Editorial


Par MELHEM KARAM 


POURQUOI LE RAID CRIMINEL ET QUI A ASSASSINÉ LES QUATRE JUGES?

La situation actuelle, si nous voulons être équitables, reste la même au Liban-Sud. Le jour où les Palestiniens étaient au Sud libanais, nous disions que la katioucha coûtait au Liban, en êtres humains et en pierre, un prix exorbitant qu’il n’était pas capable de supporter. Nous disions que le Liban ne pouvait pas supporter les conséquences découlant de la guerre et de la confrontation entre Israël et les Arabes. Il ne peut supporter seul ce fardeau dont une partie du poids lui incombait. Le Liban n’a renoncé, aucun jour, à assumer ses charges et à être responsable vis-à-vis de la cause centrale, celle de Palestine. 
C’est ce que nous disions, le jour où les Palestiniens étaient au Sud, en dépit de notre appui à la cause palestinienne, de ce que le Liban assume pour la défendre et pour se maintenir sur la scène de la confrontation entre les Arabes et Israël. 
Aujourd’hui, nous sommes à la même place. Le coup de katioucha coûte au Liban dans son homme, son infrastructure et ses institutions vitales. Et, nous restons à la même place, avec la différence que la résistance est libanaise. Nous ne voulons pas, ici, ignorer qui alimente la Résistance et la soutient. Mais cette Résistance est islamique, la résistance de “Amal” et une résistance accomplie par des Libanais.
Nous nous trouvons face à ce point. Que voulez-vous qu’on fasse? Laisser à Israël la liberté d’agir à sa guise, fixer le timing de la paix et reporter l’examen de la cause d’une élection à l’autre, selon ses caprices; en attendant Pérès, alors qu’arrive Netanyahu et nous débarrassant de ce dernier pour voir venir Barak? Comment a été l’apparition de Barak et qu’en est-il sorti? La nuit du 24 juin sur Beyrouth était pareille, j’ose dire, à la nuit des Alliés sur Dresde, durant la dernière conflagration mondiale. La ville a dormi alors qu’un demi-million d’êtres humains y vivaient; à son réveil, il n’en existait plus que deux cent mille. Nous ne voulons pas comparer cette nuit à la nôtre quant au bilan des victimes et des dégâts, mais nous les comparons au plan psychologique et de l’état d’âme de la vengeance comme celui de dire: “Terroriser le Liban et lui faire du chantage. Si vous voulez laisser à la Résistance toute latitude d’agir, votre châtiment sera dur”. Telle est la logique des gens de l’occupation.
Que voulez-vous que nous fassions? Laisser l’occupation sur notre terre, sans avoir le droit de nous y opposer à travers la Résistance?. Voulez-vous, en d’autres termes, supprimer la Résistance à l’ombre de l’occupation? Prendre le parti de l’occupation et condamner la Résistance? Quelle logique est celle-là? Nous parlons à froid. Le raid a eu lieu et nous parlons avec des nerfs refroidis et une sérénité d’esprit, sans aucune impulsivité.
Le président de la République, le général Emile Lahoud a dit: “Je veux prendre position”. Nous avons compris qu’il fait partie de la Résistance, le chef de l’Etat, étant le Président d’un pays occupé. Voulez-vous qu’il ne soit pas de la Résistance? Que nous options pour la soumission et la capitulation? Et dire “ce que veut Israël reste en vigueur! O Libanais, nous vous invitons à la retenue, comme cela se passe en pareil cas”? Ceci n’est pas admis. Que signifie la retenue? Laisser Israël agir comme il le veut?
Une fois de plus, nous posons cette question: Hier était le retrait de Jezzine, lequel n’était pas éloigné de l’acte de la Résistance. Israël s’est retiré de Jezzine sans qu’on y signale une gifle. Pourtant, il aurait voulu autre chose, car chaque fois qu’il se retirait du Liban, des fleuves de sang coulaient, les Libanais en venant aux mains sur une base confessionnelle. C’est ce que veut l’Etat hébreu. Mais le retrait de Jezzine s’est produit sans qu’aucun incident y fut signalé. Que s’est-il passé en contrepartie? On a déploré l’assassinat de quatre magistrats à Saïda. Qui a tué les juges? La question se pose, parfois sur un autre plan: Pourquoi les juges ont-ils été assassinés? De telles questions restent, jusqu’aujourd’hui, sans réponse.
Dans certains attentats, tel celui de John Kennedy en 1963, la même question s’est posée: Qui a tué Kennedy? Nous l’avons su. Mais qui a tué l’assassin de Kennedy? Nous l’avons su, également. Pourquoi Kennedy a été assassiné? Jusqu’à ce jour, cette question reste sans réponse. Quant à l’assassinat de Rabin et de Sadate, nous en avons connu le motif. Pourquoi le duc d’Enghien, a-t-il été fusillé? Nous l’avons su. Le palais de Vincennes a été aménagé en l’honneur de Bonaparte avant de devenir Napoléon et Cadoudal lui a dit: Un complot est tramé contre vous, qu’exécuteront des gens ayant à leur tête un homme se réclamant des Bourbons. Celui-ci était un jeune homme âgé entre 30 et 32 ans, établi aux frontières entre la France et l’Allemagne. Il envoya le chercher et l’embarqua sur un voilier; son chien le suivit à la nage, mais les soldats l’empêchaient de rejoindre son maître. Cependant, ils eurent pitié de lui, tant le chien avait nagé et le firent monter dans l’embarcation. Puis, ils prirent le duc d’Enghien, l’ont jugé et condamné à mort la nuit; il devait être fusillé le matin dans les soubassements du palais de Vincennes. Cambacérés prononça, alors, son mot célèbre. “C’est un crime”. Et Talleyrand de rétorquer: “C’est plus qu’un crime, c’est une faute”.
Si nous savons pourquoi le duc d’Enghien est mort, de même qu’Ali Ben Abi-Taleb, nous ignorons pourquoi Kennedy a été assassiné! Ainsi que les quatre magistrats! Si nous répondons à cette question, nous pourrons savoir, peut-être, qui sont les criminels et les commanditaires. Trois questions recommencent à être posées: Qui profite du crime? Et pourquoi un tel a été tué? Qui est capable de tuer? Pourquoi le raid? Est-ce parce que deux habitations ont été démolies au nord d’Israël? Avant tout, nous devons demander à Israël de cesser de considérer le Liban-Sud comme faisant partie intégrante du Nord d’Israël.
Commençons la discussion. Le Liban n’a aucun jour été pour l’Etat hébreu que le Nord d’Israël et non le sud du Liban. Géographiquement, il est situé à la lisière du Nord d’Israël, sans en faire partie. C’est le sud et ils en ont fait le cordon frontalier, tout en restant le Liban-Sud appartenant au Liban.
L’affaire de la Justice, pourquoi s’est-elle produite? Ils disent: C’est un message! Un message, pour quoi faire? Pour terroriser le Liban et l’amener à cesser de résister? Placé sous l’occupation, le Liban, comme toute terre se trouvant dans la même situation, peut-il ne pas résister?
Le raid a-t-il été provoqué par la destruction des deux habitations? Nous ne voulons pas dire que le fait de tuer les gens en Israël et au Liban, soit un acte louable et souhaité! Mais la guerre est la guerre et l’occupation nécessite la résistance. L’occupation est la cause de la résistance. Supprimer la cause élimine du même coup son effet. Pourquoi donc le raid d’une telle envergure? Parce que le Likoud a perdu, comme ils disent, la bataille électorale, en la personne de Benjamin Netanyahu? Et qu’Avigdar Kahlani a voulu menacer le Liban dans son infrastructure et est passé à l’action avant le départ du Cabinet du Likoud?
Barak a su... Barak n’a pas su? Nous ne voulons pas parier sur cela. Barak a su, immanquablement, mais était-il capable de dire “non” dans ce domaine? Le Likoud a frappé le coup criminel intelligent, en ce sens qu’il a dit à Barak: Nous voulons faire ceci”, même si Barak voulait s’y opposer. Nous ne parions pas sur le fait qu’il s’y serait opposé ou sur son désir de le faire. Nous ne parions pas sur cela, mais s’il voulait s’y opposer, il aurait écouté des paroles du genre: “Nos siens sont tués en Galilée et vous négociez sur la paix?”
Si donc Barak l’avait voulu et nous ne parions pas encore une fois sur ce qu’il l’aurait voulu, effectivement, il ne l’aurait pas pu; au risque de se brûler dans le milieu populaire dès le début de son règne. L’homme se serait brûlé et, partant, n’aurait pas eu la capacité de le faire. Nous ne prenons pas ici la défense de Barak, ni ne parions sur lui, mais nous instituons sur la question une discussion réaliste et passons en revue, à travers elle, toutes les éventualités.
Le président de la République a voulu être un résistant. Nous sommes avec lui et avec le président de la République résistant. Le président de la République résiste avec l’outil de guerre disponible et avec la diplomatie dont il dispose. Il résiste par la politique dans la mesure où les possibilités politiques sont disponibles.
Le chef de l’Etat parie donc sur les capacités du Liban dans le cadre du possible. Il utilise ces capacités et les mobilise là où cela est possible au service d’un pays placé sous l’occupation et demande de s’en débarrasser. Quant à ce que le Liban en paye le prix, il n’est ni logique ni équitable que le Liban en paye seul le prix. Puis, quel crime le Liban a-t-il commis pour qu’il en paye le prix? Il a résisté et, répétons-le, la résistance est un droit, pour quiconque dont la terre est occupée. Pourquoi ne résistez-vous pas à la Résistance, alors que vous faites payer au Liban le prix du comportement de cette dernière? Nous aurions pu dire cela au Palestinien, bien que nous soutenions sa cause, parce qu’il combattait dans une terre autre que la sienne. Aujourd’hui, le Libanais, dans la Résistance, combat sur sa terre et veut la libérer de celui qui l’occupe. Qu’il soit le bienvenu, même si cela devait nous coûter tous les sacrifices.  

Photo Melhem Karam

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