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UN "DROIT AU RETOUR"

Le problème des réfugiés palestiniens resurgit, périodiquement, depuis 1950 sans jamais trouver une solution acceptable pour toutes les parties: les Palestiniens eux-mêmes, les pays hôtes et Israël. L’ONU s’en était saisie et avait rendu une sentence conforme aux notions de justice: ses premières résolutions reconnaissent aux réfugiés le droit au retour en Palestine (Israël, Cisjordanie ou Gaza) ou à l’indemnisation, à leur choix. Mais, parallèlement, pour pallier au plus urgent, elle a créé l’UNRWA chargée d’assurer des secours de caractère humanitaire aux plus démunis, c’est-à-dire l’écrasante majorité parquée dans des camps qui étaient de toile et sont devenus des villes “en dur”. Autrement dit, “durable”. Et l’UNRWA est quasiment en faillite, de même que l’ONU.
Le droit au retour ne convenant pas du tout à Israël, c’est l’aspect humanitaire qui a fini seul par prévaloir. Car ce que veut Israël, Dieu le veut! En somme, si les Palestiniens ont été chassés de leur pays, ce n’est pas pour qu’ils y retournent.
C’est ainsi que l’ambassadeur américain à Beyrouth, sortant l’autre jour, d’une audience à Baabda, se contentait d’évoquer seulement le côté humanitaire du problème.
Tout juif, quelle que soit sa nationalité ou sa résidence actuelle, bénéficie du “droit  au retour” en Israël, aux termes de la loi de cet Etat, un “retour” dans un territoire qu’il n’a jamais connu et où il ne possède rien, un “retour” sur une terre spoliée, en vertu d’une promesse d’un homme d’Etat britannique, M. Balfour, faite en pleine guerre mondiale, ou d’une prétendue promesse divine dont on trouverait une trace dans la Bible, il y a quatre ou cinq mille ans. Promesse qui aurait été faite à Abraham dont les descendants sont d’ailleurs aussi bien juifs, qu’Arabes,  musulmans et chrétiens. C’est ainsi que le sionisme a réussi à rassembler en Palestine, durant les cent dernières années, une population hétéroclite en provenance de tous les horizons du monde.
Mais l’Arabe, chrétien et musulman, chassé par la terreur sanglante de l’Irgoun, du Stern et du Mapam, de sa maison, de son village, de ses terres, n’est pas admis à invoquer le même “droit au retour”. Il n’a qu’à  recevoir, pour survivre, les secours de la charité internationale.
Dans cette évolution, la responsabilité de la diplomatie des Etats-Unis est facile à démontrer. Elle n’a souvent été guidée que par cette idée fausse qu’avec de l’argent, tout peut s’arranger. Mais rien ne s’est arrangé.

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Voilà comment se pose de nouveau le problème des réfugiés palestiniens, au moment où l’on reparle de la relance des négociations de paix entre Israël et ses voisins.
Depuis cinquante ans, que de conférences internationales, que de commissions dans le cadre de l’ONU ou hors de ce cadre, pour rechercher une solution! Sans résultat! Israël n’a jamais varié sur son refus d’envisager un droit quelconque au retour en faveur des populations chassées et dont les propriétés ont été confisquées comme un butin de guerre. Les pays arabes concernés, eux non plus, n’ont pas varié dans leur revendication d’un droit confirmé par des résolutions de l’ONU.
Comment pourra-t-on trouver maintenant une solution à ce problème?
Avec le temps, la diplomatie américaine a perdu de sa crédibilité et de son autorité morale dans cette région du monde. A l’opposé, Israël s’est renforcé, est plus sûr  de lui-même, plus peuplé. Son développement démographique rend absolument invraisemblable la possibilité de rendre leurs propriétés aux Palestiniens qui décideraient de retourner dans leur pays si ce droit leur était accordé. Il resterait l’indemnisation pour laquelle il faudra que la “communauté internationale”, les Etats-Unis en tête (mais, on l’imagine aisément, sûrement pas Israël lui-même, le spoliateur) se mobilise, réunisse les fonds et invente un mécanisme d’exécution. Et si cela est concevable sur le papier (après tout, on y a bien réussi en faveur des juifs victimes des Nazis), on n’aura pas pour autant résolu le problème fondamental: où iraient les réfugiés indemnisés?
Il y a, bien sûr, la Cisjordanie (ou ce qui en restera) et Gaza promis à devenir un Etat palestinien. C’est la perspective  la plus raisonnable. Encore faudra-t-il qu’Israël, s’il accepte cet Etat, n’émette pas un veto, comme c’est le cas actuellement, au retour des Palestiniens, non plus en Israël même, mais dans leur propre Etat.
L’Amérique, qui mène le jeu, n’a pas encore pris position là-dessus.

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Comme on le constate, entre le droit et les réalités politiques et démographiques, il faudra nécessairement trouver un compromis. Parmi ces réalités politiques et démographiques, on devra, en tout premier lieu, tenir compte du problème particulier, tant de fois soulevé, du Liban qui subit le poids de quelque 400.000 réfugiés.
Si Israël est admis, aujourd’hui, à refuser  le retour des Palestiniens en Palestine alors que c’est leur droit le plus certain, à plus forte raison, le Liban ne peut pas accepter l’implantation définitive de ces mêmes Palestiniens sur son sol où ils n’ont aucun droit. Eux-mêmes, du reste, n’en revendiquent aucun.
Voilà encore une situation qui relève directement de la responsabilité des Etats-Unis qui, depuis cinquante ans, ont œuvré sans relâche à aider Israël à rendre ces problèmes inextricables, alors qu’aujourd’hui, ils s’engagent, pour la millième fois, à les résoudre!
On peut se demander sérieusement si M. Clinton est bien conscient des difficultés pour tenir son pari de paix dans quinze mois. Ou si, en définitive, il n’est pas secrètement prêt à s’abandonner au hasard. M. Barak ne lui a-t-il pas interdit d’avoir des idées?... Tout en prenant les dollars et les armes nouvelles que l’Amérique lui offre généreusement. 


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