DÉPUTÉ DE BEYROUTH

BAHAEDDINE ITANI

"LA POLITIQUE FINANCIERE DU GOUVERNEMENT NE TRADUIT PAS LE DISCOURS PRESIDENTIEL"

Tout en appuyant le régime, M. Bahaëddine Itani, député de Beyrouth, fait partie du bloc parlementaire haririen et se distingue par ses prises de position pondérées. On pourrait croire qu’il doit faire de l’équilibrisme pour évoluer sur la scène politico-parlementaire sans trébucher! “Pas du tout, assure-t-il, car il suffit de n’avoir en considération que l’intérêt supérieur de la patrie. De cette manière, on est prémuni contre le risque courant que constituent les surenchères dans un domaine aussi délicat.”
Pourquoi appuie-t-il le président Emile Lahoud? “Parce que c’est la planche de salut et il se soucie d’édifier l’Etat de la loi et des institutions.”

PRIORITÉ AU PROBLÈME ÉCONOMIQUE
A quoi, d’après vous, doit-on accorder la priorité dans les circonstances présentes?
Au problème économique, sans aucun doute. Mais on ne peut dissocier la situation socio-économique de la situation politique, cette dernière étant quelque peu perturbée actuellement. Etant entendu que le gouvernement, tout gouvernement, est responsable des problèmes intéressant les citoyens dans leur vie quotidienne.
A cette occasion, je demande au Cabinet d’affranchir la réforme des passions politiques, sinon nous perdrions la politique, sans gagner la réforme.

PLAN QUINQUENNALET CRISE ÉCONOMIQUE
Le plan quinquennal de redressement élaboré par le gouvernement peut-il assurer un traitement sain de la crise économique?
Le gouvernement a mis l’accent sur la nécessité de réduire le déficit budgétaire et la dette publique, en optant pour le relèvement des taxes et des impôts. Nous sommes d’accord avec les responsables quant à leur objectif, sans pour autant souscrire aux moyens adoptés pour y parvenir.
La situation socio-économique ne permet pas l’adoption de tels moyens et il serait plus indiqué de réactiver le cycle économique, tout en procédant à l’exécution de projets de développement et d’équipement. A ce moment, les rentrées du Trésor augmenteront.
Le marché se ranimera et le pays jouira de nouveau de la prospérité. Car la responsabilité de l’Etat ne se limite pas à alimenter le Trésor; il est tenu de réactiver les secteurs productifs pour mettre un terme au marasme.

Les dernières statistiques indiquent une baisse sensible du mouvement des exportations libanaises dans une proportion de 10 pour cent. Quelle en est la cause?
Les causes sont multiples. D’abord, les matières premières importées sont payées en devises étrangères. Puis, la plupart des Etats arabes se sont industrialisés et, partant, se passent des produits de notre industrie nationale. Ensuite, bien des Libanais ont transféré leurs activités en dehors du pays durant la guerre et la plupart d’entre eux ne sont pas encore revenus.
Enfin, il ne faut pas perdre de vue la destruction de nos infrastructures durant les douloureux événements. Les précédents Cabinets les ont remises en état, ce qui encourage les investisseurs à revenir.

POLITIQUE FISCALE
La politique fiscale que le “Cabinet des 16” se propose d’instaurer, ne favorise-t-elle pas l’instaura-tion de la justice sociale et ne contribue-t-elle pas à stabiliser l’économie, tout en ramenant la prospérité dans nos murs?
La politique fiscale est un sujet très délicat, en raison de ses retombées sur la société libanaise dans toutes ses catégories et ses secteurs. Il n’est nullement permis d’improviser dans ce domaine et nous devons nous inspirer des systèmes fiscaux appliqués par les pays voisins.
Puis, les étrangers ne sont pas rassurés et s’abstiennent d’investir dans un pays, si ses autorités modifient en permanence son système fiscal.

Où se situe l’opposition et s’est-elle rétractée?
Le débat budgétaire a redonné à l’Assemblée nationale son rôle et sa vitalité, tout en réactivant la vie parlementaire, en général. Les députés y ont exprimé leurs avis et joué leur rôle en tant que Pouvoir législatif et de contrôle. Ce qui constitue une performance en faveur du système démocratique et de la vie politique, abstraction faite du gagnant.
A voir le nombre des interventions au cours de ce débat, nous constatons que l’opposition a enregistré une certaine victoire, le gouvernement étant discrédité.

PLAN QUINQUENNAL ET ENDETTEMENT
Le plan quinquennal ne constitue-t-il pas un prélude au règlement du problème de l’endettement et à l’amé-lioration des finances de l’Etat?
Le discours d’investiture constitue le programme de travail des Cabinets actuel et prochains. Mais le plan quinquennal et la politique financière du gouvernement ne traduisent pas ce discours, d’autant que des déductions contradictoires se font au sujet de la politique économique et fiscale.

Comment voyez-vous l’attitude officielle, après la dernière agression israélienne?
Les tâches du gouvernement sont multiples. Celles de l’Etat moderne consistent en la protection, la planification, la construction et le développement. Aussi, l’action du gouvernement dans une question déterminée, tel l’affrontement de l’agression, ne suffit-elle pas à attester son succès. Beaucoup de demandes doivent être réalisées, en tête desquelles l’autonomie de la Justice. Il faudrait amender certaines lois de manière à garantir les droits des justiciables et à respecter la dignité de l’accusé jusqu’à la confirmation de son délit.
Le principe reconnu internationalement dit: “Il est préférable d’acquitter cent criminels que de condamner un innocent.” Aussi, faudrait-il mettre une limite raisonnable à la question des mandats d’arrêt.

QUID DE LA LOI ÉLECTORALE?
Comment concevez-vous le système électoral? Si la circonscription moyenne était adoptée et le mohafazat divisé en deux ou trois, approuveriez-vous le découpage de Beyrouth?
La loi électorale vise à assurer une bonne représentation populaire, condition nécessaire à l’union nationale, la stabilité politique, l’égalité et l’équilibre. Le découpage des circonscriptions d’une façon étudiée et objective, est le prélude à une bonne représentation populaire.
Le découpage doit prendre en considération la situation de chaque district, voire sa contexture confessionnelle et politique. Ce qui pourrait être appliqué dans un district, ne le serait pas nécessairement dans les autres, d’autant plus que Beyrouth a prouvé durant les différentes époques, qu’elle est une unité politique.

Propos recueillis par
JOSEPH MELKANE

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