LE LIBAN SE RANGE À L’AVIS
DES USA
ET FERA MONTRE DE RETENUE JUSQU’AU
17 JUILLET
Les réactions internationales, à l’exception de celle
d’Europe, n’ont pas été, cette fois, à la dimension
de la catastrophe, d’autant que certaines ont placé l’agresseur
et la victime sur le même pied d’égalité, au lieu de
condamner Israël, la mort de deux citoyens de l’Etat hébreu
ne justifiant pas ces attaques d’une férocité sans égale.
Une fois de plus et à l’occasion de cette nouvelle épreuve,
le Liban a prouvé sa cohésion et la solidarité de
ses fils face à l’agression. “Nous formons tous, a dit le président
de la République, une seule main: l’Etat, le peuple, l’Armée
et la Résistance, en coordination avec la Syrie. Qu’ils frappent
autant qu’ils veulent; nous sommes déterminés à réparer
les dommages... Les Israéliens sont gênés et nous prient
de faciliter leur retrait de notre territoire.”
APPEL PRÉSIDENTIEL
Le président Lahoud n’a pas manqué d’adresser des messages
aux Libanais, aux frères arabes et aux amis dans le monde. Il a
invité les Libanais “à prendre un nouveau départ sous
le signe de la solidarité, de la tolérance, du regroupement
autour de l’autorité nationale.” De plus, il a engagé ceux
parmi eux qui le peuvent, résidents et émigrés, “de
contribuer avec l’Etat à la reconstruction de ce qui a été
détruit par les raids israéliens.”
Dans son message aux amis du Liban dans le monde, le président
Lahoud a assuré: “La paix véritable et non n’importe quelle
paix, est notre option stratégique, comme c’est aussi l’option de
la Syrie. Quant à Israël, il s’emploie à morceler la
paix et vit avec la logique de la force qui peut camoufler le droit, mais
sans l’abolir.”
En annonçant l’ouverture d’un compte auprès de la Banque
du Liban où les donateurs peuvent adresser leur contribution matérielle,
les présidents Lahoud et Hoss étaient informés par
le prince Walid Ben Talal, par l’intermédiaire du ministre de la
Santé, le Dr Karam Karam, qu’il est disposé à couvrir
les frais de reconstruction des centrales électriques de Jamhour
et de Bsalim.
De son côté, le président de la LBCI a remis à
la caisse de secours, le montant des recettes de la soirée au cours
de laquelle a été élue “Miss Europe”.
BLOCAGE DU COMITÉ DE SURVEILLANCE
Pendant ce temps, Israël tente de bloquer le comité de
surveillance de la trêve issu de l’arrangement d’avril 96, organisme
auprès duquel le Liban a déposé plusieurs plaintes
contre Israël, en se réservant le droit de s’adresser à
la Cour internationale de Justice pour contraindre ce dernier à
le dédommager pour les dégâts causés par son
agression sur nos infrastructures.
Au cours de la conférence de presse qu’il a tenue le lendemain
des raids, le président Hoss a dit: “Nous ne présenterons
pas de plainte auprès du Conseil de Sécurité, parce
que cela se terminera par la diffusion d’une déclaration appelant
les parties antagonistes à la retenue et les renvoyant dos à
dos”.
Aux dernières nouvelles, le comité de surveillance ne
se réunira qu’après la constitution du nouveau Cabinet israélien.
Le chef du gouvernement a réaffirmé l’attachement du
Liban à la résolution 425 et le soutien du gouvernement à
la Résistance, tant que des portions de notre territoire seront
sous occupation israélienne. De plus, il a assuré la préservation
de la concomitance des volets libanais et syrien.
“Le “Hezbollah”, a ajouté le président du Conseil, a
conscience de ses responsabilités et se comporte en donnant la preuve
de son éveil national”, avant d’annoncer la visite de l’émissaire
du Quai d’Orsay.
CONCERTATIONS LIBANO-SYRIENNES
Fait à signaler: dès la reprise des hostilités
(libano-israéliennes), les concertations n’ont pas cessé
entre Beyrouth et Damas, au terme desquelles une délégation
d’ingénieurs du pays voisin a inspecté les régions
atteintes par les raids ennemis, Jamhour et Bsalim notamment. Et ce, afin
d’évaluer les dégâts pour déterminer la nature
de l’assistance que la Syrie peut fournir pour remettre en état
les centrales électriques.
Le président Lahoud a reçu un appel téléphonique
du roi Abdallah II qui a placé les possibilités du royaume
hachémite à la disposition du Liban dans cette épreuve,
pour l’aider à effacer les séquelles de l’agression. Cela
dit, les analystes se perdent en conjectures sur les objectifs visés
par Israël, en déclenchant une offensive dont la sauvagerie
n’a d’égale que sa férocité. Tous sont unanimes à
soutenir que l’Etat hébreu a voulu par son nouveau coup, porter
atteinte à l’économie libanaise et, tout particulièrement,
à la saison estivale et touristique qui s’annonçait florissante,
cette année et avait été amorcée par les préparatifs
pour l’élection de “Miss Europe”.
Il y a lieu de faire état, cependant, de la célérité
avec laquelle les équipes spécialisées des différents
départements ministériels - ceux des Travaux publics, des
Ressources hydrauliques et électriques - ont œuvré, à
l’effet de remettre en état les infrastructures, pour ramener la
situation à la normale, spécialement en ce qui concerne la
fourniture du courant électrique et la reconstruction des ponts
détruits, afin de rétablir les communications entre Beyrouth
et le Liban-Sud.
L’Armée libanaise s’est montrée la plus active. En effet,
son service de génie a procédé en un temps record
à la réparation des dégâts causés aux
ponts, à tel point que la circulation a pu être rétablie
sur ces ouvrages moins de quarante-huit heures après les raids ennemis.
Les équipes de l’Office de l’électricité du Liban
sur pied d’œuvre vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ont assuré
aux citoyens douze heures de courant par jour (au lieu de deux ou quatre)
à Beyrouth et dans les régions suburbaines. Cependant, il
faut attendre quelques semaines, voire des mois pour achever l’installation
de nouveaux générateurs commandés à l’étranger.
AU PLAN POLITIQUE
Au plan politique, l’action destinée à effacer les séquelles
de l’agression n’a pas été moins intense. A ce propos, il
y a lieu de signaler l’initiative française entreprise par l’intermédiaire
d’un émissaire du Quai d’Orsay M. Yves Aubin de la Mussezières.
Celui-ci est venu à Beyrouth, dans le cadre d’une tournée
proche-orientale qui l’a mené à Damas; puis, à Tel-Aviv.
Ici, il a été reçu par le président Lahoud
et a conféré avec le président Hoss, en sa qualité
de ministre des Affaires étrangères, à qui il a transmis
des messages des présidents Chirac et Jospin, réaffirmant
l’attachement de Paris au comité de surveillance de la trêve,
dont la France a été l’un des artisans avec les Etats Unis.
Mais l’émissaire français n’a pas fait état d’une
aide que son pays serait disposé à accorder au nôtre...
Comme on le lira ailleurs (voir “Les Evénements de la Semaine”),
Ehud Barak et Ariel Sharon ont refusé de recevoir le responsable
français: le premier, arguant qu’il n’était pas encore entré
en fonctions; le second, “en signe de protestation contre l’attitude
“partiale” adoptée par le gouvernement français.
Par ailleurs, Israël a réitéré ses menaces
contre le Liban, insinuant qu’il riposterait à tout tir de katiouchas
sur le nord d’Israël. Ces menaces resteront suspendues au-dessus de
nos têtes comme une épée de Damoclès jusqu’au
17 juillet, date à laquelle aura lieu la passation de pouvoirs entre
Netanyahu et son successeur.
Mais le Pouvoir libanais, prenant note du “conseil” prodigué
par l’Administration US lui recommandant de faire montre de retenue jusqu’à
la formation du nouveau Cabinet israélien, se dit soucieux de ne
pas fournir au chef du gouvernement israélien sortant un prétexte
qu’il pourrait invoquer pour réitérer ses attaques.