EN RECEVANT LE CONSEIL DE L'ORDRE DES JOUNALISTES
CHAMSEDINE: "JE NE SUIS PAS OPTIMISTE ET JE M'ATTACHE A LA RESISTANCE JUSQU'A LA LIBERATION"

En recevant le conseil de l’Ordre des journalistes, ayant à sa tête M. Melhem Karam, l’imam Mohamed Mahdi Chamseddine, président du Conseil supérieur chiite, a appelé les Libanais “à sortir des “états confessionnels et à tendre vers la véritable citoyenneté” et s’est prononcé en faveur de la grande circonscription électorale.
De plus, il a proclamé son opposition à l’abolition du confessionnalisme politique, invitant tous les citoyens à adhérer au projet de l’Etat. De même, il a réitéré son attachement à la Résistance, jusqu’à ce qu’Israël applique la résolution 425 exigeant son retrait inconditionnel du Liban.
Il s’est réjoui de la position du président Emile Lahoud “qui est acquis à la Résistance et à son action légitime”.
Considérant que le comité de surveillance de la trêve issu de l’arrangement d’avril 96 nous a empêchés de faire entendre notre voix au monde, il a mis en garde contre un excès d’optimisme suite à l’accession de Ehud Barak à la présidence du Conseil en Israël.
 

PROBLÈMES D’ACTUALITÉ
Au début de la rencontre, M. Karam a dit qu’il avait décidé avec ses confrères de lui rendre visite afin d’entendre son point de vue à propos des problèmes de l’heure. “Nous entendons des faits, dit-il, sans obtenir de réponses à leur sujet. Après les propos de Barak sur la paix, les raids sur les populations civiles se justifient-ils? Et la paix est-elle proche ainsi que le laissent croire les Israéliens?
“Qu’en est-il des prochaines législatives et de la loi sur base de laquelle elles seront organisées? Quelle est votre lecture de ce qui se passe en Iran et du fait pour le président Khatami de soutenir les mouvements protestataires, alors que le président Khaménei dénonce la violence avec laquelle la police a réprimé les manifestations?
Parlez-nous, voulez-vous, du temps où l’imam Moussa Sadr vous a invité à être son vice-président; du jour où a il a proposé votre nom et où vous avez accepté d’assumer cette haute charge... Qu’en est-il de “l’état chiite”?
L’imam Chamseddine commence par souhaiter la bienvenue au conseil de l’Ordre et à M. Karam, non seulement en sa qualité de président de cette corporation, mais en tant que rédacteur en chef d’imprimés ayant conscience du rôle prééminent des médias dans l’édification de la patrie.

LE C.S.C. PAREIL À BKERKÉ
A propos de “l’état chiite”, le président du C.S.C. dit qu’il n’aime pas cette expression et, d’ailleurs, il préfère qu’il n’y ait pas “d’état chiite”, car dans ce cas, il devrait y avoir un “état maronite”, sunnite, grec-orthodoxe, druze, etc... “Tous ces “états” n’édifient pas une patrie, ni une société civile, politique et un Etat dans le vrai sens du terme... Dans la mesure où les chiites adhèrent au projet de l’Etat, ils préservent leurs intérêts. Dieu merci, la situation des musulmans chiites libanais est homogène; il n’existe pas de crispation entre eux et mes coreligionnaires s’adaptent à la situation libanaise dans son ensemble. J’invite les médias au Liban et dans le monde arabe à nous aider à nous débarrasser de la “cause chiite” considérée comme une situation anormale. Du point de vue de la religion, les chiites sont musulmans et, du point de vue de leur nationalisme, ils sont arabes, perses, turcs, hindous ou autres.
“En ce qui concerne le Conseil supérieur chiite, comme vous le savez, c’est une institution qui constitue le cadre au sein duquel sont gérées les affaires de la communauté à l’instar des autres institutions libanaises, tel Dar el-Fatwa et le patriarcat maronite. Il s’intéresse à la partie religieuse du point de vue des problèmes internes et à la partie politique générale non sectaire, ni confessionnelle. Je crois que depuis la fondation dudit Conseil dans les années soixante-dix, les communiqués qu’il diffuse confirment cette vérité. En ce sens qu’il n’a soulevé à aucun moment un problème sectaire. Le Conseil persévère dans la même ligne de conduite, en veillant à ne pas tomber dans aucun piège de caractère politique ou partisan.”

BARAK ET LA PAIX
A propos de Ehud Barak et des possibilités qu’il offre pour instaurer la paix, l’imam Chamseddine émet ces réflexions: “Je ne veux pas me laisser induire en erreur. Nous avons dit à certains grands frères arabes: Tirez les leçons des chances que vous avez accordées à Netanyahu. Chaque fois qu’un responsable israélien réclame un délai, nous tombons dans le piège... Je n’ai pas trouvé plus de souplesse, mais de la duplicité dans la manière d’agir et de se comporter d’Israël partout et dans toutes les circonstances.
“Après ce qui s’est passé durant les dix ou quinze dernières années dans la région, je ne vois qu’un nouveau procédé dans la tergiversation et le chantage. A mon avis, les nouveaux dirigeants israéliens commenceront par là où Netanyahu a fini.
“Après avoir réussi, cet homme (Barak) a proclamé ses quatre “non” célèbres. S’il les avait proclamés avant son succès, nous aurions pu nous dire qu’il fait de la propagande électorale. Mais après avoir réussi, il a dit non à l’arrêt de la colonisation; non au partage de Jérusalem; non au droit de retour aux réfugiés palestiniens et au retrait total du Golan.
“Je juge Barak, sur base de ses prises de position publiques. Cet homme reste une énigme. Je demande, donc, aux responsables arabes de ne pas manifester trop d’optimisme, de ne pas accorder des délais et de poser des conditions pour reprendre les négociations.

LA RÉSISTANCE, PROJET LIBANAIS
Réfutant l’allégation de ceux qui collent à la Résistance l’attribut de “chiite”, l’imam Chamseddine soutient que celle-ci est, essentiellement, libanaise. “S’il n’en était pas ainsi, dit-il, ce serait un point de faiblesse pour elle... La Résistance est un projet libanais. L’Etat dans toutes ses institutions, du président de la République, à son gouvernement, à la Chambre des députés et à tous les organismes de la société y ont adhéré, en tête desquels la Presse libanaise et non chiite. Je me réjouis d’avoir contribué à former les cellules libanaises, formations groupant des combattants de toutes les communautés nationales.
“La situation, l’étape actuelle et l’intérêt du Liban exigent de donner  à la Résistance un cachet libanais et elle se poursuivra tant que la résolution 425 n’est pas appliquée sans chantage ni conditions de la part d’Israël. L’Etat hébreu détient donc la décision dont la mise à exécution arrachera à la Résistance sa raison d’exister... Je profite de l’occasion pour renouveler mon hommage au président de la République pour sa lucidité, sa moralité et son engagement. Je demande à tous les citoyens de l’aider, car la Résistance est essentiellement libanaise.”
Par ailleurs, le président du CSC vante la prise de position du Vatican envers   Jérusalem. Et d’ajouter: “On ne peut faire confiance aux Israéliens; ce sont une bande de criminels; qu’ils se retirent donc de notre territoire au-delà de nos frontières avec la Palestine. Nos armes seront toujours prêtes, tant qu’il existera des soldats israéliens sur notre territoire.”

LE COMITÉ DE SURVEILLANCE
L’imam Chamseddine dit qu’il n’est pas contre le comité de surveillance de la trêve. “Cependant, poursuit-il, la présence de ce comité ne me satisfait pas, parce que j’ai réalisé son but dès sa constitution. La communauté internationale, l’Europe et l’Amérique ne veulent pas s’embarrasser de nos plaintes au Conseil de Sécurité, c’est pourquoi, ils ont créé un mini-Conseil de Sécurité.
“De ce fait, ce comité nous empêche de faire entendre notre voix au monde. Nous avons tenu des propos en ce sens à nos amis français et je profite de l’occasion pour leur présenter nos vœux, parce qu’ils sont des amis, leur révolution ayant ajouté quelque chose à l’humanité. Je ne suis pas contre le comité de surveillance, mais j’estime que sa tâche consiste à renvoyer dos à dos l’agresseur et la victime.”
Invité à émettre son avis à propos de la nouvelle loi électorale en cours d’élaboration, le dignitaire chiite avoue n’avoir pas eu connaissance de l’avant-projet y relatif, ni des suggestions qui font l’objet d’échange de vues.
Toujours est-il qu’il se prononce en faveur de la grande circonscription, parce qu’il la juge préférable:  “Tel est mon point de vue jusqu’à présent. La “Rencontre chrétienne” m’a remis une copie de son projet que j’étudierai avec beaucoup d’attention, car je suis ouvert au dialogue. Je ne préconise pas  la transformation du Liban en circonscription unique, mais j’estime valable la grande circonscription. Prenons exemple sur la France; la Suisse et le Royaume-Uni... Je n’accepte pas, en revanche, le modèle américain qui semble pareil au nôtre.”

POUR UN SYSTÈME JUSTE ET ÉQUILIBRÉ
“Puis, je ne suis pas pour l’abolition du confessionnalisme politique dans un délai prévisible. Le Liban est ainsi constitué. Que son système confessionnel soit juste et équilibré; je ne crois pas en l’échange des suffrages: donnez-nous vos voix et nous vous donnerons les nôtres. Ou comme disent les chrétiens: donnez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Nous donnons ce qui est à César, mais qu’ils nous laissent ce qui est à Dieu.”
De la situation en Iran, suite aux manifestations de rues qui ont fait des victimes et des blessés parmi les étudiants et les forces de l’ordre, l’imam Chamseddine s’exprime en ces termes: “Il s’agit d’un phénomène naturel traduisant la lutte des générations. Les jeunes posent la question du changement et des libertés.
“Ce n’est pas un conflit, mais une opération d’interaction visant à transformer la société iranienne. Mais on ne doit pas croire qu’il existe deux positions différentes et deux courants contradictoires. Quoi qu’il en soit, les extrémistes des deux camps sont descendus dans la rue et s’y sont affrontés, l’appel du président Khatami étant similaire à celui de Khamenéi, guide spirituel de la révolution.
Ici, je critique la décision prise de suspendre le journal “Salam”. La sauvegarde des libertés est une question fondamentale et nous ne pouvons tolérer le bâillonnement de ces libertés que ce soit en Iran, dans notre pays ou partout dans le monde. Quiconque diffuse un manifeste portant atteinte aux questions sacro-saintes des chrétiens ou des musulmans, nous lui couperons la langue, car c’est du sabotage et de l’anarchie. La fermeture du “Salam” a été une erreur que rien ne justifie.
“En soutenant tout courant favorable aux libertés, je demande deux choses à nos frères iraniens: Primo, ne pas tomber dans le piège que constitue la conception occidentale de la liberté, certains jeunes étant victimes de cette conception. Secundo, je leur dis: ne craignez pas la liberté, tout en manifestant de la réserve à l’égard de sa conception occidentale.”

CONTRE LA “PRESSE À SCANDALES”
“Cela dit, je suis contre la “Presse à scandales”. C’est à la Presse sérieuse et pondérée de traiter les travers de la société et de critiquer le Pouvoir quand elle le juge nécessaire.
“Je souhaite que la Presse libanaise traite le sujet iranien avec sagesse et j’espère que la situation s’apaisera en Iran dans les jours à venir. J’ajouterai ceci: l’ancienne génération a réalisé la révolution et la nouvelle se doit de préserver l’Etat et d’aider l’Iran à s’intégrer dans son environnement arabe et islamique. Comme dans son environnement international, tout en accueillant avec satisfaction le climat européen dans son interaction avec la République islamique.”


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