Editorial


Par MELHEM KARAM 

 
I - LE “SOMMET DES 8”: PRIX DE LA TÊTE DE MILOSEVIC
II - LE SÉISME DE LA DROITE FRANÇAISE
     ET LA RESPONSABILITÉ DE CHIRAC

- I -

Le grand objectif du sommet de Cologne tenu par les sept Etats, plus Boris Eltsine, pourrait ne pas être d’alléger les dettes des pays pauvres de cent milliards de dollars, ce que les durs et les vingt mille manifestants à la cérémonie du “jubilé de l’an 2000” ont considéré insuffisants, ni la lutte contre le terrorisme ou le fait de satisfaire les trente-six Etats pauvres, tous africains, à l’exception de la Bolivie, du Honduras, du Laos, du Vietnam, de Birmanie et du Yémen. Le but de ce sommet, ayant tenu ses assises après celui de Naples en 1994 et de Lyon en 1996, était de négocier autour du prix de la tête de Milosevic.
Boris Eltsine est venu à Cologne à l’effet de conclure un accord avec l’Occident, le jour même où l’OTAN annonçait la fin des frappes aériennes dans les Balkans, après l’achèvement du retrait des forces serbes. La confrontation entre les Alliés et la Russie était la plus difficile, au point qu’elle a attisé la tension dans les relations entre l’OTAN et Moscou jusqu’au plus haut degré depuis la fin de la guerre froide.
Ainsi se sont séparés les huit colosses, après avoir manifesté leur satisfaction du désamorçage du conflit aux conséquences graves, non parce que la Russie constitue une grande menace pour l’Europe occidentale, elle qui possède un arsenal nucléaire terrifiant, mais en raison des pressions exercées durant les derniers jours, celles-ci ayant montré les risques de traiter avec elle en tant que quantité négligeable. Après s’être exposée à l’humiliation, la Russie a senti qu’elle est capable de causer du préjudice en vue de se réhabiliter.
Même avec sa faiblesse, la Russie reste un Etat en vue au niveau continental. Ajoutez à cela, qu’elle est membre permanent du Conseil de Sécurité; il est donc préférable qu’elle soit à notre côté et non de l’autre bord. Tel est le calcul des grands.
Chirac l’a appelée “la grande alliée” et Schröder, chancelier hôte, a déclaré après avoir annoncé son adhésion, à part entière, au groupe des sept: “Oublions le passé; il n’existe plus aujourd’hui qu’un directoire de huit pour gérer les affaires internationales”. En disant cela, il amadoue les susceptibilités russes. C’est que six grands pays industrialisés, excepté le Japon, sont membres de l’OTAN et, partant, luttent contre les Serbes. Clinton a eu avec Eltsine, un tête-à-tête très médiatisé, afin de satisfaire la fierté de son homologue russe. Tous les Occidentaux proclament leur foi dans l’avenir de la Russie. De plus, ils savent que l’octroi de crédits par le Fonds monétaire international à Moscou et le rééchelonnement des dettes dépendent de la bonne intention des membres du parlement russe (la Douma).
A la fin de la rencontre, Clinton, Chirac, Schröder, Blair et les autres de l’ancien groupe des sept, ont échangé les félicitations autour de la solidité et de la cohésion du “G 8” et de sa capacité de réaliser la soudure avec la Russie connue pour sa solidarité traditionnelle avec les Serbes.
Les sept géants étaient d’accord sur la nécessité d’assurer à Eltsine et à son chef de gouvernement, un soutien de nature à les consolider contre leurs subalternes susceptibles de tomber dans l’insubordination et l’aventurisme.
Chirac avait raison quand il a observé que les Russes, le jour où ils ont signé l’accord d’Helsinki autour du déploiement de leurs forces au Kosovo, ont enregistré une victoire sur eux-mêmes. En dépit de son mécontentement et de ses réserves, la Russie a préféré reprendre l’action commune avec les Alliés pour régler les problèmes des Balkans.
Maintenant, la voie est ouverte pour exécuter le projet de paix élaboré par les Nations Unies. Ceci a réjoui le secrétaire général, Kofi Annan et le groupe de l’accord sur la stabilité et le développement de l’Europe du sud-est approuvé par l’Union européenne depuis trois semaines. Ce projet ambitieux encouragé par l’Europe qui est prête à le défendre au prix cher, n’a de sens que s’il englobe la région tout entière. La Serbie n’y sera pas admise, tant que la démocratie n’y est pas consolidée; c’est-à-dire, tant que Slobodan Milosevic sera à la tête du pouvoir. C’est pourquoi, les pressions russes et les appâts occidentaux seront mobilisés pour convaincre les Serbes qu’ils ont un intérêt urgent et direct de l’exclure du pouvoir.

- II -

Aucune fois depuis sa fondation, le parti gaulliste n’a eu à affronter les difficultés auxquelles il se trouve en butte aujourd’hui. Après la démission de son président, Alain Juppé, à la suite de son échec aux élections législatives, Philippe Séguin en a assumé la présidence; puis, a démissionné. Ensuite, Nicolas Sarkozy l’a remplacé et a présenté sa démission, après la chute du parti aux élections européennes. Charles Pasqua s’est engagé dans la bataille électorale avec Philippe de Villiers, obtenant treize sièges au parlement européen, alors que le R.P.R., le “Rassemblement pour la République” en obtenait douze. Pasqua a annoncé la fondation de son propre parti: le R.P.F.,  le “Rassemblement pour la France”.
En démissionnant, Sarkozy a laissé un vide effroyable et on reparle de l’élection d’Alain Juppé pour la présidence du parti et son secrétariat général. Mais, Juppé a fait comprendre à ceux qui ont suggéré sa candidature, que cela ne se posait pas pour lui.
Pourquoi cette désagrégation et cet effondrement de la droite française et de la démocratie représentative qui a besoin, pour pouvoir respirer avec vitalité, de ses deux poumons: la gauche et la droite?
La droite extrémiste a un rôle dans ce séisme qui s’est produit et a mis fin à la droite politique française, en plus de maintes causes, dont l’illusion libérale. La droite a engagé sa bataille avec le slogan et les couleurs du libéralisme. Mais sans revêtir ce libéralisme de l’habit politique seyant qu’il mérite. Et sans l’enrichir, ni le programmer et l’élever au niveau d’un projet ambitieux suscitant l’enthousiasme et mobilisant les potentialités.
Le libéralisme n’est rien. C’est un style d’administration qu’adoptent tous les gouvernements, y compris le gouvernement socialiste de Jospin. Cependant, il sait comment le couvrir et le camoufler. Puis, l’absence de clarté a contribué à l’échec. Les deux listes de droite ont opté pour deux positions contradictoires. “Votez François Bayrou, allié des gaullistes et président de l’U.D.F., l’“Union de la Démocratie Française”, cela signifiait le choix de l’Europe fédérale et l’élection de la liste de Pasqua, celui des ennemis de l’Europe. L’absence de clarté a donc provoqué la chute de la liste gaulliste.
Ajoutez à cela, l’illusion de la “Droite Plurielle”, la droite l’ayant copiée de la “Gauche Plurielle” inventée avec intelligence par le Premier ministre socialiste, Lionel Jospin, adversaire de Chirac dans la prochaine présidence.
Cette droite était une illusion ayant accentué les divisions jusqu’à la caricature. De fait, comment concilier entre les éléments du centre progressiste, qui est revenu sur scène grâce au discours européen et les gaullistes traditionnels? Ceux-ci se réclament de Charles Pasqua qui fonde son parti sur la base d’une campagne contre l’Europe. Qui peut les rassembler de nouveau autour du parti gaulliste en voie de dislocation et de perdition?
Le président de la Vème république est le chef non déclaré, mais naturel, de la famille politique qui l’a porté au pouvoir. Et Jacques Chirac ne peut plus assumer cette charge, parce qu’il est affaibli, conséquence de l’échec historique du parti qu’il a fondé.
Puis, son leadership est contesté au sein de son camp et tous l’ont considéré responsable de la situation actuelle. Privé de l’arme l’habilitant à dissoudre le parlement, aucune fois dans l’histoire de la Vème République, la position présidentielle n’a été dans un tel état d’effondrement!
La légitimité du chef de l’Etat n’est pas sujette à controverse et à contestation, mais la capacité politique de Jacques Chirac de réunifier la droite. Y pourra-t-il et le laissera-t-on faire?
Au centre de cette nébulosité politique, la droite semble poursuivre la politique de l’autodestruction pour choisir, en définitive, son ultime objectif, l’édifice demeurant cohérent au milieu de la destruction et des ruines: le président Jacques Chirac. 
Paris - 21 juin 1999
Photo Melhem Karam

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