DÉPUTÉ DE TRIPOLI

MISBAH AHDAB:

“LA JEUNESSE LIBANAISE EST DÉÇUE...”

“Le gouvernement est appelé à présenter un plan clair pour le redressement socio-économique, alors qu’il tarde à prendre certaines décisions et initiatives de nature à mettre fin au marasme”, déclare M. Misbah Ahdab.
Le député de Tripoli pense que cet état de choses effarouche les investisseurs qui hésitent à exécuter des projets dans nos murs. Par ailleurs, il appuie la réforme administrative et les poursuites engagées contre certains responsables, hauts fonctionnaires et autres prévenus. “Mais, ajoute-t-il, 
on doit attendre la fin de leur procès pour les juger.”
“Le pays a besoin d’un homme comme le président Emile Lahoud”, affirme le parlementaire nordiste, qui souhaite l’élaboration de la nouvelle loi électorale dans le plus bref délai.
 

M. Ahdab se dit opposant, “car je ne suis pas satisfait de la situation actuelle”. Il rappelle qu’il a accordé la confiance au “Cabinet des 16” dans l’espoir qu’il prendra des initiatives susceptibles d’améliorer les conditions de vie des Libanais.
“Mais, quelques mois après le vote de confiance, ajoute-t-il, on ne décèle pas encore les signes d’une nette amélioration au plan socio-économique, le gouvernement n’ayant pas présenté un plan clair pour favoriser le changement tant souhaité et attendu!
Dans quel domaine ou secteur souhaitez-vous ce changement?
J’ai préconisé une nouvelle politique fiscale qui tarde à être élaborée. On a eu droit seulement à une stabilité au plan législatif. En ce qui concerne le développement, on ignore encore quels projets seront exécutés ou gelés, surtout au plan social. Puis, que compte faire le ministère de la Santé au plan de la politique sanitaire, d’autant que ce département couvre une faible proportion des frais d’hospitalisation des citoyens de condition modeste et à revenu limité? Est-il besoin de rappeler que certains établissements hospitaliers refusent d’admettre les malades avant que ces derniers versent une somme déterminée à titre d’acompte? J’attends de connaître le plan de ce ministère pour être rassuré quant à l’avenir car, actuellement, on ne sait où on va! Il en est de même au plan pédagogique: on s’attendait à l’élaboration d’un plan quadriennal ou quinquennal; malheureusement, on ne voit rien venir. Le gouvernement se préoccupe, surtout, de réduire le déficit budgétaire, ce qui est important, mais ce n’est qu’une partie à traiter en vue du redressement économique. Il faut encourager les investisseurs à s’intéresser à certains projets d’utilité publique qu’ils pourraient contribuer à financer.
Comment jugez-vous la réforme administrative?
J’ai toujours insisté sur la nécessité de mettre fin aux abus et aux malversations qui se produisent dans les domaines administratif, financier, politique et social.
Le gouvernement a mené deux projets de front: la réforme administrative et l’ouverture de certains dossiers. La réforme ne s’est pas achevée, en raison d’erreurs que le président Hoss a admises. Il a demandé un délai de trois semaines pour y remédier. Or, des mois se sont écoulés sans que l’assainissement de l’administration étatique soit poursuivi. Cela est dû au fait que les mêmes critères n’ont pas été pris comme base des poursuites engagées contre les prévenus. En ce qui a trait aux dossiers, il est normal que les personnes coupables d’abus et de malversations soient châtiées, mais on ne doit rien divulguer des enquêtes en cours avant le prononcé du jugement par les juridictions qualifiées.
D’aucuns disent que les investisseurs ne viendront pas au Liban avant la fin de la réforme administrative; partagez-vous cet avis?
C’est exact, mais les investisseurs ne viendront pas si la réforme est réalisée d’une manière partielle. En d’autres termes, s’ils apprennent que certaines personnes ont été poursuivies, alors que d’autres non moins coupables ne sont pas inquiétées.
Que voulez-vous dire au juste?
Il ne faut pas que des catégories politiques déterminées fassent l’objet de poursuites judiciaires, alors que d’autres n’encourent aucun châtiment ni blâme...
A ce propos, je constate que la jeunesse libanaise qui attendait un changement effectif a été déçue, sa capacité et son apport à l’édification de la patrie n’ayant pas été pris en considération, le même système politique étant en place mais avec de nouveaux visages. Ainsi, en tant que membre de l’Assemblée, est-il logique que je sois ignoré par Télé-Liban? En ma qualité de représentant du Législatif, je n’ai pas le droit d’y exprimer mon point de vue, ni d’y paraître! Nous vivons dans un pays démocratique et la télévision d’Etat est tenue de donner leur chance à tous les citoyens d’exposer leur point de vue sur les problèmes de l’heure.
Le président Hariri avait suivi cette tactique quand il était Premier ministre...
J’ai rallié l’opposition en ce temps-là, justement à cause de la loi qu’il a élaborée pour gérer l’audiovisuel et j’ai voté contre le projet. Aussi, m’a-t-on classé parmi les opposants...
On parle souvent de prostration. Est-ce vrai et, dans l’affirmative, quelle en est la cause?
Les citoyens constatent que le gouvernement a des difficultés à satisfaire certaines exigences. Il y a une prostration générale, d’autant que les gens qui commençaient à espérer ont peur de l’avenir aujourd’hui. Selon la Constitution libanaise, le chef du gouvernement doit être sunnite. Bien que nous apprécions la probité du président Hoss, nous attendons jusqu’à présent qu’il présente une nouvelle proposition économique. Cela ne s’est pas encore produit.
A l’étape actuelle, le Liban a besoin du président Lahoud, garant du Pouvoir exécutif. Mais nous avons aussi besoin d’un chef de gouvernement dont l’action serait efficace. M. Rafic Hariri a, je crois, les qualifications requises.
A la lumière des propositions formulées jusqu’ici, que pensez-vous de la loi électorale, d’autant que le président Omar Karamé y a donné son avis?
Le président Karamé représente une grande partie de la population de Tripoli qui est une grande ville. La loi électorale doit être équitable et conçue à l’échelle nationale. L’égalité des chances doit être assurée à tous les candidats, du point de vue médiatique.
En ce qui concerne l’âge du votant, il doit être ramené à 18 ans. Les jeunes faisant le service du drapeau n’ont pas le droit de voter, est-ce logique?
D’autre part, je préconise la circonscription moyenne, puisque le découpage électoral à base du caza a ses inconvénients pour des considérations confessionnelles et financières. Le découpage du mohafazat en deux ou trois circonscriptions serait la formule idéale.
La loi électorale doit être élaborée le plus vite possible.
On parle de retrait de “Tsahal” du Liban-Sud, d’autant que le Premier ministre israélien y fait allusion...
Rien ne changera dans la politique israélienne. Malgré la différence dans la manière de poser le problème, le contenu reste le même. Nous devons y faire attention, d’autant qu’il est question de reprise des négociations. Il s’agit du problème arabo-israélien et non libano-israélien, syro-israélien ou palestino-syrien. Aussi, est-il indispensable de soutenir la concomitance des volets libano-syrien, afin de préserver nos intérêts en cas de reprise des pourparlers de paix.

Propos recueillis par
HALA HUSSEINI

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