ABDULLAH OCALAN: SON DERNIER
COMBAT
![]() Ocalan écoutant le verdict. |
![]() Scènes de joie en Turquie. |
“Il a massacré des milliers d’innocents sans tenir compte des bébés, enfants, femmes et vieillards”, dit Okyay, l’un des trois juges. “Je rejette l’accusation portée contre moi. Je veux corriger le cours de l’Histoire”. Depuis le 31 mai, date à laquelle avait débuté son procès sur l’île-prison d’Imrali, jusqu’à la sentence du 29 juin, le chef du PKK avait exploité tous les registres de sa défense en passant, graduellement, du repentir aux menaces. Assumant l’action sanglante du PKK, traduite par une insurrection armée dans le sud-est anatolien (tenue pour responsable en l’espace de 15 ans de 30.000 morts et de l’exode de trois millions de civils), annonçant la fin de cette lutte armée et sa conversion en dialogue pacifique, il a fini par menacer la Turquie d’une “guerre de cent ans” si sa vie n’était pas épargnée. Après avoir mené la plus longue lutte kurde dans l’Histoire, Ocalan qui disposait d’une tribune ouverte sur l’univers, aurait pu utiliser celle-ci pour défendre les droits et l’identité kurdes (les Kurdes, quelque 30 millions dans le monde, sont concentrés en Turquie où ils sont 13 millions, en Iran et en Irak). Il s’est contenté de plaider pour sa survie, réclamant finalement la reconnaissance d’une langue et d’une culture kurdes. Le marxiste-léniniste a ainsi abandonné sa révolution pour éviter la cellule de la mort, devenue une réalité quotidienne depuis son arrestation specta-culaire au Kenya, le 15 février dernier qui avait mis fin à une cavale de plusieurs mois. Aussitôt le verdict prononcé, l’assis-tance à l’intérieur du tribunal entonnait l’hymne national turc, tandis qu’à l’extérieur, les familles des victimes du PKK explosaient de joie. Ocalan quittait sa cage en verre en saluant d’un geste de la main ses avocats. Une vague de protestations a aussitôt gagné les capitales européennes. Les Kurdes sont descendus dans la rue, notamment en Allemagne où ils sont estimés à quelque 500.000 sur une population de deux millions de Turcs. Mais les débordements ont été vite contenus, le PKK ayant appelé à des protestations politiques et démocratiques, loin des violences qui avaient marqué la capture d’”Apo”. Les instances internationales autant que les dirigeants européens, s’ils n’ont pas invité à la révision du jugement, ont sollicité la clémence pour le condamné toujours considéré par Washington comme “terroriste international”. L’Union européenne est opposée à la condamnation à mort. Elle l’a signifié à la Turquie qui attend d’être admise en son sein. La Turquie qui a pris des mesures de sécurité exceptionnelles sur son territoire et autour de ses chancelleries dans le monde, ne pourra pas épargner “l’ennemi public numéro un” et le “massacreur de bébés”. Mais elle ne semble nullement pressée de faire appliquer la sentence. Le Premier ministre, Bulent Ecevit, personnellement opposé à la peine de mort, a refusé de commenter le verdict de la DGM. Le président Demirel s’est montré tout aussi discret.. Les avocats d’Ocalan ont déjà fait appel auprès de la Cour européenne des droits de l’homme et ont accès à une série de recours auprès de la Cour de cassation. C’est le parlement qui donnera le mot de la fin. Depuis 1984, aucune exécution n’a eu lieu en Turquie. Le processus engagé pourrait ainsi se prolonger pendant des années.