Editorial


Par MELHEM KARAM 

 

I - LES ÉLECTIONS EUROPÉENNES ET LA NON-IMPLANTATION 
DE L’EUROPE DANS LE CŒUR DE SES CITOYENS
II - LES DIPLOMATES RUSSES DANS LA FOSSE DES SOUFFLEURS?
Les élections européennes ont enregistré, dimanche dernier, le recul de la gauche en Allemagne, en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, en Belgique, en Grèce et en Finlande. Les socialistes et les communistes ont perdu, au profit de la droite et des conservateurs, sauf en France. Aussi, une nouvelle majorité siègera-t-elle au parlement de Strasbourg.
Dans onze Etats, 298 millions d’électeurs étaient invités à choisir 626 députés européens.
En France, on prévoyait l’élection de Charles Pasqua et Philippe de Villiers, aux dépens des candidats du parti gaulliste, celui du président Chirac dont la liste était présidée par Nicolas Sarkozy. En Grande-Bretagne, les conservateurs ont battu Tony Blair. En Italie, la droite était en tête et, en Allemagne, Gerhard Schroder a été le premier à reconnaître sa défaite. Ce qui a frappé en France, c’est la dislocation du Front national, après le désaccord entre Le Pen et Mégret et la montée des “Verts” sous la direction de Daniel Cohn Bendit.
Ainsi, les conservateurs deviendront le parti le plus nombreux au parlement de Strasbourg et le nombre des socialistes a baissé de 214 à 183 sur un total de 626 sièges, le Parti populaire européen occupant 215 sièges.
L’abstention a été la marque dominante des élections européennes. En France, les abstentionnistes ont constitué 54%, alors qu’ils ont atteint 70%dans d’autres pays, le nombre des votants ayant été de 24%en Grande-Bretagne.
Charles Pasqua, le gaulliste, refusait un rôle dans l’effondrement de la liste du parti que présidait Sarkozy. Il a ajouté à la liste de la droite française, le gaulliste, le libéral et le centriste, un quatrième membre, le nationaliste. De là, il s’est lancé pour fonder un nouveau parti, divisant le “Rassemblement pour la République” en deux, tout en torpillant l’avenir de Chirac et sa chance dans un nouveau mandat, au profit de son adversaire, le Premier ministre Lionel Jospin.
En Suède, les socio-démocrates ont régressé et la Finlande a enregistré la victoire des conservateurs. En Hollande, où les abstentionnistes ont été de 70%, l’opposition chrétienne démocrate l’a emporté. En Allemagne, le parti démocrate-chrétien s’est révolté et a obtenu 50% des voix, contre 31% à Schroder et à son parti. Au Luxembourg, les “Verts” ont disparu, définitivement, en perdant leur siège au profit des libéraux. Il en est de même pour le parti social chrétien. En Italie, la chute de la gauche a été un indice grave pour le centre gauche.
La régression de la gauche, de même que la baisse des participants et le nombre élevé des abstentionnistes sont autant de phénomènes ayant leur signification. Depuis Helsinki jusqu’à Lisbonne, en passant par Paris, Londres et Bonn, le nombre des abstentionnistes s’est élevé de 39% en 1984, à 42,2% en 1994. Cette proportion n’a cessé d’augmenter, jour après jour, ce qui signifie que l’Europe unifiée n’est pas bien ancrée dans le cœur des Européens. Que Mastricht, l’Euro, la situation dramatique politico-économico-sociale européenne, tout cela suscite l’indifférence, sans pousser à la tranquillité et à l’optimisme.

- II -

Moscou est sorti vaincue de la guerre du Kosovo, surtout après la déclaration de Madeleine Albright où elle disait qu’il n’est pas question de céder une position spéciale à l’armée russe parmi les forces de la paix au Kosovo, parce que ce serait un retour à la partition. Puis, parce que ce serait créer des positions de force auxquelles les rebelles et les ennemis de la paix pourraient recourir. L’entrée des forces russes au Kosovo avant les “Alliés”, n’était pas une victoire dans le sens véritable, mais davantage un acte de parade sans contenu, ni signification. Le fait pour le président Eltsine d’avoir promu le général Victor Zavarzine “héros” de cette initiative, paraît être une rigolade.
La Russie faible, conséquence de la guerre froide et de la guerre d’usure, reste dangereuse plus qu’elle n’est exposée à l’avilissement et victime d’un moral branlant.
Après la capitulation de Milosevic et le retour de Kosovo à ses habitants, la question posée par les Occidentaux, n’est pas de savoir autour de quoi négocier, mais avec qui engager des négociations.
Igor Ivanof, ministre russe des Affaires étrangères, a été le premier à condamner le déploiement russe en premier au Kosovo, disant: “C’est une erreur déplorable”. Ainsi, a réagi Victor Tchernomyrdine qui s’est exclamé: Nous ne comprenons rien à ce scénario.
Le général Zaverzine, ancien représentant de la Russie à l’OTAN, a trouvé un allié en la personne de Léonide Ivatchov, vice-ministre de la Défense, qui a accompagné Tchernomyrdine lors de sa dernière rencontre avec Milosevic. Ne cachant pas sa colère à son retour à Moscou, il a dit: “Nous autres militaires, dans le fond de notre cœur, ne sommes pas satisfaits de maintes prises de position dans le plan de paix”. Il est connu pour son opiniâtreté et sa disposition à perdre son poste en disant la vérité et en œuvrant pour assurer le succès de ses plans, comme il l’avait fait le jour où il avait dénoncé la corruption dans l’armée soviétique.
Ainsi, les militaires orientent le Kremlin vers la voie juste. C’est de nouveau, la guerre froide. En 1989 et jusqu’à obtenir l’accord de Moscou sur l’unification des deux Allemagnes, l’OTAN s’est engagé à ne pas s’étendre en direction de l’Est. Depuis ce temps, les Russes ont réalisé ce que signifient ces promesses... Puis, la guerre d’usure a commencé.
Les Etats-Unis qui négocient le plan de la répartition des soldats, ont manifesté contre leur gré de la souplesse. C’est que la Russie, même affaiblie, demeure une force nucléaire géante dont on doit tenir compte. Sa puissance atteint une dimension qui lui donne l’impression d’être traitée d’une manière humiliante.
Ainsi, les diplomates russes redoubleront d’efforts, afin de convaincre les militaires de réintégrer leurs casernes et d’obéir aux ordres émanant de la direction politique, pour revenir à la fosse des souffleurs dans le théâtre politique. 

Photo Melhem Karam

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