LE PEUPLE ARMÉNIEN EN DEUIL

LE CATHOLICOS DE TOUS LES ARMÉNIENS KARÉKINE I N’EST PLUS


Aujourd’hui, les Arméniens du monde entier et, plus particulièrement, le peuple d’Arménie pleurent la disparition de leur Chef Spirituel Sa Sainteté Karékine I.

La nouvelle est tombée comme un couperet quand les télévisions du monde entier ont annoncé sa mort.
Le catholicos de Tous les Arméniens est décédé à Erevan, des suites d’une longue et douloureuse maladie. Il avait 66 ans.
Ainsi donc, Sa Sainteté nous aura quittés deux fois.
Une première fois, quand en 1995, il laissait le Saint-Siège de la Grande Maison de Cilicie pour succéder à Sa Sainteté Vazken I au Saint-Siège d’Etchmiadzine à Erevan, signant ainsi un nouveau moment de cette accélération de l’Histoire arménienne où, en l’espace de quelques années, sous l’impulsion des hommes et de l’œuvre du temps, les événements se bousculaient.
Prenant en mains les rênes du Saint-Siège, S.S. Karékine I devenait le 131ème catholicos de Tous les Arméniens.
Durant son “pontificat”, par son activité sage et équilibrée, par son action au service de l’œcuménisme, Sa Sainteté aura été cette figure rayonnante de l’Eglise arménienne.

Personnalité dotée d’une intelligence profonde, engagée pleinement dans l’entreprise sacrée de la consolidation de la République d’Arménie, il savait être plus humble que les humbles et montrait aux grands de ce monde son immense richesse de cœur. Le 28 mars 1995, Sa Sainteté nous avait confié que “La Revue du Liban” serait le seul organe de presse du Liban à suivre les étapes de son voyage en Arménie où le 4 avril, les délégués des diocèses de toutes les Eglises apostoliques arméniennes du monde dépendant du Saint-Siège d’Etchmiadzine, les dignitaires et des élus laïcs, le proclamaient catholicos de Tous les Arméniens.
L’intronisation avait eu lieu le 9 avril et “La Revue” a couvert cet événement historique.
L’enjeu était de taille et S.S. Karékine I était, de l’avis de tous, l’homme qu’il fallait à la place qu’il fallait. Cette grande figure religieuse jouissait d’une rare personnalité, connaissait à fond les problèmes politiques de l’Arménie et des pays voisins. Faisant preuve d’une grande sagesse, d’une vision autre des faits, il possédait cet esprit analytique qui lui permettait d’avoir une vision globale des réalités.
Après 70 ans de régime totalitaire, S.S. Karékine I n’avait eu cesse d’œuvrer pour le renforcement de l’Eglise nationale d’Arménie, la réorganisant et la modernisant.
Il avait su aussi établir des contacts religieux au plan international, ce qui a permis à l’Eglise arménienne de trouver une place encore plus importante dans la vie chrétienne en général, entraînant ainsi l’attention d’organisations internationales, religieuses apolitiques ou politiques à se pencher sur l’Arménie qui faisait et fait toujours face à de nombreux problèmes.
“Nous nous devons de sortir l’Eglise de son isolement, disait-il. Nous vivons dans un monde de communication.
“Nous maintenons nos relations avec les Eglises-sœurs d’Orient, avec la Grande Eglise catholique romaine et son Chef Spirituel S.S. Jean-Paul II, avec nos frères de traditions protestantes. C’est dans cette perspective que je vois l’esprit de fraternité et j’espère qu’elle donnera plus d’espoir et d’énergie à ce peuple chrétien qui a maintenu son service au Christ, malgré toutes les souffrances endurées et le Génocide.”

AU SERVICE DE DIEU ET DE LA NATION
Cet homme de religion ayant consacré sa vie au service de ses fidèles, avait atteint le sommet de la hiérarchie, appelé au cœur où est né et continue à exister la Nation arménienne.
Il avait l’habitude de déclarer: “Nous avons le devoir d’amorcer un tournant nécessaire... Celui qui ne change pas est privé de l’une des plus rares qualités humaines.
Travaillons pour une seule Nation, une seule patrie, une seule Eglise. Les générations à venir nous béniront...”
Fidèle à son credo, Sa Sainteté était le prédicateur et l’avocat de la Vérité.
Nous avions eu le privilège les premiers à recueillir, juste après son élection, sa toute première interview.
Une rencontre qui lui tenait à cœur, quand on sait la grande amitié et l’intérêt qu’il montrait constamment pour “La Revue du Liban”.
Avant de répondre à nos questions, S.S. Karékine I nous avait confié: “Je voudrais tout d’abord remercier “La Revue du Liban, le président Karam et toute la rédaction du vif intérêt qu’ils portent à l’Eglise arménienne, la Communauté arménienne du Liban, l’ensemble du peuple d’Arménie et le Saint-Siège d’Etchmiadzine.
“La Revue du Liban” a toujours manifesté son amitié et son appui envers l’héritage de notre peuple et sa détermination à conserver son identité.”
L’empire de sa personnalité résidait dans sa spiritualité, son sens analytique et son esprit d’à propos.
Durant les dix-huit années de son pontificat au catholicossat de Cilicie, sa personnalité dynamique avait créé le département pour l’Education chrétienne, développant le séminaire de Bickfaya, modernisant les Editions et l’Imprimerie du catholicossat.
Auteur d’un grand nombre d’études théologiques, arménologiques, philosophiques, morales et littéraires, on lui connaissait également une bibliographie étendue avec des ouvrages rédigés en arménien, en anglais ou en français.
Président d’honneur du Conseil mondial des Eglises du Moyen-Orient, Sa Sainteté était également membre du Comité administratif du “Fonds pour l’Arménie”.
Sa foi n’a à aucun moment étouffé l’intelligence politique, ce qui lui a permis de conduire les destinées de l’Eglise dans un contexte difficile, avec une adresse évidente.
Sachant distinguer le permanent de l’éphémère, par ses capacités de prévisions, par son engagement personnel, il sera resté jusqu’à son dernier souffle engagé dans ses convictions, cherchant toujours à panser les blessures et à soulager ses fidèles.
Il aurait tellement voulu être présent à la “nouvelle Pentecôte” pour son peuple: la célébration du 1700ème anniversaire de la fondation de l’Eglise arménienne, pour laquelle il travaillait sans relâche.
Dieu en a décidé autrement. N’est-ce pas S.S. Karékine I qui écrivait en 1992, à Antélias, dans un livre: “Tout devient possible aux hommes dès qu’ils sont avec Dieu et sont touchés par son Vent, son Souffle.
L’Esprit souffle autour de nous...
Nul ne sait d’où il vient, ni où il conduit.
Peuvent le suivre ceux qui ont l’esprit limpide, le cœur pur, parce qu’il conduit là où Dieu veut que nous soyons...”
Sa Sainteté de Tous les Arméniens, l’apôtre de Dieu s’est dirigé dans le chemin de l’Esprit.
Son image lumineuse, sa mémoire restera à jamais dans le cœur de tout son peuple et de ceux qui l’ont connu et aimé.

SONIA NIGOLIAN

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