés de pays qui en interdisent la vente. Est-ce exact?
Il s’agit de rumeurs tendancieuses, car les médicaments admis au Liban d’une manière régulière et légale, sont soumis au contrôle de comités dont les membres sont connus pour leur expérience et leurs qualifications. Tout produit pharmaceutique importé doit être dûment enregistré et autorisé.
Le bureau national du médicament n’a pratiquement pas fonctionné jusqu’à ce jour et le président de son conseil d’administration fait actuellement l’objet de poursuites pour malversations...
Le bureau national du médicament a été créé il y a seize ans, en vertu d’une loi suivie d’un décret d’application en vue de l’organisation de ses activités. Quand j’ai pris en charge le ministère de la Santé, des problèmes en suspens concernaient ses fonctionnaires et les contractuels parmi les pharmaciens.
Ce sujet nous intéresse au plus haut point, car il importe de trancher la question des médicaments de façon à alléger leur facture. La loi autorise ce bureau à importer les produits pharmaceutiques de n’importe quelle source et de contraindre toutes les institutions du secteur public d’y commander les médicaments dont elles ont besoin.
Les tâches dudit bureau sont donc grandes et il nous faut agir sans plus de retard pour en hâter l’organisation, de façon à lui permettre de s’acquitter de sa mission. Quant au personnel objet de poursuites judiciaires, nous laissons à la justice toute latitude de statuer sur son cas.

LES HÔPITAUX GOUVERNEMENTAUX
ET PRIVÉS SE COMPLÈTENT
Quand les hôpitaux gouvernementaux prendront-ils la relève des hôpitaux privés?
Ni au Liban, ni dans aucun autre pays, les hôpitaux gouvernementaux ne peuvent supplanter les hôpitaux privés, car les deux se complètent, les seconds, à l’instar de toutes les institutions du secteur privé, jouissant de la liberté de mouvement.
Puis, certains Etats ont renoncé à l’hospitalisation dans le secteur public au profit de celle du secteur privé. C’est le cas de la France et de la Suède; dans le second pays, ce sera fait en l’an 2002.
Au Liban, nous nous soucions de renforcer le secteur public et deux établissements hospitaliers publics sont en cours de construction, auxquels nous accorderons une certaine autonomie dès qu’ils deviendront fonctionnels.
Envisagez-vous d’annuler les contrats signés avec les hôpitaux privés?
Pas du tout. Au contraire, nous envisageons de les renforcer.
Où en est la construction du nouvel hôpital gouvernemental?
Nous en sommes à l’étape des travaux de finissage; plus précisément, aux installations électriques, hydrauliques et des égouts. Or, les équipements doivent y être introduits à travers l’entrée sud, mais malheureusement des squatters occupent des terrains proches des bâtiments. Nous nous employons à trouver une solution au cas de ces personnes.
Où en est l’affaire des factures impayées des hôpitaux privés qui menacent de suspendre toute coopération avec le ministère de la Santé?
Je souhaite disposer des crédits suffisants pour acquitter ces dettes, dès aujourd’hui. Les factures sont transmises au ministère des Finances et il s’agit d’une question de temps. Nous demandons donc aux contrôleurs financiers de hâter l’examen des redevances hospitalières et de débrouiller les fonds nécessaires pour permettre aux hôpitaux de poursuivre leur travail.
Je ne révèle pas un secret en disant qu’une partie des dettes sera payée avec des bons du Trésor. Quoi qu’il en soit, nous tenons à préserver notre crédibilité et nos bons rapports avec les hôpitaux privés.

• LES DOSSIERS DU MINISTÈRE
SONT À LA DISPOSITION
DE LA JUSTICE ET DES
ORGANISMES DE CONTRÔLE

• JE RATIONALISE LES DÉPENSES
DE MON DÉPARTEMENT DANS
LA MESURE DU POSSIBLE

• TOUT MÉDICAMENT IMPORTÉ
DOIT ÊTRE DÛMENT
ENREGISTRÉ ET AUTORISÉ

GASPILLAGE À LA SANTÉ?
Le rapport de la Cour des comptes fait état de gaspillage au ministère de la Santé. Il y est précisé que votre prédécesseur, M. Sleiman Frangié, a été contraint d’engager des dépenses d’une manière illégale pour couvrir les frais d’hospitalisation de citoyens de condition modeste.
D’après l’accord conclu entre le ministère et les hôpitaux privés, l’Administration couvre 85 pour cent des frais et le malade 15 pour cent. Il faut reconnaître que du temps de M. Frangié et, actuellement, le ministère est tenu d’assurer les frais d’hospitalisation d’une large frange de citoyens ne bénéficiant d’aucune assurance médicale, dont la situation financière ne leur permet même pas de couvrir 15% des frais.
Je passe moi-même dans cette triste expérience et je me suis employé à rationaliser les dépenses dans la mesure du possible.

• NOUS PROJETONS DE CRÉER
UNE CAISSE GARANTE DE TOUTES
LES CATÉGORIES ET D’ASSURER
LES MÉDICAMENTS À DES PRIX LOGIQUES

•LES COMPAGNIES D’ASSURANCES
DOIVENT ÊTRE MIEUX CONTRÔLÉES

• NOUS RENFORCERONS
LES CONTRATS AVEC LES HÔPITAUX PRIVÉS
DONT CERTAINES FACTURES SERONT
PAYÉES AVEC DES BONS DU TRÉSOR


VERS UN CONTRÔLE STRICT
DES COMPAGNIES D’ASSURANCES
Ne serait-il pas préférable de restreindre l’assurance médicale à une institution unique, au lieu de la répartir entre les compagnies d’assurances, la CNSS, les dispensaires et la Mutuelle des fonctionnaires?
C’est juste, mais nous ne pouvons pas prendre des mesures arbitraires qui donneraient des résultats différents de ceux qu’on veut obtenir.
Justement, la réforme sanitaire en cours d’élaboration, vise à atteindre cet objectif d’une manière progressive. Pour cela, nous veillerons à uniformiser la terminologie des institutions opérant dans le domaine de l’assurance médicale, aux plans du contrôle de la facture d’hospitalisation, de l’action médicale proprement dite, de la fixation des honoraires des médecins, etc...
Pourquoi le gouvernement n’instituerait-il pas un contrôle strict sur les compagnies d’assurances, comme c’est le cas par rapport aux banques, pour éviter les faillites?
Nous avons conscience de la gravité de cet état de choses dont les citoyens payent les pots cassés. Je tiens, toutefois à préciser, que les compagnies d’assurances relèvent du ministère de l’Economie et non de la Santé.
Quoi qu’il en soit, la réforme sanitaire imposera un contrôle sur ces compagnies au double plan de leur capital et des services qu’ils rendent aux assurés.
Les prévisions budgétaires du ministère de la Santé satisfont-elles votre ambition?
J’aurais souhaité que ces prévisions fussent plus élevées, pour pouvoir répondre aux besoins du pays dans le domaine sanitaire. Pour le moment, le ministère s’acquitte des tâches qui lui incombent et relèvent de ses attributions dans la mesure de ses possibilités.
Vous avez accédé à la politique par la grande porte ministérielle. Envisagez-vous de briguer un siège parlementaire, d’autant que les législatives approchent?
Chacun sert son pays de la position où il se trouve et selon sa spécialisation. Si la politique doit se traduire par l’engagement dans le service public, je rappelle qu’en tant que médecin, je me suis toujours acquitté d’une telle mission. Cependant, je n’apprécie pas l’action politique, si elle doit s’exercer dans un horizon limité à un champ et un cadre déterminés.
 

Propos recueillis par
JOSEPH MELKANE

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