ENTRETIEN AVEC PATRICK POIVRE D'ARVOR
Le bureau de Patrick Poivre d’Arvor... |
...rempli de photos avec des personnalités et autres célébrités, rencontrées au hasard des plateaux. |
RENCONTRE
Comment travaille PPDA ? Bref descriptif d’une journée type…
Ça démarre chez moi par l’écoute des radios et la
lecture de la presse. Je viens ensuite le matin vers 9h00 - 9h30 et je
discute avec Geneviève Galey, rédactrice en chef ; puis nous
avons une conférence de rédaction vers 11h00 avec l’ensemble
des personnes qui conçoivent le journal, c’est là que je
fais les choix définitifs de ce que seront les sujets de la journée.
A 16h00, une nouvelle réunion où l’on cale, par rapport aux
différents choix. A la fin de cette conférence, c’est-à-dire
vers 17h00, on établit le “conducteur”, le squelette du journal
et on donne ainsi une place et un temps à chaque sujet. A partir
de là, chacun va au montage, je passe quelques coups de téléphone
et je me mets à dicter assez tard…
Vous travaillez avec un prompteur ?
Je dicte pour avoir mes données sur papier et sur prompteur. Je
n’utilise que rarement le prompteur : il est là, il me sert en cas
de difficultés, mais j’essaie de rendre la chose quand même
plus naturelle. Après le journal, une dernière conférence
de rédaction, ce qu’on appelle “conférence critique” pour
voir ce qui a fonctionné ou non et que l’on peut éventuellement
reprendre lors du journal de la nuit.
A voir la presse française, en général, on note
que la France a une vision un peu biaisée de l’info dans certaines
zones géographiques. Le traitement du Liban est quelquefois approximatif
et partisan. C’est toujours le Liban qui attaque, c’est toujours Israël
qui se défend…
Non, il ne me semble pas, ça dépend vraiment des journalistes,
il est possible que les Français soient peu informés sur
cette région ; mais nous avons réalisé des reportages
sur le Liban, ce qui nous a valu des critiques du genre : c’est parce que
Bouygues a des intérêts dans le pays… On refera à nouveau
des dossiers. J’ai moi-même été au Liban à plusieurs
reprises et j’ai trouvé qu’il y avait encore une qualité
et une volonté de vie qui étaient très impressionnantes.
C’est hélas! le penchant naturel des journalistes : on ne parle
d’un lieu que quand ça va mal…
PPDA est parfois “agressé” en France, est-il victime de son succès
?
Je pense que si j’étais sur une chaîne, disons mineure et si je
n’avais pas cette place-là, oui certainement, j’aurai beaucoup moins
de critiques… c’est habituel et il me semble que c’est valable pour d’autres
activités.
C’est le fait que vous soyez exposé…
Oui, la durée d’abord, la place encore une fois et puis la chaîne.
La chaîne a toujours focalisé beaucoup à la fois d’attention,
de passion, d’irrationalité…
Un espace tendrement orné du souvenir de sa fille Solenn. |
Au centre de la bibliothèque : dix écrans et deux magnétoscopes sont opérationnels en permanence, pour rester au courant de l’actualité. |
De haine ?
Ah! oui, oui, quand je dis irrationalité, je pense à des
haines irrationnelles comme à des amours irrationnelles. Il y a
un phénomène d’attirance, de fascination/répulsion
que je comprends, même si je le trouve parfaitement injuste.
Vous êtes à la télé depuis 19 ans contre
vents et marées, ces médisances finissent-elles par vous
affecter ?
Très franchement, j’ai connu des douleurs infiniment supérieures
à ces petites piqûres d’insectes, donc je relativise et j’étalonne
les vraies agressions de la vie. Quant aux agressions du milieu, je sais
que pour certaines, elles sont dues à l’envie, à la jalousie
; pour d’autres, elles sont en parties justifiées, je ne sais pas,
c’est toujours très difficile de savoir ce qu’il y a dans la tête
des gens ; mais je sais que ce n’est pas la réaction des téléspectateurs,
ça ne l’a jamais été. Je considère que mon
travail s’adresse davantage aux téléspectateurs qu’au milieu.
Concernant votre réussite personnelle, est-elle due au fait
que vous êtes plus qu’un présentateur : un journaliste et
le rédacteur en chef de votre journal ?
Oui, sans doute. D’ailleurs il est vrai que lorsque j’étais sur
la 2, je ne me trouvais pas dans cette situation ; aujourd’hui, je suis
le patron du journal et donc je focalise les critiques, ce qui est normal
mais aussi les compliments. J’aime l’idée d’assumer, je déteste
les gens qui se défilent, j’ai de larges épaules, je suis
là au contraire pour protéger mon équipe et mes collaborateurs
et c’est normal que je serve de paratonnerre.
.
Patrick Poivre D’Arvor à Saër Karam :
“La vie privée doit être mise à l’écart
de
ce que l’on croit être le droit de savoir”.
J’insiste sur ce point : Internet propose l’info sur mesure, plus
besoin de se déplacer pour les journalistes et une opportunité
de s’informer à la source pour les citoyens, est-ce un leurre ?
Ne faut-il pas faire la différence entre communication (institutionnelle)
et information ?
D’abord, je pense que le jour où les journalistes n’auront plus
besoin de se déplacer, il faudra que l’on mette la clé sous
la porte et ce n’est pas satisfaisant. Comment dire, c’est bien qu’Internet
existe, que CNN existe – nous avons également notre chaîne
infos qui est LCI – mais ça ne suffit pas ! Il faut que l’on ait
notre propre point de vue, si on se contentait de bêler à
la remorque des Etats-Unis dès que l’on a une information à
la CNN, ce serait grave et ça l’aurait encore plus été
par exemple pour le conflit du Kosovo, ou le Proche-Orient. On a une sensibilité
et nous devons exercer ce regard-là ; il est capital que l’on continue
à avoir nos propres journalistes. Quant à Internet, il y
a du bon, incontestablement, on y apprend beaucoup de choses mais il faut
se méfier de certaines ; à nous de vérifier, mais
il est sûr que l’on va vers une information offerte presque en temps
réel au monde entier.
Maîtrise-t-on cette vitesse ?
Il faut faire très attention, c’est ma grande inquiétude
puisqu’on peut à tout moment, de n’importe quel endroit diffuser
une image, un commentaire… C’est donc pour cela que la responsabilisation
doit être de plus en plus grande et j’insiste là-dessus auprès
de mes collaborateurs, sans quoi on se fait duper et on a un peu tendance
à penser que l’on maîtrise la technique, si bien que l’on
envoie les informations à la dernière minute.
Que pensez-vous de la presse écrite en France ?
Je pense que pendant longtemps, la presse écrite en France ne s’est
pas suffisamment intéressée à ses lecteurs, ce qui
m’a surpris. Elle s’est intéressée beaucoup à elle-même
et à l’opinion que les autres avaient d’elle-même. La radio
et la télévision ont ouvert la brèche. Il y a eu ensuite
toute une série de journaux comme “Le Parisien” qui a commencé
à faire un travail différent et a bousculé les habitudes.
Cela dit, il existe des journaux de très grande qualité en
France avec des sensibilités politiques différentes : “Le
Monde” comme “Le Figaro” sont des quotidiens de stature internationale.
Vous demeurez fidèle à TF1. Pas d’autres propositions
en vue ?
Les propositions ne manquent pas, mais pour l’instant je les ai toujours
déclinées parce que je suis effectivement fidèle.
Quand j’ai eu à choisir en 1987 entre trois propositions équivalentes
: sur la 2, la Une et la Cinq, j’ai choisi TF1 parce que j’y étais
depuis déjà un an et que j’y étais heureux. Je ne
regrette pas ce choix.
TF1 c’est du solide, un grand groupe, des productions, des produits
dérivés, de la musique, du Net, est-ce la seule solution
pour survivre aujourd’hui, se développer, devenir une multinationale,
un ogre à l’américaine ?
Ogre, je ne pense pas qu’on en soit encore là. On est loin, et très
loin de ce que sont les Américains, loin de la force de frappe des
grands groupes, qui sont présents un peu partout. On reste encore
à des dimensions modestes et je pense même que l’on a besoin
de développement.
Est-ce par peur d’une éventuelle cannibalisation que la politique
Internet de TF1 a radicalement changé, ou par une prise de conscience
de l’intérêt d’un tel support ?
Une prise de conscience. Tous les gens qui travaillaient sur cette chaîne
sont d’une certaine génération qui aimait avoir les dépêches
en papier au lieu de l’écran. Et c’est bien que des personnes comme
Patrick Le Lay, Etienne Mougeotte ou Anne Sinclair se soient mis dans cette
direction-là. Il ne faut surtout pas refuser le progrès,
d’ailleurs je vais à la rentrée introduire une émission
où il y aura du livre et du multimédia, car je considère
que ça fait partie intégrante de la culture.
En fin de compte Internet et cette mondialisation de l’info et de
la “culture” n’a-t-elle pas pour but ou pour conséquence d’uniformiser
la pensée de par le monde ? Le profil du citoyen mondial est-il
inévitable et sera-t-on tous calqués sur un même moule
?
Je ne crois pas, il serait intéressant que vous ayez des Africains
qui puissent sur Internet répondre à des Québecois
ou des Libanais qui dialoguent avec des Israéliens. On est beaucoup
plus ouverts qu’on l’était naguère au monde, c’est indéniable,
mais il y aura toujours des spécificités ; à la fois
une passion pour Michael Jordan et pour Zinedine Zidane, la double culture
est là. Il y a la culture diffusée et offerte à tous,
et puis il y a la culture qui vient des racines, de l’environnement familial,
les gens ont toujours besoin de leurs deux pieds.
Vous êtes l’auteur de nombreux livres, dont certains sont autobiographiques.
L’écriture est-elle pour vous une sorte d’exutoire ou d’exorcisme
?
Il y a une partie exutoire incontestable, de choses compliquées
que l’on ne peut résumer ; quand on écrit “roman” sur une
couverture cela signifie quelque chose. Si l’on décide que c’est
un récit ou une autobiographie on le dit, on annonce la couleur,
tandis qu’un roman, on utilise à la fois un peu de soi, de choses
vécues, ressenties, écoutées d’expériences
multiples. Ce sont des choses qui s’expulsent de soi-même et aussi
qui nous sortent de notre métier de journalistes où l’information
quotidienne a tendance à montrer les aspects les plus noirs de l’âme
humaine et des peuples. Heureusement, la vie ce n’est pas que cela, sinon
elle serait difficilement supportable ; j’aime cette dimension de rêve
qu’apporte l’écriture.
Quelle est votre opinion sur les “Guignols”, ce contre-pouvoir n’est-il
pas devenu lui-même une menace puisqu’en situation de monopole et
de manipulateur des pensées de par son institutionnalisation ?
Je connais la vérité des chiffres, je sais ce qui se passe
à 20h00, par exemple ; je sais qu’il y a 10 millions de gens qui
regardent le journal de TF1. 6 millions qui regardent celui de la 2, 4
millions qui regardent le jeu de la 3, autant qui regardent la série
de la 6 ; puis, deux ou trois millions de gens qui regardent les “Guignols”.
Quand les gens ont la possibilité de choisir, je sais ce qu’ils
regardent. Il faut toujours relativiser l’ampleur des phénomènes
; comme autrefois le “Bébète Show” sur TF1, qui avait une
force d’influence énorme, les “Guignols” plaisent beaucoup aux jeunes
et surfent sur l’air du temps…
C’est l’esprit Canal +…
Voilà ! Mais l’esprit Canal + a eu des hauts et des bas, j’en
sais quelque chose, j’y ai travaillé les six premiers mois et ce
n’était pas une période si flambante à ce moment-là.
Canal + a connu des étapes comme actuellement où il y a une
remise en cause du pouvoir des “Guignols”. J’ai entendu l’autre jour, pour
la première fois, les “Guignols” sifflés par leur propre
public.
Pour tout ce qui touche à sa vie privée, PPDA montre
un autre visage : celui d’un homme prêt à tout pour se protéger,
coléreux si nécessaire… vous ne raffolez pas des Paparazzi.
J’ai déchiré la carte de presse d’un paparazzi et je pense
que cet homme-là n’aurait jamais dû en posséder une.
Il a d’ailleurs été condamné pour ses actes. Non,
je n’aime pas les paparazzi ; j’aime beaucoup par contre les photographes,
c’est un très beau métier ; il y a des gens qui ont risqué
leur vie notamment au Liban et il y en a d’autres qui en revanche pour
un journalisme de carnet de chèques sont prêts à faire
n’importe quoi et à détruire des familles entières.
Je n’ai aucun respect pour cette façon d’aborder le métier
!
La vision d’une télé-Bible détentrice de toute
vérité (en apparence) n’est-elle pas dangereuse pour qui
ne puise ses connaissances que dans ce média ?
La télé ne peut être la Bible. La télévision
est une lecture ; elle doit être forcément accompagnée
d’autres lectures et notamment de quotidiens, hebdomadaires et radios…
Il faut qu’il y ait une ouverture du champ.
Parlons de la “Télé-trash” et des dérives de
la télé poubelle. On critique beaucoup la télévision
américaine et tout ce qui gravite autour (mœurs, drogues…) en se
rassurant que cela est lointain, mais les émissions tendant à
s’uniformiser dans tous les pays du monde ; des pratiques en vigueur aux
Etats-Unis ou en Grande- Bretagne relatives à la délation…
ou aux châtiments et autres dénonciations publiques,
sont-elles susceptibles d’être vues un jour en France ?
Je ne crois franchement pas, je peux vous donner 25 exemples où
à chaque fois, ma position et celle de la rédaction a été
de refuser – notamment dans les affaires dites privées – d’en parler
tout simplement et plus encore de les montrer. Lorsque Monica Lewinsky
est venue en France proposer ses services parce qu’elle vendait un livre,
j’ai dit non. Alors certains ont déclaré que cela aurait
été formidable et qu’ils avaient envie de la voir…
Là je considérais que c’était tout bonnement du voyeurisme
et que ça n’apportait rien du tout. C’était de la promotion
pour son livre, tant mieux pour elle, mais je n’avais pas à rentrer
dans ce système et je ne me voyais pas lui posant des questions
intimes qui m’auraient gênées moi-même. Ce que l’on
appelle la Trash TV, peut très bien être évitée
en faisant attention, d’ailleurs, les grands journaux d’informations des
chaînes américaines ne sont pas en cause, eux essaient de
faire bien la limite ; en revanche, il existe certaines émissions
qui ont entre-temps disparu…
Quelle est la limite pour assouvir l’Audimat ?
Nous avons envie comme tout autre média d’être vus par le
plus grand nombre, mais pas dans n’importe quelles conditions et ces limites,
nous les possédons à l’intérieur de nous-mêmes.
L’addition du nombre (quelque 200 journalistes à TF1) forme un corps
social avec des anticorps qui font que jamais on ne franchira une certaine
barrière. Il y a une certaine dignité qui est reconnue par
tous à la télévision française où l’on
trouve des bêtises, des bavures mais rien du côté de
l’information qui ressemble à de la Trash TV, jamais.
Vous avez refusé de voir Monica Lewinsky, qui seriez-vous
susceptible de refuser également ?
Cela ne me pose aucun problème de faire des interviews d’hommes
politiques y compris les plus contestés, puisqu’on apporte un élément
d’information, ne serait-ce que de les voir ; mais s’il s’agit simplement
d’interviewer l’ex-petite amie de je ne sais qui, cela ne m’intéresse
pas, je n’en ai pas envie.
Vous répétez toujours que votre but est de faire le
meilleur journal possible, en êtes vous convaincu ? Quels sont ces
critères… ?
Le mien et celui de mes collaborateurs. Je n’en suis jamais convaincu (rires…),
parce qu’il m’arrive de dire : tiens sur tel journal on n’a pas été
bons, c’était insuffisant… Il ne faut pas avoir d’égocentrisme
et lorsqu’on fait des erreurs ou qu’il y a un manque, il faut les rattraper.
La “starisation” du journaliste n’est elle pas à double tranchant
? On note une certaine érosion du JT lors de vos absences. Cela
signifie-t-il que l’on fait plus confiance à l’homme qu’à
la chaîne ?
D’abord, cette érosion est très limitée. Je n’aime
pas le mot starisation ; il y a en effet une personnalisation évidente,
il me semble que ce n’est pas tout à fait absurde puisque les gens
aiment retrouver tous les soirs la même personne, un visage connu,
de la même manière que l’on a envie de retrouver un voisin,
un collègue ou son boulanger, mais en même temps, c’est à
nous de contrôler les excès de la starisation. C’est pour
cela que je me bats contre les dérives de la presse people, je suis
journaliste, je ne suis pas acteur de cinéma.
Un sondage récemment paru dans un hebdomadaire révélait
que 5% des Françaises aimeraient avoir une aventure avec vous. Vous
avez été le plus jeune présentateur du 20h00. Vous
êtes une idole pour tout apprenti journaliste. Des millions de téléspectateurs
vous adulent et vous regardent. Comment gérez-vous cette notoriété
?
Il faut avoir un peu d’humour. 5% des Françaises, ça doit
faire deux millions de personnes, une vie n’y suffirait pas, donc amusons-nous…
Tout cela, c’est du sable, c’est du vent, ça part quand vous partez,
il ne faut pas y accorder trop d’importance.
Au vu des résultats des élections européennes,
quelles seront, selon vous les retombées de la victoire de la droite
partout à l’exception de la France ?
La droite en France semble mettre beaucoup de temps pour digérer
sa défaite de 1997. A chaque fois on pense qu’elle a atteint son
niveau d’implosion maximum et il y a toujours une petite explosion supplémentaire.
Apparemment les rivalités des hommes semblent plus difficiles à
combattre que dans d’autres pays et en même temps, ce qui me frappe
aussi c’est de voir qu’il y a toujours autant cette même ligne de
séparation qui existe à peu près à 50 droite,
50 gauche, c’est impressionnant de voir que sur cinquante ans, depuis l’après-guerre,
ça n’a pas beaucoup bougé. Tout est toujours possible en
politique.
Le “Blairisme” est-il dépassé après la défaite
subie récemment ?
C’est l’écume des choses. Il y a, immanquablement, au delà
du phénomène politique, un phénomène humain
: un renouvellement des générations, un regard différent
avec ses spécificités. La gauche a obtenu de bons résultats
en France alors qu’on la disait pas aussi moderne que celle de Blair et
Schroëder ; donc là aussi il faut se méfier des modes.
L’Euro a-t-il un avenir contre le dollar ?
Pas contre, mais à côté, oui.
Estimez-vous que le public a le droit de tout savoir ; sur quels
critères est choisie telle info et pas une autre ?
La vie privée – je le répète – doit être mise
à l’écart de ce que l’on croit être le droit de savoir.
Récemment on a évoqué les nombreux “bidonnages”
pratiqués dans la presse et à la télévision.
Comment respecter l’éthique, quelles sont les frontières
à ne pas franchir.
Les frontières sont là aussi, tout comme ce qui concerne
les fautes de goût. Dans une rédaction, il y a toujours des
garde-fous qui empêchent de dériver. Et quand on regarde bien,
malgré l’immense volume d’images diffusé, il y a extrêmement
peu de petites bavures.
On a beaucoup parlé et surtout depuis la privatisation de
TF1 en 1986 du lien étroit entre le Pouvoir et l’Info. Estimez-vous
être suffisamment libre ? N’avez-vous jamais subi de pressions ?
Des tentatives de pressions souvent, mais est-ce qu’on appelle une pression
quelqu’un qui souhaiterait venir dans le journal ce soir ? Ce qui serait
grave, c’est si j’étais obligé d’accéder à
cette requête parce qu’il y a une obligation ou que je sentais que
mon patron ou le gouvernement me le demande. Mais ce n’est pas le cas:
la situation est satisfaisante.
On parle de décrédibilisation du journalisme (et du
rôle prédominant de la télévision dans cette
cause). Le public ne fait plus confiance aux journalistes… Ces derniers
sont–ils aussi responsables qu’ils le devraient ? La profession ne doit-elle
pas re-mériter ses droits ?
C’est sûr que les sondages sont là pour nous dire que la crédibilité
des journalistes est souvent remise en cause par les gens. On se demande
pourquoi donc ? On a le sentiment et c’est un fait, nous sommes infiniment
plus libres que du temps où il n’y avait que trois chaînes
qui étaient contrôlées par le gouvernement. On a donc
tendance à se dire : quel formidable progrès dans l’indépendance
ce qui arrive progressivement chez les chaînes publiques. On n’imaginerait
pas une chaîne publique aux ordres comme ce fut le cas à une
époque. Donc, malgré cela on note une remise en question
dans l’esprit des gens. A nous d’essayer de mériter leur confiance,
mais je vois bien que cela s’inscrit dans un phénomène beaucoup
plus général qui est une remise en cause des "élites".
Cela a commencé par la politique, puis cela a été
valable pour les hommes d’affaires, les avocats, les médecins –
ce qui était inimaginable : remettre en cause le diagnostic d’un
médecin, qu’on l’attaque en justice ; tout cela existe aujourd’hui.
C’est valable pour les hommes d’église, c’est valable hélas!
pour tout le monde. C’est une remise en question de tous les “oracles”.
Il faut essayer de corriger, on n’a jamais raison contre le public ; il
faut accepter ce diagnostic.