“L’ETAT LIBANAIS NE SE SOUMETTRA
À AUCUNE PRESSION D’ISRAËL,
QUELS QUE SOIENT LES SACRIFICES
À CONSENTIR”
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Les
derniers raids israéliens et l’action à entreprendre au triple
plan politique, diplomatique et militaire pour déjouer les complots
de l’Etat hébreu, ainsi que le rôle dont s’acquitte le comité
de surveillance de la trêve - constitué en vertu de “l’arrangement
d’avril 96” - ont été au centre de l’entretien que nous avons
enregistré avec M. Ghazi Zéaïter, ministre de la Défense.
Celui-ci affirme que l’Armée libanaise a accompli son devoir à la perfection, à la suite de la récente agression israélienne, en ce sens qu’elle s’est portée au secours des blessés et procédé à la remise en état des ponts détruits, contribuant ainsi à rétablir la liaison entre Beyrouth et le Liban-Sud. |
LE LIBAN ATTACHÉ AUX CONSTANTES NATIONALES
A la question: “Les dommages subis par nos infrastructures, suite
aux derniers raids israéliens, affecteront-ils la position du Liban
officiel envers la Résistance?”, M. Zéaïter répond:
“Certainement pas. Le Liban officiel et populaire demeure fermement attaché
aux constantes, en ce qui concerne son droit de combattre l’occupation
israélienne. De ce fait, notre unité nationale ne sera pas
ébranlée, de même que notre solidarité avec
la Syrie sœur face à l’occupant et à ses complots.
Comment envisagez-vous de riposter au plan de l’ennemi visant à
détruire nos infrastructures?
La riposte a été donnée par les chefs de l’Etat
et du gouvernement, à savoir que l’Etat libanais ne se soumettra
pas aux pressions d’Israël, quels que soient les sacrifices à
consentir.
Le ministère de la Défense a-t-il élaboré
un plan pour faire face aux agressions réitérées d’Israël
contre le Liban?
Nous affrontons en permanence, l’ennemi israélien qui occupe
des portions de notre territoire et, de temps à autre, nous attaquons
ses infrastructures vitales situées dans la partie méridionale
du pays où il commet des massacres.
Naturellement, en tant qu’Etat, nous devons être vigilants et
rester sur le qui-vive pour mettre en échec les agressions de l’ennemi,
en utilisant tous les moyens en notre pouvoir. Nous comptons, aussi, sur
l’aide des Etats frères, la Syrie en tête et sur l’assistance
des pays amis qui contribuent à atténuer l’impact des raids.
D’aucuns pensent que le but des dernières agressions israéliennes
est de torpiller le comité de surveillance de la trêve issu
de l’arrangement d’avril 96. Qu’en pensez-vous?
Israël tente, depuis quelque temps, de geler l’action de ce comité
pour qu’il puisse s’attaquer aux populations civiles, non seulement dans
les villages sudistes, mais partout au Liban. La position libanaise à
ce sujet est claire et franche: nous sommes attachés à l’arrangement
d’avril et avons le droit de riposter à toute attaque israélienne
perpétrée sur notre territoire.
Tel-Aviv prend prétexte du lancement, par le “Hezbollah”,
des katiouchas sur le nord d’Israël, pour justifier ses raids sur
le Liban...
L’arrangement d’avril 96 exige des deux parties signataires de ne pas
prendre pour cible les populations civiles de part et d’autre de la frontière.
Or, les opérations de la Résistance sont effectuées
à partir de notre territoire et elles se perpétueront jusqu’à
ce que “Tsahal” évacue les portions que ses effectifs occupent illégalement
au Liban-Sud et dans la Békaa ouest.
L’ARMÉE A ACCOMPLI SON DEVOIR
L’Armée libanaise a joué un rôle actif au cours
des derniers raids; quelle mission spéciale lui est-elle confiée
par l’Etat dans cette étape?
Le devoir élémentaire de l’Armée est de faire
tout ce qui est en son pouvoir pour mettre un terme à l’agression.
Aussi, nos forces régulières ont-elles contribué,
efficacement, lors des récentes agressions, en se portant au secours
des blessés. De plus, elles ont rétabli le trafic entre le
Sud et la capitale en procédant à la remise en état
des ponts détruits et riposté aux attaques israéliennes,
exécutant ainsi la décision prise par l’Autorité politique.
Elles ont, donc, accompli leur devoir à la perfection.
Après les démarches politico-diplomatiques effectuées
ces derniers jours et l’action entreprise par certains émissaires
étrangers, tel celui du Quai d’Orsay, peut-on s’attendre à
la normalisation de la situation sur le terrain?
Nous ne pouvons rien prédire en ce qui concerne les intentions
de notre ennemi, qui peut toujours nous réserver des surprises désagréables.
PAS D’ÎLOT DE SÉCURITÉ
Invité à émettre son avis sur la façon
d’assurer la sécurité dans les camps palestiniens, suite
au quadruple crime du palais de Justice de Saïda, le ministre de la
Défense affirme: Tout en ayant leur spécificité, les
camps ne peuvent constituer un îlot où l’Etat n’a pas droit
d’accès. C’est une question qui peut être réglée,
surtout que ces camps sont situés dans les régions libérées
du territoire national. Il y aura de la fermeté dans l’action en
cours, destinée à identifier les criminels.
Et d’ajouter: Il s’agit, en fait, d’un sujet requérant une décision
politique à prendre au niveau du Conseil des ministres, lequel a
déjà examiné le crime perpétré contre
des juges et des citoyens, ainsi que les moyens à mettre en œuvre
pour les arrêter.
S’il s’avérait que les criminels se sont réfugiés
dans un camp palestinien, celui d’Aïn Héloué, notamment,
l’Etat pourrait-il les appréhender?
Il existe des moyens permettant de les atteindre et de les livrer à
la Justice. Il n’est pas permis que le “cas Abou-Mahjane” se réitère,
étant entendu que nous ne voulons accuser aucune partie avant la
clôture de l’enquête en cours.
LE QUADRUPLE CRIME DE SAÏDA ET L’IMPLANTATION
D’aucuns pensent que le quadruple crime du palais de Justice à
Saïda, provoquera la réouverture du dossier palestinien, dans
le sens de l’implantation. Qu’en pensez-vous?
L’implantation est rejetée au plan libanais à tous les
niveaux, de même que par nos frères palestiniens qui ne veulent
pas perdre leur identité. Je ne pense pas qu’une affaire criminelle
ou de toute autre nature, puisse favoriser l’implantation.
Quelle est votre analyse du quadruple meurtre de Saïda et quel
but visent ses planificateurs et exécutants?
Je peux affirmer que de tels crimes ne se répèteront
pas, s’il plaît à Dieu, car la sécurité et la
stabilité internes préoccupent l’Etat au plus haut degré;
de plus, elles constituent des constantes à sauvegarder à
tout prix.
Mais en dépit de sa laideur, cet attentat ignoble ne compromettra
pas la paix civile grâce, naturellement, à la vigilance des
pouvoirs publics, de l’armée et des FSI, comme de l’éveil
de notre peuple.
Il faut, à présent, surtout après la libération
de Jezzine et le retrait de l’ALS, préserver l’unité de nos
rangs et renforcer la cohésion du front interne.
Les planificateurs d’un tel crime abject visaient, sans nul doute,
le régime et son chef, mais ils n’atteindront pas leur objectif.
Pourquoi les FSI et non l’Armée ont-elles été
déployées à Jezzine après le retrait de l’ALS?
Jezzine, à l’instar de Beyrouth, de Tripoli ou de toute autre
ville libanaise, est prise en charge par les forces de l’ordre, l’armée
devant intervenir en cas de force majeure. Puis, nous ne devons pas nous
laisser prendre à tant de pièges que nous tend Israël,
en nous engageant dans des opérations susceptibles de porter atteinte
à nos intérêts nationaux.
MÉFIONS-NOUS D’ISRAËL
Israël agirait-il en vue de provoquer une confrontation entre
l’Armée et la Résistance?
Tout est possible, quand on se rappelle les massacres perpétrés
par les Israéliens dans les villages sudistes. L’Etat hébreu
peut recourir à tous les moyens pour atteindre ses objectifs. Nous
soutenons que la résistance tant officielle que populaire à
l’ennemi israélien, déjouera les plans séditieux de
ce dernier et, partant, libèrera les portions occupées de
notre territoire au Liban-Sud et dans la Békaa ouest.
Le commandant en chef de l’Armée a proclamé le refus
de l’institution militaire de mettre fin à l’action de la Résistance;
traduit-il la position du ministère de la Défense?
La prise de position par rapport au soutien de la Résistance
a été prise par l’autorité politique en Conseil des
ministres. Elle a été confirmée par des déclarations
des chefs de l’Etat et du gouvernement, selon lesquelles l’Etat continuera
à soutenir la Résistance tant que notre pays n’aura pas été
débarrassé de l’occupation israélienne. Cette question
ne peut faire l’objet d’aucun compromis.
L’ambassadeur US insiste sur le maintien du statu quo sécuritaire
à Jezzine et le long du cordon frontalier, jusqu’à la reprise
des négociations, après la visite de Ehud Barak à
Washington. Vous attendez-vous à une baisse de la tension au Liban-Sud
ou à une nouvelle escalade sur le terrain après le retrait
de l’ALS de Jezzine?
L’ennemi ne cesse de perpétuer ses agressions contre notre terre.
C’est pourquoi, nous avons le droit et le devoir de soutenir la Résistance,
tant qu’Israël n’aura pas retiré ses forces armées.
Que les ambassadeurs des grandes puissances nous comprennent et appuient
notre demande relative à l’application des résolutions de
la légalité internationale, la 425 en tête.
Attachez-vous du crédit à la promesse faite par Barak,
au cours de sa campagne électorale, de retirer “Tsahal” du Liban”
dans le délai d’un an?
Il existe un fait qu’on ne peut ignorer: des portions de notre territoire
sont occupées par Israël. Ce qui m’intéresse, ce ne
sont pas les promesses des responsables de l’Etat hébreu, faites
dans le cadre des élections, mais leur dispositîon à
instaurer la paix.
Les entretiens que vous avez eus à Téhéran
sont-ils en rapport avec l’avenir du “Hezbollah”?
Ceci ne constituait pas l’objet de ma visite à Téhéran
où je me suis rendu à l’occasion de la reprise des liaisons
aériennes entre Beyrouth et la capitale iranienne.
Au cours de ma présence, j’ai effectué des visites protocolaires
et me suis entre-tenu avec mon homologue iranien et le ministre de l’Habitat,
en sa qualité de président de la commission économique
irano-libanaise. Nous avons évoqué les moyens à mettre
en œuvre aux fins de développer nos relations commerciales.
Avec le chef de la Garde révolutionnaire, l’entretien a porté,
naturellement, sur la situation au Liban-Sud et l’occupation israélienne.
La position de Téhéran, comme celle de la Syrie, est
en faveur du soutien de la Résistance et de toute opération
permettant de libérer le Sud et la Békaa ouest.
Revenons à la promesse de Barak: si ce dernier rapatriait
les forces israéliennes d’ici à un an, l’Etat libanais serait-il
prêt à assurer la sécurité dans la région
frontalière?
Qu’Israël évacue notre territoire et l’Etat libanais prendra
à sa charge le maintien de l’ordre et de la sécurité
dans sa partie méridionale. L’Etat hébreu est tenu d’appliquer
la résolution 425 et le reste suivra.
Le mécanisme du retrait et les principes sur base desquels la
paix doit être instaurée au Proche-Orient, ont été
définis à la conférence de Madrid. Nous attendons
toujours le respect par les Israéliens des engagements de leurs
porte-parole attitrés dans la capitale espagnole.
Quel est le rôle du ministère de la Défense
dans l’évaluation des dossiers des “déserteurs” de l’ALS.
Dispose-t-il de rapports relatifs au service de chaque élément?
Le tribunal militaire est chargé de cette question et prendra
une décision en fonction des lois relatives à la “collaboration
avec l’ennemi”.
Y a-t-il un plan pour intégrer ces “repentis”, tels des jugements
tenant compte de circonstances atténuantes à leur égard?
Il y a des lois qu’il faut appliquer. Le pouvoir politique ne doit
pas s’immiscer dans les affaires du pouvoir judiciaire qui est autonome.
Pourquoi la proposition de loi du “Hezbollah” relative à
l’amnistie, sous condition, en faveur des éléments de Lahd
qui se livrent à la Justice, n’a-t-elle pas été approuvée?
Nous avons émis notre opinion à son sujet. La proposition
est différente de ce qu’ont rapporté les médias. Elle
consiste à ajouter un article au Code pénal, relatif à
l’amnistie. Puisqu’il s’agit d’une loi spéciale, on ne peut y ajouter
un article concernant l’amnistie.
La proposition a donc été rejetée, la tendance
étant à juger, équitablement, en vertu des lois, tous
ceux qui se livrent à la Justice. La “collaboration” avec l’ennemi
ne peut être comparée aux autres crimes, la sentence devrait
être rendue sur base de principes et de règles déterminées.
NI CHANGEMENT, NI REMANIEMENT MINISTÉRIEL
Des indices font allusion à un éventuel changement
ou remaniement ministériel. Quelles sont vos informations à
ce sujet?
A part ce que rapportent les médias, il n’en est pas question.
En principe et selon la Constitution, la durée du gouvernement n’est
pas déterminée. Le remaniement ministériel intervient
en cas de démission ou de la nécessité de former un
nouveau gouvernement. Ceci n’est absolument pas soulevé actuellement.
D’aucuns parlent d’une tendance à former un gouvernement
“politique”, en prévision des pourparlers de paix.
Nous ne sommes pas concernés par la formation du nouveau gouvernement
israélien. Nous devons, essentiellement, reconnaître que la
formation de tout gouvernement doit prendre en considération des
constantes relatives à l’existence de l’Etat et à l’occupation
par Israël des portions de notre territoire.
QUID DE LA RÉFORME ADMINISTRATIVE?
Où en est la réforme administrative?
Le ministre qualifié, M. Hassan Chalak, a préparé,
il y a plus d’un mois, son rapport relatif à la réforme administrative,
mais il ne nous a pas encore été soumis.
La priorité du Cabinet était accordée, jusqu’ici,
au projet de budget 99 et au plan quinquennal pour le redressement économique
qui vient d’être mis au point dans sa forme définitive et
transmis à la Chambre des députés.
Dès la ratification de la loi de finances, le gouvernement reprendra
l’examen du dossier de la réforme.
Quelle est la réalité des entraves politiques aux
nominations?
Il n’y a pas d’entraves, mais du retard dans l’étude des dossiers
et la prise de décision unifiée les concernant.
Des effectifs de l’armée se plaignent de la réduction
de leurs soldes suite à l’annulation de certaines mesures exceptionnelles,
ce qui s’est répercuté sur leur revenu mensuel...
Tout le monde est appelé dans ces circonstances à consentir
des sacrifices en vue de redresser la situation économique et de
rétablir l’équilibre entre le déficit du budget et
le revenu national.
J’espère que la situation économique s’améliorera;
aussi, une prise en charge des citoyens de leurs responsabilités
est-elle nécessaire, afin d’édifier l’Etat des institutions.