Saturnale

Par MARY  YAZBECK AZOURY
“OPENING JOKES”
C’est en badinant qu’on dit le plus de vérités!
Telle était la manière d’agir et de parler de Kennedy (JFK). Il estimait que l’humour atteint plusieurs objectifs.
Il détend l’atmosphère au début d’une conférence, d’un discours ou d’un article. C’est un des meilleurs moyens de rapprocher l’orateur ou l’écrivain de son auditoire ou de ses lecteurs.
Ces “opening jokes” disent, en quelques mots, beaucoup plus que n’importe quelle analyse.
En ce qui concerne le Liban, cet “opening joke” décrit la situation que vivent les Libanais plus que n’importe quel éditorial.
“Le sixième jour, Dieu se tourna vers les Anges et leur dit: “Aujourd’hui, je vais créer un pays que j’appellerai Liban.
- Ce sera une terre d’une beauté à couper le souffle!
- Elle aura des montagnes majestueuses recouvertes de neige en hiver; d’arbres et de fleurs en été.
- Ce pays aura des lacs étincelants traversant des forêts enchanteresses; de charmantes collines domineront les plages sablonneuses sur une mer riche d’une faune sous-marine.
Dieu poursuivit: “Je ferai cette terre si riche que ses habitants seront prospères. Je les appellerai: Libanais. Et ils seront connus comme le peuple le plus chaleureux, le plus hospitalier du monde.
“Mais Seigneur, lui demandèrent les Anges, ne pensez-vous pas que vous êtes par trop partial et généreux avec ces Libanais?
“Non pas vraiment, répondit le Seigneur, attendez pour voir de quels voisins je les doterai.”

***

LES FEUX DE LA SAINT JEAN, LA CHARITÉ SVP
Les événements de la semaine dernière ont, d’après nos dirigeants, prouvé à quel point les Arabes nous aiment et sont généreux avec nous. Les aides affluent, assorties de compliments et de louanges sur l’héroïsme des Libanais.
Mais aurions-nous eu besoin de tout cela si, en premier lieu, ces frères et sœurs arabes menaient le combat réel aux côtés du Liban?
Au nom de quelle logique, il incombe aux Libanais de devenir “héros” malgré eux?
Au nom de quelle logique expliquera-t-on la perte de jeunes et moins jeunes Libanais, victimes des bombardements aveugles?
C’est toujours le Liban et le pauvre citoyen qui reçoivent la raclée. Car il a été écrit que ces malheureux Libanais devront faire la guerre pour des centaines de millions d’Arabes.
Est-ce toujours au Liban de servir de bouc émissaire?
Pendant ce temps, les autres Arabes vivent en paix, sur leurs terres, dans leurs foyers, prospèrent et les jeunes n’émigrent pas.
L’information officielle veut nous faire gober que ce qui est arrivé le 24 juin est salutaire pour le Liban, car cela a servi à resserrer les rangs, à refaire l’unité du pays.
On prend les Libanais pour des imbéciles. Ils acceptent les pleurs, les larmes et le sang... Ils acceptent de mourir pour une cause... Quelle cause? Ne vaut-il pas mieux vivre pour le Liban? Mourir pour une cause, cela signifie-t-il, nécessairement, que cette cause est juste?

***

“INCERTITUDE, Ô MES DÉLICES!”
Où va le Liban?
Où vont nos jeunes Libanais?
Ils émigrent et pourquoi n’émigreraient-ils pas?
Quand ils voient combien ceux qui les ont précédés sont courtisés par les dirigeants passés, présents et à venir.
Quand ils réalisent ce qu’il est advenu du Liban depuis plus de cinquante ans...
“Incertitude, ô mes délices!
Vous et moi, nous nous en allons
Comme s’en vont les écrevisses,
A reculons, à reculons.”

***

QUE FAIRE DES ATTACHÉS DE L’ÉMIGRATION?
On les laisse mariner dans leur jus.
Une vingtaine de jeunes gens ont passé le concours organisé par les autorités il y a trois ans pour rejoindre le cadre du ministère de l’Emigration.
Ces jeunes gens ont démissionné de “postes sûrs” mais non satisfaisants pour poursuivre la grande aventure: allez prêcher la bonne parole aux émigrés libanais dont certains fort riches.
Entre-temps, il y a changement de direction. Le vent devient contraire et le beau projet d’aller “raccoler” les émigrés d’origine libanaise tombe à l’eau... Car on s’était rendu compte que les émigrés, même libanais de naissance, sont devenus des citoyens loyaux (pour la plupart d’entre eux) d’autres pays et qu’il ne s’agissait pas d’aller en territoires amis pour “débaucher” les riches émigrés et les inviter à investir au Liban, ce que nombre de pays africains ont considéré comme une invitation pure et simple à la fraude fiscale et à la fuite de capitaux. Une assimilation un peu simpliste mais envisageable.
Larguer ces jeunes et les parachuter au ministère des Affaires étrangères comme attachés touristiques, ne semble pas satisfaire les dirigeants actuels, car on estime que le concours passé est loin du niveau exigé pour le recrutement des agents diplomatiques... Et certains murmurent que, si quelques éléments feraient d’excellents diplomates, une bonne fournée d’entre eux n’a été recrutée que pour faire plaisir à un décideur qui n’a plus la cote en hausse à la bourse des valeurs de la politique libanaise.
Dernière hypothèse envisagée: leur refaire passer le concours, mais cette fois-ci celui des Affaires étrangères.
En attendant, le gouvernement a d’autres chats bien plus urgents à fouetter...!

***

PASTEUR ET LES MICROBES
Une campagne menée par les ministères de la Santé et des Affaires sociales met en garde les Libanais et, surtout, les parents d’enfants en bas âge, contre les risques de manger des fruits et des légumes non lavés. “Laissez-les mariner longtemps dans de l’eau pure, additionnée d’un désinfectant”, disent-ils.
Ils ont raison et pourtant...
Pasteur était, comme la plupart des savants, fort distrait. On raconte qu’un jour, à la fin du déjeuner, il prit une grappe de raisin et se mit à laver les grains dans son verre qu’il avait à demi rempli d’eau. Tout en procédant à ce lavage, il expliquait aux convives la nature probable des millions de microbes qui souillaient la surface de chaque grain et toutes les maladies, aussi terribles que variées, auxquelles on s’exposerait en ne prenant pas le soin de nettoyer les fruits.
Cependant, devant l’attention que lui prêtait son auditoire, Pasteur oubliait peu à peu qu’il était à table. Il avait posé sa grappe à côté de son assiette et continuait sa conférence sur les infiniment petits.
C’est pourquoi, il eut le geste machinal du conférencier quand, pour reprendre haleine, il saisit le verre d’eau placé devant lui et but une large gorgée de ce bouillon de microbes.
Il faut ajouter, qu’il ne s’en porta pas plus mal.
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