Mme Bahia
Hariri, sœur de l’ancien Premier ministre, a abondé dans ce sens,
ses collègues de la néo-opposition ayant interprété,
à leur manière, les dispositions de la loi fondamentale.
Dans le même temps, ils ont dénoncé la façon
dont a été amorcée la réforme au double
plan politique et administratif, avant de réclamer l’autonomie totale
à la magistrature.
De plus, ils ont insisté sur la nécessité de réactiver
les secteurs industriel et agricole, pour permettre au pays de suivre le
rythme de l’évolution prévue au IIIème millénaire.
UN NOUVEAU RÔLE POUR LE LIBAN
Il y a lieu de s’arrêter à l’exposé fait, avant
le débat, par M. Georges Corm, ministre des Finances, qui a mis
l’accent sur “la nécessité de trouver au Liban un nouveau
rôle, le pays ayant perdu les atouts qui en faisaient un centre économique,
financier, culturel et touristique dans la période allant du début
des années cinquante aux années soixante-dix ayant
précédé les douloureux événements.”
La réforme fiscale a servi de thème à plusieurs
députés qui ont souligné l’importance des investissements
dans les secteurs productifs, industriel, agricole et touristique, notamment.
D’autre part, d’anciens ministres, tel M. Nicolas Fattouche se sont
employés à prendre la défense du Législatif,
alors que d’autres, tel M. Marwan Hamadé, membre du “Front de lutte
nationale” (joumblattiste), ont émis des doutes à propos
de la “philosophie économico-financière” sur base de laquelle
le projet de budget a été élaboré et posé
la question ci-après: Qui a décidé de transformer
le Liban de “paradis fiscal” en “enfer fiscal”? Pourquoi les espoirs fondés
sur la réforme administrative se sont-ils volatilisés et
qui a compromis le climat propice à l’apport de fonds? “C’est, soutient-il,
la conséquence de mesures arbitraires”.
M. Nassib Lahoud, député du Metn, a évoqué
deux faits à l’actif du “Cabinet des 16” dans son action visant
à promouvoir le changement: Primo, ouvrir la voie à
une réforme fiscale globale, à l’effet de moderniser les
moyens de financement du Trésor et, partant, de favoriser l’instauration
d’une politique sociale au profit des classes laborieuses. Secundo, traiter
la loi de finances, non d’un angle étroit restreint à une
année, mais d’un angle plus large, en vue de diagnostiquer les causes
de la crise financière et, aussi, de réduire le volume de
la dette publique.
RETOUR À LA “DACTYLO”Et AUX TABLES D’ÉCOUTE?
M. Bassem Sabeh, député de Baabda, se montre particulièrement
critique et agressif dans son intervention. Il commence par s’en prendre
à la nouvelle “dactylo” et au “fax”, accusant certaines parties
de chercher à imposer une sorte de censure préalable
sur les médias et d’avoir rétabli les tables d’écoute,
même aux dépens des hauts responsables.
“Quant au projet de budget, dit-il, c’est une copie conforme de la
situation politique, faite de prostration et de morosité”.
Par ailleurs, l’or dont dispose l’Etat a été au centre
du débat, ainsi que le secret bancaire. Bien que le président
Salim Hoss ait atténué les critiques des députés,
tant loyalistes qu’opposants, à ce sujet, en assurant “qu’il n’est
nullement dans l’intention du gouvernement de toucher à l’or, ni
au secret bancaire, parce qu’ils sont les piliers fondamentaux de sa politique
financière.”
LE COMMUNIQUÉ DES “SOURCES MINISTÉRIELLES”
Le communiqué attribué à des “sources ministérielles”
qui avait pris violemment à partie le président Rafic Hariri,
est pris comme prétexte par M. Mohsen Dalloul, ancien ministre,
parent par alliance de l’ancien Premier ministre, pour attaquer le Cabinet
et son chef. “Nous avons fondé beaucoup d’espoir sur le discours
d’investiture, surtout quand il a parlé de l’Etat de la loi et des
institutions. Mais quelques mois après votre entrée en fonctions,
M. le président du Conseil, nous assistons à une violation
flagrante de la loi et des institutions. Nous en avons la preuve, dans
la diffusion du fameux communiqué, les nominations et votre affirmation
dont il ressort que votre Cabinet sera maintenu jusqu’à l’an 2000,
alors que des organismes officiels, telle l’Agence nationale d’information
(ANI) négligent les déclarations des membres de l’Assemblée”,
citant à titre d’exemple, le fait pour ladite agence d’avoir ignoré
la conférence de presse de M. Moustapha Saad, député
de Saïda.
Puis, M. Dalloul demande qu’est devenu le dossier de la réforme
administrative qui a été fermé peu de temps après
son ouverture: “La réforme, ajoute-t-il, consiste-t-elle à
licencier des fonctionnaires ou à les placer à la disposition
de la présidence du Conseil, pour nommer à leur place des
remplaçants choisis à titre discrétionnaire, instituant
de ce fait la “politique des parts” que vous n’avez cessé de dénoncer?”
Le député de la Békaa accuse le gouvernement “d’avoir
mis fin au dialogue national” qui avait été entamé
à l’intérieur des institutions, le Conseil des ministres
en tête... Les “sources ministérielles” ont accaparé
tous les rôles au sein et en dehors du Conseil des ministres, mettant
fin, de ce fait, à la vie politique dans son ensemble.”
RIEN N’A ÉTÉ FAIT EN 7 MOIS
Quant à M. Omar Meskaoui, l’un des ministres “inamovibles” des
Cabinets Hariri au cours des six dernières années, il constate
que “le gouvernement n’a rien fait sept mois après avoir obtenu
la confiance de la Chambre”. Et d’enchaîner: “Le fait pour le projet
de budget qui nous est soumis d’élargir la base des impôts,
en les allégeant au profit des citoyens à revenu limité,
reste une promesse, pareille à tant d’autres dont abondaient les
déclarations ministérielles des précédents
Cabinets.”
Cependant, en dépit de ses critiques, M. Meskaoui annonce qu’il
approuvera le projet de budget “afin de permettre au gouvernement d’assumer
ses responsabilités.”
De son côté, M. Bahaëddine Itani, autre député
haririen, qualifie la loi de finances “d’ordinaire” et de “classique”,
en ce sens qu’elle n’apporte rien de nouveau. M. Antoine Andraos, autre
membre du bloc haririen, qualifie le projet de budget de “faire-part” pareil
à celui qu’on adresse pour annoncer un décès, ayant
fait perdre aux citoyens la confiance dans le gouvernement.”
CRITIQUE “RÉALISTE”
En revanche, les interventions des députés membres du
“Bloc de fidélité à la Résistance” se distinguent
par leur réalisme, ceux-ci s’étant étendus sur les
problèmes intéressant le peuple dans sa vie quotidienne,
sans aucune animosité ni agressivité contre le Cabinet.
M. Faouzi Hobeiche, député du Akkar, rend hommage aux
efforts que déploient les présidents de la République
et du Conseil, pour atténuer le déficit et redresser la situation
socio-économique. Il constate que le projet de budget répond
au principe de la transparence et de l’homogénéité
dans la politique générale de l’Etat, tout en critiquant
les coupes opérées dans certains départements ministériels
et en réclamant une lutte plus efficace contre la pollution.
M. Gebrane Tok, député de Bécharré, juge
exacts les chiffres du budget et déplorant le marasme économique,
il estime qu’on ne peut dissocier la discussion de la loi de finances du
plan quinquennal de redressement. “Le budget 99, poursuit-il, témoigne
d’une nouvelle orientation et d’un style nouveau, différents de
ceux des précédents gouvernements, en ce sens qu’il détecte
la cause de la crise, à savoir l’endettement, la solution résidant
dans la réactivation des secteurs productifs.”
L’EXPOSÉ DU MINISTRE DES FINANCES
Ici, il nous faut revenir à l’exposé que M. Georges Corm,
ministre des Finances, a fait à l’ouverture du débat, dans
lequel il met l’accent sur “la nécessité de trouver pour
le Liban un nouveau rôle, en raison de la perte des atouts qui en
faisaient, avant la guerre, un centre prééminent aux plans
économique, commercial, culturel et touristique.
Il révèle que la commission parlementaire des Finances
et du Budget, avait relevé légèrement les prévisions
budgétaires de l’année courante, portant de ce fait le déficit
de 40 à 41%.
Il précise que le montant des dépenses s’est élevé
à 8395 milliards de livres, soit 34% du produit national, les recettes
ne devant pas représenter 20% de ce produit. De plus, les dépenses
à engager en dehors des prévisions budgétaires (par
le Conseil du Sud et la Caisse des déplacés) augmenteront
le déficit de 3 ou 4 points. De ce fait, le déficit du budget
par rapport aux dépenses, se situera entre 42 et 44%.
M. Corm observe que le déficit financier (55% en 98 et 60% en
97) a eu pour conséquence d’aggraver la situation économique,
en plus des années de guerre.
Puis, critiquant les Cabinets Hariri, le ministre des Finances dit
que l’actuel Cabinet a hérité d’un lourd legs d’ordre politico-économique,
résultant de dépenses excédant les prévisions
et les possibilités. Celles-ci sont la conséquence de la
création de nouveaux départements ministériels et
d’institutions publiques et de l’engagement de crédits en dehors
de la loi de finances, sans que l’Etat dispose des fonds nécessaires
pour y faire face.
“Ceci a amplifié le volume de la dette intérieure qui
est passée de 4031 milliards de livres fin 1992, à 21.686
milliards fin 98. La dette extérieure est passée de 327,5
millions de dollars à 412,7 milliards durant la même période.”
M. Corm juge que la tendance à investir, abusivement, dans le
secteur de l’immobilier (la valeur des appartements non encore vendus est
estimée à 7 milliards de dollars) et les crédits considérables
investis pour la remise en état des infrastructures, ont eu pour
conséquence, en définitive, d’immobiliser les secteurs productifs
aux plans industriel, agricole et des services, tout en faisant perdre
à l’économie libanaise sa compétitivité dans
la région.
M. Corm indique que le plan quinquennal de redressement que le gouvernement
a transmis à la Chambre, qu’elle n’est pas appelée à
approuver, se base sur deux piliers: la réforme du système
fiscal, en adoptant la TVA (taxe sur la valeur ajoutée) et la privatisation
des services étatiques, totalement ou partiellement.
JOUMBLATT À BAABDA
La semaine dernière avait été marquée,
notamment, par la visite de M. Walid Joumblatt au palais de Baabda, mettant
fin à plusieurs mois de tension dans les rapports entre le Pouvoir
et le chef du Parti socialiste progressiste.
M. Joumblatt a tenté de soulever certaines questions délicates,
afin de détecter la position du chef de l’Etat à leur sujet,
mais le président Lahoud s’est limité à confirmer
son attachement à des constantes dont il ne dévie pas et
qu’il a définies dans le discours d’investiture, se disant prêt
à coopérer avec toutes les parties, dans l’intérêt
supérieur de la nation, sans entrer dans les détails.
Le chef du PSP n’a pas caché, quant à lui, son opposition
au gouvernement et à sa gestion de la chose publique, tout en exprimant
sa disposition à coopérer avec le régime. Il a, ainsi,
manifesté une attitude souple, se confinant dans une attitude à
mi-chemin entre l’opposition et le loyalisme.
Le leader socialiste n’a pas manqué d’évoquer le nom
de son ancien allié, Rafic Hariri, dans l’intention de connaître
la réaction du président de la République qui n’a
émis aucune réflexion, ni fait aucun commentaire.
KHATIB: Hoss est injustement accusé
de tous les maux
Parmi les loyalistes, les plaidoyers les plus favorables au Cabinet,
ont été ceux de MM. Zaher el-Khatib, député
du Chouf et Jamil Chammas, député de Beyrouth.
M. el-Khatib a relevé la mauvaise foi des opposants “qui ont
transformé le débat sur le budget en débat politique”.
Aussi, a-t-il réfuté, point par point, les critiques décochées
par les partisans de l’ancien Premier ministre.
“On crie à la dictature, dit-il, parce qu’un officier du deuxième
bureau s’est enquis du nom d’un intervenant lors d’une conférence.
Où voit-on une répression des libertés publiques,
alors qu’une des premières décisions prises par l’actuel
Cabinet fut d’autoriser les manifestations que le précédent
gouvernement avait interdites.”
De plus, il s’étonne de ce que la néo-opposition accuse
le président Hoss de tous les maux de la République, sans
manquer de rappeler “le lourd héritage légué par les
gouvernements qui se sont succédé au pouvoir au cours
des six dernières années!”
En ce qui concerne le communiqué attribué à des
“sources ministérielles”, le député du Chouf rétorque
aux critiqueurs (pro-haririens) que “ce procédé est une tradition
dans tous les pays et ne porte nullement atteinte à la démocratie
comme ils le prétendent.”
Enfin, M. el-Khatib invite le “Cabinet des 16” à poursuivre
les réformes sans aucune hésitation sur tous les plans.
Quant à M. Chammas, il a pris à partie les nouveaux opposants
et invité le président Hoss à assainir l’administration
publique, en la débarrassant des fonctionnaires qui se sont enrichis.
Il s’est, également, déchaîné contre les “conseillers”
engagés à des mensualités exorbitantes, la plupart
d’entre eux “souvent incompétents” étant payés de
6 à 7.000 dollars par mois.
“L’une des principales réalisations du Cabinet Hoss, dit-il,
est d’avoir fait au pays l’économie d’un milliard de dollars dans
les prévisions budgétaires de 99.”