LE CAMP DE AIN EL-HELOUE: LA POUDRIERE...
Les observateurs politiques comparent la situation à Aïn el-Héloué (près de Saïda) à un baril de poudre qu’une étincelle ferait exploser. Dans ce camp, le plus grand au Liban, vivent plus de 65.000 personnes, loin de toute autorité étatique libanaise.
 


Certains considèrent qu’il est temps d’ouvrir le dossier des camps palestiniens, à commencer par celui de Aïn el-Héloué. D’autant qu’il est question de reprise des pourparlers de paix sur les volets libanais et syrien, ainsi que d’implantation depuis la prise en charge, par Ehud Barak, de la présidence du Conseil en Israël.
Aussi, un lien existerait-il entre la situation et les derniers événements, à savoir: le retrait de l’ALS de Jezzine et l’assassinat des quatre juges au palais de Justice de Saïda dont les auteurs restent encore inconnus, mais qui pourraient être des éléments fondamentalistes ayant fait du camp de Aïn el-Héloué leur centre de ralliement.
Ceci porte à s’interroger sur la présence des armes dans les camps palestiniens où la Légalité libanaise n’a pas droit d’accès, en raison d’une ligne rouge régionale et internationale. De plus, l’Etat craint que l’ouverture prématurée du dossier des réfugiés mène à leur implantation avant d’étudier leur sort dans le cadre des pourparlers de paix gelés depuis trois ans.


Mounir Makdah: de nouveau
dans les rangs de Fateh.

TROUBLES ET CRIMES
Les derniers troubles à Saïda marqués par l’assassinat des policiers Nizar Areifi et Mourched Abou-Saleh; le crime perpétré contre les juges et le hold-up de la branche de la Banque libanaise pour le Commerce à Damour, ont braqué la lumière sur la situation au camp de Aïn el-Héloué, dont la structure politique et sécuritaire complexe diffère de celle des autres camps.
Ce camp dispose de diverses forces palestiniennes, ainsi que d’organismes de sécurité et de renseignements, de l’extrême-droite à l’extrême-gauche.
Plusieurs courants s’y disputent le “pouvoir”, les plus importants étant le mouvement Fateh, dirigé par Yasser Arafat et l’Alliance des forces palestiniennes qui lui est opposée formée de: l’Intifada, la “Saïka”, le Front populaire, le commandement général, le Front de libération de Palestine, le Parti socialiste révolutionnaire palestinien, le Front de lutte nationale, “Hamas”, le “Jihad islamique” et le commandement unifié des Fronts populaire et démocratique de libération de la Palestine.

LE FEU VERT DONNÉ À FATEH?
Parallèlement à ces forces, on distingue à l’intérieur du camp des forces islamiques dominant les mosquées et commandant les questions religieuses: “Isbat Al-Ansar”, dirigée par Ahmed Abdel-Karim Saadi, poursuivi par la Justice libanaise pour le meurtre de cheikh Nizar Halabi, président de l’Association des œuvres de bienfaisance islamiques; la “Jama’a Islamiya” (section Palestine) sympathisant avec Saadi; “l’Association antagoniste à “Isbat Al-Ansar” appuyée par certains pays arabes.
La structure politique des forces à l’intérieur du camp paraît avoir changé, après la décision de Fateh de se réorganiser militairement, dans une première initiative de son genre depuis 1991, date de l’entrée de l’armée libanaise à Saïda. Des sources sûres indiquent que Fateh possède la force nécessaire pour dominer militairement le camp, le feu vert lui étant donné par son commandement.
Ces sources précisent que Fateh a alloué environ un million de dollars US pour sa réorganisation. Les raisons de cette décision restent imprécises, à l’heure où il est question de reprise des négociations sur les volets libanais et syrien et suite aux événements de Saïda.
Des sources proches de Fateh font état d’une décision prise par le “commandement du comité-Liban”, relative à la sauvegarde de cadres, suite à l’assassinat du brigadier Amine Kayed, responsable de la sécurité de Fateh au Liban et à la tentative d’assassinat d’un autre responsable, Jamal Dayekh (Abou-Dib).
Le mouvement a mobilisé environ 400 éléments du camp, dans le but “d’assurer la sécurité”. Six unités militaires ont été réparties aux entrées principales du camp et dans les bureaux qui paraissaient vides depuis longtemps.
Ces sources ajoutent qu’un comité militaire a éte formé sous la présidence de Fouad Aouad, pour suivre l’évolution de la situation dans le camp et empêcher tout attentat contre ses cadres.


Fateh mobilise quatre cents éléments
en vue d’imposer sa loi dans le camp

SITUATION EXPLOSIVE
Au cours d’une tournée sur les lieux, on constate que les bureaux de Fateh sont surveillés par des dizaines de miliciens.
Les habitants du camp manifestent leurs appréhensions, face à cette situation et parlent d’un éventuel projet de Fateh d’accaparer la décision du camp dans le but de détenir la carte des réfugiés palestiniens au Liban.
Le Palestinien Abou Ahmed Hussein affirme: “La situation est anormale. Le camp ressemble à un baril de poudre qu’une étincelle ferait exploser. Cette situation est liée à l’évolution des événements sur la scène libanaise et aux pourparlers de paix.”
Et d’ajouter: “Les habitants du camp sont convaincus de ne pas avoir recours aux armes, mais les derniers événements montrent que la situation est explosive.”
Dans cette atmosphère survoltée, les habitants du camp mènent leur vie quotidienne.
Hussein Mi’ari, un ancien combattant, raconte: “Nous avons combattu pour la libération de la Palestine et notre retour. Nous refusons l’implantation ou l’exode et réclamons notre retour en Palestine selon la résolution 194 du Conseil  de Sécurité.”
Son compagnon de lutte “Abou Saleh” ajoute: “Le sort des réfugiés palestiniens est encore inconnu, mais nous espérons être enterrés dans la terre de nos ancêtres en Palestine.”

RISQUE D’ESCALADE MILITAIRE
D’un autre côté, un responsable des forces opposantes palestiniennes considère ce qui s’est passé dans le camp comme un “renversement pacifique”. “Le but de Fateh, dit-il, à travers la réorganisation de ses rangs est de dominer la situation dans le camp et de négocier, ultérieurement, son sort avec l’Etat libanais, ainsi que celui des réfugiés au cours des pourparlers avec Israël.”
Il met en garde contre une escalade militaire qui servirait l’ennemi israélien et considère que le retour de Mounir Makdah dans les rangs de Fateh, a rendu au mouvement sa liberté d’action.
Ce même responsable indique que des réunions secrètes entre les commandements des forces de l’opposition sont tenues, afin d’affronter cette nouvelle situation, d’autant plus que Sultan Aboul-Aynaïn, responsable de Fateh au Liban, a visité à plusieurs reprises le camp, pour apporter l’appui nécessaire à ses hommes. Il a assuré que l’opposition n’entrera pas dans un conflit interne, afin d’éviter l’effusion de sang.
Quant aux forces islamiques qui gardent le silence, elles craignent que ces préparatifs soient une tentative de les éliminer et d’anéantir leur influence. Elles désapprouvent donc la bataille et ne s’y engageraient qu’en cas de légitime défense.
Le camp dépassera-t-il cette situation ou serait-il le théâtre d’un conflit interne, ce qui permettrait à la Légalité d’y étendre son autorité?
La réponse à cette question se décanterait dans les prochaines semaines. 



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