En
1961, deux années avant le détérioration des relations
algéro-marocaines, les “trois grands” du Maghreb: Hassan II, Bourguiba
et Ferhat Abbas (notre photo d’archives), s’étaient mis d’accord
sur “les moyens de réaliser l’indépendance de l’Algérie
et d’édifier le Grand Maghreb arabe.
La crise algéro-marocaine avait éclaté vers la
mi-octobre 1963 et coïncidé avec la première tournée
du roi Hassan II dans le sud du royaume. Nous avons eu le privilège
de l’y accompagner avec une vingtaine de confrères libanais et étrangers.
Nous avons suivi le jeune monarque à Jadida, Safi, Agadir (détruite
par un séisme), Touradent et Marrakech où il a inauguré
de nouvelles réalisations et posé la première pierre
d’autres projets d’utilité publique.
Après s’être coiffé à Safi de la “rezza”,
Sa Majesté troqua ce couvre-chef traditionnel du Maroc méridional
contre le képi et revêtit l’uniforme blanc de général
d’armée, ce qui lui donna plus d’allure. Sans doute, parce que la
situation à la frontière était ce jour-là inquiétante.
Des incidents y avaient été signalés la veille de
notre arrivée au Maroc.
Sans se départir de son calme et de son sourire, Hassan II a
tenu des propos pondérés, dénotant sa nature pacifique.
“Les Algériens, dit-il, sont nos frères et voisins. Je suis
certain que tout finira par s’arranger dès qu’Alger voudra engager
le dialogue avec Rabat.”
La première capitale faisait grief à la seconde, “de
chercher à compromettre son régime socialiste”. Et l’opposition
marocaine attribuait le conflit “à l’incompatibilité entre
les régimes politiques des deux pays”.
L’éditorialiste du journal “Al-Alam”, porte-parole de l’Istikal
et de l’opposition, écrivait à l’époque: “Nous n’accepterons
jamais aucune forme de Pouvoir autre que la monarchie... Notre parti n’est
de connivence ni avec Abdel-Nasser, ni avec Ben Bella. Les Marocains sont
trop jaloux de leur souveraineté, de leur liberté et de leur
indépendance pour accepter la tutelle de qui que ce soit...”
A Safi, Hassan II visiblement affecté par l’évolution
de la crise algéro-marocaine, a harangué la foule en ces
termes: “Je suis fier de la neutralité du royaume. Je vous demande
de vous comporter comme des sourds, afin de ne pas entendre des paroles
et des menaces qui pourraient attiser votre rancœur à l’égard
d’un pays frère... Quoi qu’il arrive, je ne ménagerai aucun
effort pour rétablir, en les renforçant, nos relations avec
nos voisins.”
***
Trente-six années se sont écoulées, mais Rabat
et Alger n’ont pas encore réglé leur conflit, exacerbé
par le problème du Sahara occidental.
Au moment où Hassan II s’apprêtait à rencontrer
Bouteflika pour mettre fin à leur querelle, le souverain a succombé
à une crise cardiaque. Mais le chef de l’Etat algérien qui
semble déterminé à engager le dialogue avec Rabat,
paraissait profondément ému et affligé, dimanche,
en accompagnant le monarque chérifien à sa dernière
demeure.
Nous avons gardé, quant à nous, du roi Hassan II, l’impression
d’un homme d’Etat pondéré et clairvoyant; c’était
un “sage”. Il savait dominer ses passions et conserver son sang-froid en
toutes circonstances. Paix à son âme. |